Ces étranger·e·s qui font la Seine-Saint-Denis
- Des aides sociales conditionnées à une durée de séjour de 5 ans, la mise en place d’une caution pour les étudiants étrangers ou le durcissement des conditions du regroupement familial : voilà ce que contenait la loi immigration, votée le 19 décembre dernier par l’Assemblée nationale.
- Un tiers des articles de cette loi viennent d'être retoqués par le Conseil constitutionnel.
- Puisque la menace d'un durcissement des conditions de vie des étrangers en France continue de planer, Seinesaintdenis.fr vous propose ici une galerie de portraits de personnes étrangères vivant en Seine-Saint-Denis.
Des aides sociales conditionnées à une durée de séjour de 5 ans contre 6 mois actuellement, la mise en place d’une caution pour les étudiants étrangers ou encore le durcissement des conditions du regroupement familial : voilà ce que contenait la loi immigration, votée le 19 décembre dernier par l’Assemblée nationale.
Un tiers des articles de cette loi viennent d’être retoqués par le Conseil constitutionnel, dont les mesures pré-citées. L’Aide médicale d’Etat (AME), qu’il avait été un moment question de transformer en Aide d’urgence réservée aux cas de santé les plus extrêmes, continue toutefois d’être menacée. La rédaction de seinesaintdenis.fr a donc décidé de lancer cette galerie de portraits pour rappeler que, bien loin d’être un poids ou de représenter un coût, les étrangers font partie de la société française et lui permettent d’avancer, par l’apport d’autres cultures et de savoir-faire.
Hawa Sarr, étudiante
Elle a quitté son Sénégal natal et est venue en France en 2021 pour poursuivre ses études. « Je suis actuellement en Master 2 études hispaniques et hispano-américaines à la Sorbonne Nouvelle. J’ai trouvé les études qui me convenaient grâce au site Campus France destiné à aider et guider les étudiants étrangers. »
Comme beaucoup d’étudiants étrangers, Hawa a tout d’abord été hébergée dans une famille de sa connaissance, mais étudier dans ce cadre n’était pas facile. Pour pouvoir se loger, subvenir à ses besoins, Hawa cherche à travailler. « Le premier emploi a été très difficile à trouver, il m’a fallu beaucoup de recherches, beaucoup d’envois de CV et lettres de motivation, beaucoup de rendez-vous… Finalement je suis parvenue à trouver un emploi d’agente d’exploitation dans une entreprise de logistique. Grâce à cela, j’ai pu obtenir mon logement au Bourget, près de la gare. »
Tout va bien désormais pour Hawa, même si chaque année elle doit renouveler son titre de séjour, un très long exercice de patience à la préfecture de Bobigny… « L’attente est toujours interminable, il faut toujours anticiper car il n’y a pas moyen d’obtenir de rendez-vous avant 3 mois. Et impossible d’obtenir sur place des renseignements sur les démarches à suivre : on ne rentre pas sans rendez-vous et il n’y a même pas d’accueil dédié aux renseignements ! Après notre demande, on attend, on attend… Et bien souvent le titre de séjour arrive bien après l’échéance du précédent ! Et sans ce précieux document, pas de travail, pas de logement, pas de nourriture correcte, pas d’études. Pour pouvoir étudier, chacun a besoin de tranquillité d’esprit » et dépendre chaque année d’une décision administrative si longue à venir n’aide pas à la sérénité… D’autant plus que les étudiants étrangers hors Union européenne doivent verser des droits d’inscription différenciés. Hawa connaît leur montant par cœur : « 2 770 € pour l’inscription en licence et 3 570 € pour le Master », une somme importante pour des étudiants qui souvent font seuls face à leurs dépenses. « Avec le coût de la vie, la solitude est l’un des principaux obstacles à la réussite des étudiants étrangers. Arriver dans un pays inconnu, sans connaître qui que ce soit, ni les usages, les règles administratives, c’est très difficile et certains élèves pourtant brillants n’y parviennent pas. » Hawa elle compte bien aller le plus loin possible dans ses études et envisage un doctorat. Elle compte enseigner en France, acquérir de l’expérience pour « pourquoi pas un jour retourner ensuite au Sénégal, y enseigner et faire progresser mon pays ? »
Lorsqu’on lui demande son avis sur la nouvelle loi immigration, Hawa répond : « Elle considère tous les étrangers de la même façon, comme s’ils étaient tous pareils ! En ce qui concerne les étudiants, la caution demandée va limiter le nombre d’étudiants et créer une sélection par l’argent. Car même s’il sera possible de la récupérer, cette caution, il va d’abord falloir la verser ! Je pense qu’elle ne sert qu’à bloquer le nombre d’étudiants étrangers, ce qui est dommage pour la France car ils viennent avec des projets, enrichissent la France par leurs recherches.
Cette loi dresse des barrières, elle suggère qu’il faudrait protéger les Français, comme si les étrangers étaient un danger. Je pense qu’il faudrait au contraire que les Français acceptent que les différences de nationalité, de culture, de couleur de peau ne constituent pas des obstacles mais qu’elles favorisent au contraire le partage, la solidarité et la considération les uns envers les autres. »
Kheira Chergui, professeure de Français Langue Etrangère
« Les gens qui suivent mes cours sont inquiets par rapport à cette loi. Ca va encore précariser plein de gens » Kheira Chergui, 59 ans, sera ce dimanche à la manifestation contre la loi immigration. Pour cette enseignante algérienne en Français Langue Etrangère, elle-même anciennement sans-papiers, il était inenvisageable de ne pas y être.
« Il y a toujours eu cette stratégie de l’étranger bouc émissaire, mais là, j’ai l’impression que c’est encore pire qu’avant », juge cette femme forte, avant tout préoccupée pour ses élèves, Algériens, Maliens, Bengalis à qui elle dispense des cours d’alphabétisation via l’association Parents d’ici, parents d’ailleurs et aussi l’association Africa, basées à La Courneuve.
Cette dernière association a aussi joué un grand rôle pour Kheira, en situation irrégulière au moment de son arrivée sur le sol français, en 1988. « J’ai quitté l’Algérie et Oran, où j’ai grandi, parce que j’en avais un peu marre de l’ordre des choses là-bas. J’étais prof de physique et il fallait sans cesse faire allégeance au directeur, ça ne me plaisait pas. Mais j’étais loin de me douter que j’allais autant galérer à mon arrivée en France », raconte Kheira, qui précise toutefois qu’elle n’a pas connu les années de plomb et la montée de l’islamisme en Algérie.
« Je comptais reprendre des études de professorat ici en France, mais ça ne s’est pas fait. Avoir mes papiers, la nécessité de gagner ma vie à travers plein de petits boulots au noir, tout ça a pris beaucoup plus de temps que je ne le pensais », se souvient Kheira qui a aussi eu 5 enfants.
Le racisme, elle dit ne pas l’avoir éprouvé pour elle-même en France, mais en avoir été témoin pour d’autres personnes. « Pour moi, je ne dirais pas que j’en ai été victime, mais aussi parce que je n’ai jamais voulu me cacher derrière ça. Pour mes enfants, c’est autre chose. Je pense franchement qu’un jeune qui vient de la Courneuve, qui s’appelle Abdelkader Chergui – le nom de mon aîné – même s’il est français, il devra en faire deux fois plus pour y arriver. Qu’est-ce que c’est, sinon une forme de discrimination ? », s’interroge cette mère de famille, qui pousse ses enfants à aller voter. « On peut ne pas toujours être content de l’offre politique, mais le vote sert à quelque chose. On ne peut pas avoir la possibilité de choisir, et ensuite se plaindre », estime Kheira qui juge en cela perpétuer les enseignements de son père, Lakhdar, un militant.
« Même si je n’ai pas la nationalité française, je suis citoyenne française, parce que je respecte la loi française et que j’aime profondément ce pays », dit celle qui compte prochainement demander sa naturalisation.
Elisabeth Nupe, auxiliaire de vie en hôpital
« Dans mon métier, j’aime le contact, les échanges avec les gens. Parfois, ils souffrent, et j’aime être là pour eux. » Depuis 7 ans, Elisabeth Nupe travaille dans une clinique du 16e arrondissement, comme Auxiliaire de Vie Hospitalière. « Mon emploi consiste à servir leurs repas aux patients, à nettoyer leur chambre. Je n’ai pas les diplômes pour donner des soins, mais j’estime quand même être utile aux gens », détaille cette jeune femme nigériane, arrivée en France en 1995 et habitante de La Courneuve depuis les années 2000.
« Honnêtement, venant du Nigéria, je ne pensais pas que la France serait mon premier grand voyage, mais la vie c’est comme ça, plein de surprises », raconte cette femme, partie de chez elle à Iba, au nord-est de Lagos, la capitale nigériane. « Je gardais alors un enfant pour une famille française. Au moment de rentrer en France, ils m’ont proposé de les accompagner pour que je continue à garder leur fils de retour au pays, ce que j’ai fait. Sauf que j’ai eu ensuite quelques problèmes de papiers », poursuit la jeune femme, en restant assez pudique sur les problèmes administratifs qui ont pu empoisonner son quotidien.
Les choses ont commencé à s’éclaircir à la naissance de sa fille, même si cette « têtue » comme elle se désigne elle-même ne voulait au départ pas relancer une demande de régularisation, pour bien marquer le fait qu’elle n’avait pas eu un enfant pour avoir ses papiers. Entre temps, elle et son mari, gardien d’immeuble à La Courneuve, ont eu deux autres enfants, et pour tous les trois, Elisabeth espère un bel avenir. C’est aussi à La Courneuve qu’Elisabeth a connu l’association Africa, où elle a suivi des cours de langue qui lui donnent notamment cet excellent niveau de français qu’elle a aujourd’hui. « On avait des petits déjeuners, des groupes de parole. Ils m’ont tellement poussée, donné confiance en moi. Je leur dois beaucoup », remercie-t-elle.
Interrogée sur la loi immigration, la jeune femme au doux sourire répond par une simple question : « Est-ce que la France peut vivre sans les étrangers ? Je ne crois pas ». Et de rappeler qui elle voit lorsqu’elle prend le métro à 5 h du matin pour embaucher à 6h. « Mon travail, il n’y a pas beaucoup de Français qui le font », souligne-t-elle. Cette employée en clinique a aussi un mot pour l’Aide Médicale d’État, que le projet de loi prévoyait au départ de dégrader en simple « aide d’urgence » avant de mettre son sort entre parenthèses. « S’ils touchent à l’Aide Médicale d’Etat, ça peut vraiment être grave. Car si les gens ne se soignent pas, ça créera forcément de la misère et des maladies, étrangers ou pas… »
Séphora, cuisinière en insertion
On la retrouve alors qu’elle est en train de nettoyer les ustensiles qui lui ont permis de préparer des pâtes à la sauce tomate, du dégué (sorte de riz au lait, à base de mil) et un cake aux poires et vanille. Chez Label Gamelle, un traiteur en insertion basé à Montreuil, Séphora se sent bien. C’est le premier emploi en France qu’occupe cette Ivoirienne de 26 ans, arrivée dans l’Hexagone en janvier 2021.
« J’aurais bien aimé travailler avant, mais on travaille où sans papiers ? », explique cette jeune femme qui a depuis été régularisée grâce à la naissance de son fils, Ahmed, en 2022, qui est venu agrandir la famille, aussi composée de sa fille Yasmine et de son mari.
« J’ai quitté la Côte d’Ivoire – et Gagnoa, sa ville natale dans l’ouest du pays – pour plusieurs raisons. Mais la principale, c’est de m’offrir à moi et à mes enfants le meilleur avenir possible », insiste cette femme au caractère bien trempé. A Label Gamelle, Séphora a non seulement trouvé un gagne-pain, mais aussi du sens. « Les plats qu’on prépare ici sont destinés à des centres d’hébergement d’urgence, donc à des gens dans le besoin. L’autre jour encore, le chef nous a dit qu’on allait fabriquer 40 barquettes supplémentaires pour un centre d’hébergement temporaire qui vient d’ouvrir à cause du froid. Tout ça fait que je me sens utile », raconte Séphora, qui bénéficie à Label Gamelle d’un contrat en insertion renouvelable de 8 mois, au cours duquel elle pourra définir son projet professionnel. « Moi en sortant d’ici j’ai envie de travailler dans la santé, parce que j’aime aider les autres », poursuit-elle.
Son rire communicatif laisse place aux sourcils froncés lorsqu’elle évoque la loi immigration. « Pour moi, c’est une loi raciste, qui nous dit à nous immigrés que la France ne veut pas de nous. Mais alors, si la France ne veut plus de nous, je lui demanderai qu’elle arrête de piller par exemple la Côte d’Ivoire en fixant le prix du café-cacao, ce qui appauvrit les producteurs ivoiriens. Par ailleurs, la France est bien contente que des étrangers viennent y faire les sales boulots. Par exemple, je ne pense pas que beaucoup de Français se tapent la plonge à 4h du matin ou ramassent les ordures. », remarque-t-elle. L’évocation une nouvelle fois de Label Gamelle lui ramène le sourire : « heureusement qu’il y a aussi cette France solidaire, qui embauche des personnes de toutes origines, comme ici, pour les aider », dit-elle de ce traiteur solidaire, installé dans la ruche d’entreprises Mozinor depuis 2020 et qui compte désormais 17 salariés en insertion.
Son avenir et celui de ses enfants, elle le voit « partout », en France comme en Côte d’Ivoire. « En tout cas, on a notre place ici », martèle celle qui n’a pas encore pu rentrer en Côte d’Ivoire pour y revoir ses parents. « J’aimerais bien, mais pour l’instant, il faut travailler ». Alors, pour se rappeler le pays, Séphora regarde la Coupe d’Afrique des Nations, qui se déroule actuellement en Côte d’Ivoire et où les Eléphants, l’équipe nationale, a bien débuté.
Aminata Dramé, présidente d’association
Arrivée à l’âge de 30 ans à Montreuil pour rejoindre son mari, cette mère de famille originaire de Bamako au Mali a eu un peu de mal à s’adapter au mode de vie occidental. « Les premières années en France ont été celles de l’isolement : comme je ne connaissais personne, je restais à la maison avec les enfants alors qu’au Mali, tous les voisins se connaissent et vivent en communauté » affirme-t-elle. La dynamique Séquano-Dionysienne, qui a une expérience au pays dans les assurances, travaille d’abord dans le service contentieux de France Telecom puis à la chaîne, dans une usine de façonnage de boucles d’oreilles. Aminata devient rapidement membre de l’association des Femmes maliennes de Montreuil qui l’aide à mieux comprendre les institutions du pays d’accueil et l’incite à s’engager dans la vie locale.
« Femmes maliennes de Montreuil s’est ouverte à la diversité en accueillant aussi des Nigériennes, des Sénégalaises, des Maghrébines, des Cap-Verdiennes, des Françaises, des Asiatiques… mais aussi les couples lors des activités dédiées à l’égalité hommes/femmes » explique celle qui deviendra bientôt présidente de l’association. « Avec nos 80 adhérentes, nous organisons des ateliers de convivialité : couture, cuisine, jardinage, des cours d’alphabétisation ou d’initiation à l’informatique, de l’aide aux devoirs, des séances de sport collectives, des sorties culturelles ou de loisirs pour les jeunes ou les familles… ».
Ses membres les plus actif∙ve∙s effectuent également des distributions de colis alimentaires bio aux habitant∙e∙s précaires grâce à un partenariat avec l’association Les bons petits légumes qui récupère les produits à Rungis.
La Montreuilloise, qui maîtrise le bambara et le soninké, s’est engagée en tant qu’interprète bénévole pour la PMI Voltaire et s’est beaucoup impliquée dans les conseils de classe de l’école maternelle Françoise-Dolto. Son association a participé au jumelage entre les Villes de Montreuil et de Yélimané en Afrique puis a contribué à la mise en place d’une Maison des femmes facilitant l’accès des Maliennes à la santé, l’éducation, la formation et l’emploi.
Très impliquée dans le vivre-ensemble et l’amitié entre les peuples, la Présidente et plusieurs adhérentes de la structure communautaire organisent depuis le mois de décembre des balades contées* ouvertes à tous avec l’agence de tourisme solidaire Bastina. Ces visites guidées sont destinées à faire connaître l’association mais aussi la culture malienne dans toutes ses dimensions : cuisine, traditions diverses, culture de l’oralité avec les griots, respect des ancien∙ne∙s…
Comme ses compatriotes montreuillois∙e∙s, Aminata est vent debout contre les possibles conséquences de la loi Immigration. « Ces mesures vont nous rendre la vie beaucoup plus compliquée et vont stigmatiser beaucoup de gens. Si la loi s’applique, les enfants nés en France de parents étrangers ne pourront être naturalisés qu’après une demande faite entre 16 et 18 ans. Et avant cette date, quelle va être la nationalité de l’enfant ? Ce texte va précariser des gens déjà fragiles alors que le souhait des étrangers est au contraire d’être autonomes. Si on leur donne des papiers, ils vont travailler dans les secteurs où les Français∙e∙s ne se pressent pas, ce qui apportera des cotisations et des impôts à la nation. C’est que du plus pour le pays d’accueil, ça, non ? ».
*Une balade urbaine est prévue en février (date pas encore déterminée) à travers les lieux emblématiques de Montreuil. Vous trouverez toutes les informations pratiques sur le site web exploreparis.fr.
Abdullah, en formation de coach sportif
« Dans le sport, j’aime beaucoup de choses : c’est bon pour la santé et puis grâce au sport je me suis fait plein d’amis » A 26 ans, Abdullah aimerait bien devenir coach sportif. Cet Afghan, arrivé en mars 2020 en France et qui a obtenu son statut de réfugié en 2021, est notamment engagé dans une formation aux métiers du sport, qui lui a été proposée par l’association Kabubu.
Présente à Paris, Lyon et Strasbourg, cette association créée en 2018 s’appuie sur le sport pour favoriser l’insertion des personnes exilées, voire les aider à trouver un emploi.
Ce lundi matin, on retrouve donc Abdullah dans le 18e arrondissement de Paris, pour des ateliers qui lui proposent notamment une découverte des métiers liés au sport, des cours de langue ou encore des sessions de sport. Autour de la table, ils sont une dizaine, tous motivés pour trouver un métier dans le domaine du sport. Il y a là Bachir, ancien juge au Conseil d’État égyptien, obligé de quitter son pays parce que mis sous pression par le gouvernement d’Al Sissi ou encore Aliou, Malien fan de sport et notamment de basket.
Le sport de cœur d’Abdullah, c’est le volley. « J’ai commencé à y jouer en Autriche, où j’ai passé 5 ans, mais j’ai dû en repartir car ma demande d’asile y a été rejetée », explique-t-il.
La France, il l’a découverte en mars 2020, dans des circonstances difficiles : « on était en plein Covid et j’ai dû dormir à Saint-Denis Porte de Paris sous une tente pendant 7 mois, aux côtés d’autres migrants », raconte celui qui vit désormais à Saint-Denis chez une amie.
Plus les réalités qu’il décrit sont dures, plus sa voix se fait douce. Il en est de même de son départ d’Afghanistan. « J’ai quitté l’Afghanistan en 2013 parce que je suis athée. Les talibans n’étaient pas encore au pouvoir comme maintenant (depuis août 2021, ndlr), mais il était déjà très compliqué pour moi d’y vivre », témoigne ce natif de la ville de Ghazni, au sud de la capitale Kaboul.
Au pays, il a notamment laissé deux frères et deux sœurs, pour qui il se fait le plus grand souci. « La vie sous les talibans pour elles est une catastrophe. Elles ne peuvent plus aller à l’école, elles ne peuvent pas travailler, ni faire du sport. Elles doivent juste rester en vie. Malheureusement, on ne parle plus beaucoup de l’Afghanistan, les médias internationaux se sont détournés de ce pays », se désole-t-il.
On pourrait croire que dans tout cela, la loi immigration votée par la France est le cadet de ses soucis. Mais non, elle inquiète bien Abdullah : « ça nous fait peur, à nous étrangers vivant ici. C’est une catastrophe, cette discrimination contre les étrangers. Pour moi, ce ne sont pas les trois valeurs de la France ». Quand on lui demande à quoi il rêve, ce jeune homme dit très simplement : « Devenir coach de volley. Et revoir un jour ma famille. »
Georges Makowski/Carine Arassus/Christophe Lehousse
Photos: ©Bruno Lévy/ ©Sylvain Hitau