Mobilisé·e·s contre la pédocriminalité et la pornocriminalité
- La 22e Rencontre départementale de l’Observatoire des violences envers les femmes s’est tenue mardi 6 mars à la bourse du travail de Bobigny.
- En plus de l’état des lieux annuel des obstacles et avancées pour l’égalité et la sécurité des femmes, cette édition portait l’accent sur la pédopornographie et la pornocriminalité.
- Des fléaux qui n'attendent plus qu'une volonté politique pour être combattus.
« 4 ans, c’est l’âge moyen des victimes dans les enquêtes diligentées par l’Office Mineurs. Mais on compte une part de plus en plus importante de victimes entre 0 et 24 mois, dans des contenus sadiques » assène Diane Salomon, psychologue clinicienne au sein de ce service de la Direction nationale de la police judiciaire. Créé en septembre 2023, l’OFMIN est dédié à la lutte contre les violences faites aux mineur·e·s. Il combat notamment l’exploitation sexuelle des mineur·e·s en ligne. « On qualifie de pédocriminel un contenu présentant un ou une mineure réalisant un acte sexuel réel ou simulé. 60% des images de mineur·e·s échangées entre les pédocriminels sont de l’autoproduction. C’est-à-dire que les mineur·e·s se prennent eux-mêmes en photo, en vidéo, ils envoient des « nudes » à un petit ami, ou quelqu’un qu’ils prennent pour un petit ami. Ou bien encore il s’agit de photos prises par des proches, mises sur les réseaux sociaux ordinaires (Facebook, Insta etc), récupérées par les pédocriminels puis modifiées à l’aide de l’intelligence artificielle. Et la France se classe 4e dans le classement mondial des hébergeurs de contenus illicites relatifs à des enfants. »
Sextorsion et livestreaming
Deux phénomènes sont les plus à craindre, du fait de leur capacité à se développer. « Le premier est la sextorsion. Un chantage où le criminel menace la victime de partager des contenus sexuels la mettant en scène. En 2023, l’OFMIN a reçu 12 000 signalements pour des faits de sextorsion, mais ils sont certainement beaucoup plus nombreux. Les victimes sont souvent âgées entre 10 et 17 ans, et généralement les criminels exigent de l’argent de la part des garçons et des pratiques sexuelles de la part des filles. » L’autre phénomène est le livestreaming, soit la diffusion en direct ou en différé d’agressions sexuelles de mineurs sur commande. « Il s’agit de viols, pouvant être accompagné d’actes de torture, sur des mineur·e·s. Les victimes sont majoritairement prépubères, souvent issues de familles d’Asie du Sud-Est vivant dans l’extrême pauvreté. Le consommateur est mis en relation via une plateforme grand public comme Skype, pour un prix peu élevé, entre 15 et 60 $. »
Porno et crimes sur écran
Autre phénomène de violences lié au web, la pornocriminalité. « C’est une industrie, déclare à la tribune Céline Pique, co-présidente de la commission violences faites aux femmes au sein du HCE (Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes). Une industrie dans laquelle des femmes et des filles sont massivement victimes de violences physiques et sexuelles. » Le HCE a publié le 27 septembre 2023 un rapport aux chiffres édifiants :
- 90% des contenus pornographiques contiennent de la violence physique ou verbale, et sont donc pénalement répréhensibles.
- 1,5 million de vidéos classées dans des catégories racistes
- 1,3 million de vidéos pédopornographiques banalisant et érotisant l’inceste et la pédocriminalité
- Les garçons exposés à la pornographie présentent 3,3 fois plus de risques d’avoir des comportements sexuels préjudiciables.
« Pour obtenir ces images, les criminels utilisent la même stratégie de l’agresseur, commune aux prostituteurs, violeurs, abuseurs. » Les organisateurs diffusent alors un extrait du podcast Les pieds sur terre, consacré à la violence dans la pornographie.
Une femme y témoigne de la façon dont un pseudo photographe a profité de sa situation de faiblesse, pour l’attirer dans un véritable piège où elle a dû sous le regard de la caméra, subir des agressions sexuelles de plusieurs hommes. Céline Pique rappelait à cette occasion que plusieurs fondateurs de sites pornographiques sont actuellement mis en examen pour viols, proxénétisme aggravé, traite des êtres humains ou actes de torture. « Mais il semble que l’industrie pornographique jouisse d’une certaine impunité. Pourtant, la France dispose de l’arsenal juridique suffisant pour faire cesser ses abus. »
Un arsenal judiciaire qui attend d’être employé
Le HCE a fait plusieurs recommandations en ce sens. La première, acter que la loi de 2016 relative à l’interdiction de l’achat d’actes sexuels s’applique également à la pornographie. La deuxième, exiger l’intervention de PHAROS, le portail de signalement de contenus illicites de l’Internet, pour bloquer les sites pornographiques présentant des contenus racistes, banalisant l’inceste et présentant des actes dégradants. Troisième recommandation, faire respecter la loi de 1994 interdisant d’exposer les mineur·e·s à la pornographie. « L’arsenal juridique existe, insiste Céline Pique, il ne manque plus que la volonté politique pour l’utiliser. »
Stéphane Troussel, président de la Seine-Saint-Denis, avait lui déclaré en ouverture de la journée : « Le rapport 2023 du Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes sur la pornocriminalité montre notamment les ravages de l’industrie pornographique et son rôle dans la diffusion d’une culture sexiste violente et dans la banalisation de la violence sexuelle, et donc la nécessité de mieux protéger les victimes.
A travers les initiatives portées par l’Observatoire, en partenariat avec les services du Département, de l’Etat et les associations, nous démontrons notre implication pour prévenir et lutter contre les violences sexuelles.»
Photos : Nicolas Moulard
La roue de la protection
La roue de la protection est un nouvel outil co-construit par l’Amicale du Nid, LAO Pow’Her et l’Observatoire départemental des violences envers les femmes. Cet outil est destiné aux professionnel·le·s pour faciliter le dialogue entre les jeunes et les professionnel·le·s.
Elle est composée de 3 roues :
- Je me sens
- Je vis
- J’ai besoin
Cette roue permet aux victimes de prendre conscience de leur état d’esprit, de leur situation, de leurs besoins et leur évolution. Les professionnel·le·s du Département la recevront et seront formé·e·s à son usage.