Aide sociale à l’enfance : les jeunes prennent la parole

« C’est une chance que l’on puisse s’exprimer librement et proposer nos idées pour être plus serein au quotidien, dans les MECS (NDLR : Maison d’enfants à caractère social) ou à l’école.  J’ai hâte de voir ce que cela va donner… » s’enthousiasme Issa*, 17 ans, actuellement hébergé dans un foyer à Gagny.

Le lycéen, qui rêve de devenir interprète en anglais et de poursuivre des études supérieures, souhaite continuer d’être accompagné à sa majorité, par l’intermédiaire d’un Contrat jeune majeur.

« La collectivité veut que les enfants puissent participer et partager leurs envies ou leurs projets car il n’y a rien de mieux que d’entendre les premiers concernés. L’an dernier, les jeunes ont fait 120 propositions que nous avons reprises partiellement et intégrées au Schéma de prévention et de protection de l’enfance 2024-2028 » explique Stéphane Troussel, le Président du Département de la Seine-Saint-Denis. « Cette année, vous êtes encore plus nombreux. Ne vous censurez pas car vos idées inspireront les équipes de l’Aide Sociale à Enfance mais aideront aussi vos successeurs à bien grandir et à trouver leur place dans la société ». 

Un bus du bien-être, un village d’enfants pour les fratries…

Après avoir présenté les missions du Conseil des jeunes de l’ASE, les professionnel·le·s présent·e·s ont exposé les projets phares élaborés sur la base des propositions effectuées l’an dernier par les enfants et les adolescent·e·s « placé·e·s ». Parmi les actions programmées dès 2024 : la mise en place d’un village d’enfants et de nouvelles places dédiées aux fratries, la formation des équipes sur la prévention des conflits, des salles améliorées pour les rencontres avec les parents, des postes dédiés à l’accompagnement scolaire dans les lieux d’accueil…

« Le Département va mobiliser dans les prochaines années un bus du bien-être qui s’arrêtera dans les Maisons d’enfants à caractère social pour leur prodiguer des soins esthétiques, de coiffure, des massages… » indique Alice Best, responsable de l’Observatoire départemental de la protection de l’enfance. L’argent de poche des enfants sera fixé sur une base commune et des rencontres d’entraide entre personnes ayant été confiées seront bientôt organisées afin de favoriser la réassurance des adolescent·e·s.

Les professionnel·le·s de l’ASE, qui ont mis en place à leur demande un tournoi de football en juillet 2023, se pencheront sur une étude dédiée aux discriminations vécues par ces jeunes, de façon à agir à leur niveau contre ce phénomène. Enfin, les équipes s’engagent à mettre en place davantage d’outils d’information (frise chronologique…) sur les étapes de préparation à la sortie. Par ailleurs, un événement collectif sur les talents et réussite des jeunes est programmé en juin 2024.

Les jeunes de l’ASE se sont regroupé·e·s par petits groupes pour présenter leurs idées, en dehors de la présence de leurs éducateurs, lors d’ateliers conviviaux.

Un brainstorming collectif à la Dynamo

Encouragé·e·s par les engagements du Département, les enfants, pré-ados et adolescent·e·s se sont réuni·e·s par groupe d’âge dans les différentes salles de la Dynamo (espace de production de concerts) de Pantin et ont fait circuler la parole auprès d’animateur·rice·s, après avoir fait connaissance. Les petit·e·s âgé·e·s entre 5 et 11 ans ont proposé entre autres d’avoir la liberté de décorer leurs locaux, multiplier les loisirs collectifs ou, pour certain·e·s, garder davantage de liens avec les anciennes familles d’accueil.

De leur côté, les pré-ados ont demandé une augmentation de leur argent de poche en prévision des cadeaux de Noël et émis des idées de toute nature. Parmi les demandes : l’organisation de tournois sportifs, l’assouplissement des horaires de sorties, la réduction des délais pour les rencontres avec leurs parents, une meilleure préparation des audiences auprès du juge, l’amélioration de la nourriture ou le respect de la confidentialité de leurs affaires avec le souhait que les adultes ne fouillent pas dans leur chambre…

« On a été entendu »

« Les adolescents (NDLR : de 16 à 21 ans) se sont révélés très matures lors des discussions » confie Véronique, animatrice et ancienne de l’ASE de Seine-Saint-Denis. « Plusieurs jeunes filles ont proposé de créer des espaces de paroles entre pairs sur des questions personnelles et l’une d’elles souhaitait que les jeunes soient mieux informés des possibilités de rencontrer des psychologues. La majorité demandait une autonomie bien plus grande en terme de sorties et plus d’informations sur les études après le baccalauréat ». 

Aminata*, 21 ans, qui a assisté l’an dernier au premier Conseil des jeunes de l’ASE, se réjouit de voir les projets prendre forme. « On a été entendu (…) et je me félicite que le Département se préoccupe de notre avenir professionnel, avec par exemple un Salon dédié à l’insertion des jeunes des différentes MECS (NDLR : Maisons d’enfants à caractère social). Quand on est à l’ASE, comme on a des rapports assez compliqués avec notre famille, on porte beaucoup plus le poids de nos actes et on se dit que toutes nos actions ont un impact sur notre avenir. Avec les mesures présentées, les jeunes pourront souffler davantage et imaginer leur futur de façon plus positive ». 

Cinq rencontres sont prévues dans les prochains mois pour affiner les propositions et informer les jeunes de leur mise en oeuvre. Une bonne occasion de se revoir pour les adolescent·e·s qui ont tissé des liens d’amitié pendant l’après-midi autour de jeux collectifs et de la réalisation d’une oeuvre de street art réalisés dans une ambiance de feu. « Les jeunes me demandent déjà quand va va avoir lieu le prochain tournoi sportif avec leurs nouveaux copains, ils sont surmotivés » sourit Inès, éducatrice, heureuse que ses ados se soient fait plaisir pendant toute une journée.

Toutes les propositions des jeunes ont été consignées sur des registres et seront étudiées attentivement.

*Le prénom a été changé à la demande de l’intéressé·e.

Crédit-photo : Bruno Lévy