Des rencontres dédiées aux femmes vulnérables

Des rencontres dédiées aux femmes vulnérables
Protection des femmes
  • Les 21ème Rencontres Femmes du monde en Seine-Saint-Denis ont réuni plus de 450 professionnel·les le 17 novembre à la Bourse du travail de Bobigny.
  • Elles ont été animées par Alice Casagrande, qui succède à Ernestine Ronai à la tête de l'Observatoire des violences faites aux femmes de notre département.
  • Elle nous détaille les enjeux de ces Rencontres annuelles et trace des perspectives pour la suite...

Portrait Alice Casagrande, la nouvelle directrice de l'Observatoire des violences faites aux femmesVous remplacez depuis octobre Ernestine Ronai qui a fondé en 2002 puis dirigé l’Observatoire départemental des violences faites aux femmes. Pourquoi avez-vous choisi de prendre le relai à la tête de cette structure ?  

J’étais secrétaire générale de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences faites aux enfants (Ciivise) et j’ai découvert le territoire de Seine-Saint-Denis à travers de nombreux échanges avec le Département, en particulier la mise en place d’un séminaire et d’une démarche participative sur les violences sexuelles faites aux enfants. C’étaient de belles rencontres humaines et j’ai vu un territoire dynamique, qui agit dans une culture coopérative.
Par ailleurs, après m’être impliquée dans la politique publique sur le plan national, j’avais envie de m’investir dans l’action territoriale, plus près des réalités du terrain. Enfin, l’Observatoire des violences faites aux femmes, qui possède un rayonnement national, propose des choses extraordinaires et innovantes pour la protection des femmes, qui leur changent la vie et j’ai souhaité m’intégrer dans le prolongement de cette belle aventure.

La 21ème édition de ces Rencontres est dédiée cette année aux femmes vulnérables, migrantes, en situation de précarité ou mineures. En quoi cette journée leur sera utile ? 

Cette journée de rencontres a permis de donner la parole à des acteurs différents et complémentaires : chercheur, travailleur·euses sociaux·ales, professionnel·les des soins, associations comme SOS Femmes 93, France Terre d’Asile, POW’her, le CIDFF 93… Ces structures n’agissent pas de manière isolée et l’ambition de l’événement est de leur donner la parole ensemble. Il faut faire connaître les ressources et les différents dispositifs de manière à ce que les femmes victimes de violences ou en situation de grandes tensions puissent être informées et orientées au mieux en fonction de leur situation. Comme il y a un continuum de violences, il faut qu’il y ait un continuum de réponses, sans trou dans la raquette. La coordination entre les acteurs leur permet à la fois d’être plus efficaces parce que complémentaires et de ne pas céder au découragement.  Des guides destinés aux professionnel·les et visant à mieux soutenir les femmes victimes de violences ont été présentés, qui mettent en avant à la fois des méthodes de repérage et les partenaires ou ressources existant sur le territoire.

La question des enfants victimes de violences, entre autres sexuelles, a été abordée. C’est une préoccupation forte du Département ? 

Absolument. Lors de la matinée, Lucile Debove, directrice adjointe de la Direction Enfance et Famille, a mis en avant un guide destiné aux professionnel·les des PMI, des crèches, des services sociaux, de l’Aide sociale à l’enfance… pour mieux détecter les situations de violences sexuelles et d’inceste envers les mineurs. L’après-midi, l’Unité d’accueil pédiatrique enfants en danger (UAPED), qui a vu le jour récemment à l’hôpital Jean-Verdier de Bondy, a pu faire connaître son activité. Il accueille les enfants victimes de négligences, de maltraitances ou de violences en étant dans une démarche de soins, respectueuse de la situation psychologique et de la vulnérabilité de l’enfant.

De même, des Unités médico-judiciaires, notamment celle de l’hôpital Jean-Verdier à Bondy, accueillent les personnes mineures ou majeures victimes de violences et leur proposent des orientations adaptées. La précarité ou le fait de ne pas bien maîtriser la langue ou le système administratif français, pour les femmes migrantes, ne facilitent pas la dénonciation des violences conjugales. On cherche à proposer des solutions, avec par exemple des dispositifs d’accompagnement à l’insertion socio-professionnelle au sein des services sociaux, la mise en place d’un réseau destiné à apprendre le français, le soutien d’associations…

L’Observatoire des violences faites aux femmes a fait école à l’étranger avec deux structures soeurs créées aux Comores et en Palestine. Quelles relations sont nouées entre l’Observatoire et ces centres ?

La mise en place des Observatoires des violences faites aux femmes à Ngazidja aux Comores et à Jénine en Cisjordanie a été facilitée par l’Agence française de développement, avec l’essor et la mise en place par nos équipes du projet « Pour des territoires protecteurs des femmes victimes de violences ».  Nous avons formé nos correspondants à l’étranger sur la lecture des violences, la stratégie de l’agresseur… et on leur a proposé de les accompagner pour déployer leurs outils au sein des équipements des deux pays, sachant que ces deux pays vivent des réalités bien différentes.
En Palestine, le centre accueille les filles et les femmes dans les locaux mis à disposition par la municipalité de Jénine et leur offre un soutien dans des activités communautaires, dans un quotidien où la population souffre beaucoup du conflit israélo-palestinien. Celle-ci peut s’extraire temporairement des tensions, se rencontrer, se parler ou vendre des produits issus de la production locale, une façon d’assurer une survie économique.

Le centre des Comores, dont le projet n’est pas aussi avancé, a bénéficié également de l’exportation de notre modèle. En 2023, 247 victimes ont été enregistrées à Ngazidja, dont 207 ont subi des sévices sexuels, les violences les plus difficiles à dénoncer étant ceux qui proviennent de la famille. L’Observatoire des violences faites aux femmes des Comores apporte un cadre sécurisant aux femmes en situation de vulnérabilité.

Quels sont vos futurs projets en tant que responsable de l’Observatoire des violences faites aux femmes de Seine-Saint-Denis ? 

J’ai la chance de succéder à Ernestine Ronai qui a mené un immense travail de partenariat avec de très nombreux acteurs à la tête d’une structure unique en France, qui a le soutien de tous les partenaires du territoire. Je vais me battre pour maintenir son héritage et faire vivre le mieux possible les missions qu’elle a entreprises. Car les partenariats, ce n’est pas figé, cela doit vivre !
Au niveau des actions engagées, je vous parlerai d’abord de notre préoccupation pour les femmes âgées et/ou handicapées victimes de violences et souvent invisibilisées. Avec la Direction de l’Autonomie, nous allons mettre en place progressivement un questionnement systématique à l’intention des femmes de plus de 75 ans ou en situation de handicap pour mieux chiffrer les violences. Nous allons pour cela mobiliser de nombreux acteurs (notamment les équipes de la MDPH mais aussi nos partenaires de l’Unité médico-judiciaire). Mais cet objectif a un préalable : identifier les ressources de soins et de mises à l’abri disponibles sur le territoire pour les aider. Il s’agit donc d’une démarche de fond, structurante et qui prendra du temps.
Nous souhaitons aussi à terme que notre Observatoire, qui dispose déjà d’un comité de pilotage avec tous ses partenaires, associe beaucoup plus directement des femmes victimes de violences, afin qu’elles nous aident à construire les politiques de prévention et de protection. En réalisant cela, on ferait en sorte que notre politique publique de lutte contre les violences ne soit plus seulement faite pour elles mais par et avec elles.
Cette participation des femmes victimes est en pleine cohérence avec l’action intitulée « Les cent voix« , qui associe des citoyens du territoire à l’action du Département. Si nous réussissons cela, cela sera à la fois une source de réparation pour les victimes et un modèle inspirant pour d’autres structures en France. Nous serons alors fidèles à l’esprit d’innovations au service des femmes qui est l’ambition de l’Observatoire depuis sa création.

Rencontres des Femmes du monde en Seine-Saint-Denis en 2025 à Bobigny

Crédit-photo : Nicolas Moulard

À lire aussi...
Egalité femmes-hommes

En finir avec les féminicides…

Les féminicides et les violences faites aux femmes augmentent partout dans le monde. Un constat dressé par l’Observatoire des violences faites aux femmes. Pour lutter contre ce fléau, en France, la justice s’organise et ses dispositifs de protection s’améliorent.
À lire aussi...
Violences conjuguales

Des associations de plus en plus nombreuses pour aider les femmes

Hébergements d’urgence, aide au déménagement, aide juridique : de plus en plus d’associations interviennent, en partenariat avec le Département, dans le parcours de femmes victimes de violences conjugales. Un Abri qui sauve des vies, SOS Victimes 93 ou encore La[...]

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *