A bord de la caravane du Département contre les discriminations

A bord de la caravane du Département contre les discriminations
Accès aux droits
  • Pour la 3e année de suite, un bus proposant assistance et expositions parcourt les villes de Seine-Saint-Denis pour sensibiliser aux discriminations.
  • Selon la dernière étude de l’Observatoire départemental, 6 habitants de Seine-Saint-Denis sur 10 disent avoir été victimes de discriminations.
  • Nous avons suivi les équipes du Département à Aubervilliers.

« Cite-moi deux dessins animés où le personnage principal est une femme. » Jannat, 10 ans, tout juste sortie de l’école, tarde un peu à se lancer, mais une fois qu’elle a trouvé sa première réponse – « La Reine des Neiges » – elle ne s’arrête plus : « Mulan, Vaiana, Raiponce… » Les animatrices de l’ANI, une association d’éducation populaire invitée par la Caravane, applaudissent des deux mains.

Ce mardi, sur la dalle Félix Faure, un quartier populaire d’Aubervilliers situé à deux pas de la porte du même nom, la Caravane contre les discriminations attire l’attention des passants avec ses affiches bariolées, ses expositions photos et donc ses jeux. Lancée en 2021 par le Département, sa raison d’être est d’aller à la rencontre des habitants du territoire, après qu’un sondage a identifié que 6 habitants sur 10 en Seine-Saint-Denis se disaient victimes de discrimination.

Lara Bakech, cheffe d’équipe de la Caravane, et ses collègues en rappellent très pédagogiquement la définition légale : « Une discrimination, c’est une atteinte à vos droits sur la base d’un critère ethnique, religieux ou physique. La loi française en a identifié 25 en tout et pour tout. Mais le racisme ou l’homophobie sont déjà en eux-mêmes des délits. »

Toutes ces explications sont résumées sur des panneaux qui voisinent avec une expo touchante, abordant une discrimination liée à la santé : l’association Sol en Si a effectué un travail photo avec des femmes porteuses du VIH, devenues mamans, et souvent victimes de stigmatisation. Les photos, des triptyques qui allient un portrait, un objet en relation avec la maternité et un lieu, sont très douces et permettent à ces femmes de poser des mots sur leur fort sentiment d’exclusion.

Grossophobie, une discrimination bien trop banalisée

A chacune de ses 25 étapes, la caravane reçoit en outre l’aide d’associations partenaires comme « Agis, Note, Innove » ou « La Grosse Asso », invitées ce jour-là.

« On a accepté bien volontiers l’invitation du Département. D’abord parce qu’on veut faire connaître et reconnaître la grossophobie, une discrimination qui passe encore trop largement sous les radars. Elle est présente à la maison ou encore à l’école. Elle va souvent de pair avec d’autres discriminations. Les discriminations sexistes : les femmes y sont exposées beaucoup plus tôt que les hommes.  Ou encore les discriminations sociales : il y a beaucoup plus de personnes grosses dans la tranche pauvre de la société. C’est par la sensibilisation et l’éducation qu’on peut changer les choses », expliquent Aline Thomas et Lola Cès, fondatrices de la Grosse Asso il y a deux ans.

Là encore, un jeu vient rendre plus attrayant le travail de sensibilisation mené auprès des habitants. Pour un certain nombre de slogans, Hanen et Haidil, des habitantes du quartier, doivent juger s’ils sont discriminants pour les personnes grosses ou pas. « Tu devrais essayer ce régime. Ma tante l’a fait l’année dernière et ça a bien marché. » Mère et fille se récrient: « ça aussi, c’est grossophobe ! »Oui, renchérit Aline Thomas, de La Grosse Asso: ça s’appelle un avis non sollicité.

Après un diplôme anti-grossophobie décroché haut la main, Hanen et Haidil se félicitent de s’être arrêtées devant le bus du Département : « C’était très intéressant. Ca aide à chasser un certain nombre de préjugés ». Cette famille d’origine tunisienne aimerait bien aussi qu’il en soit de même avec l’islamophobie, dont la maman, voilée, se dit victime. « Dans le quartier encore, ça va, les gens sont respectueux. Mais ailleurs, j’ai déjà eu droit à des remarques », souligne-t-elle.

Discrimination à l’adresse

Hakim, lui, souhaiterait dénoncer la discrimination à l’adresse dont sont selon lui victimes beaucoup de jeunes comme lui. « Voilà plusieurs années que je cherche un emploi dans le domaine de l’aménagement du territoire », explique ce jeune homme titulaire d’un master en géographie, qui a grandi dans le quartier. « A chaque fois, c’est la même chose : on me convoque, je passe les tours des entretiens d’embauche. Et puis, plus rien. Mes collègues qui n’habitent pas en banlieue eux ont trouvé, alors qu’on a le même diplôme. A la fin, on se résigne. », lâche-t-il, dépité.

Et de renchérir, quand on lui demande si la statistique de 6 personnes sur 10 touchées par des discriminations dans le département l’étonne : « Absolument pas ! Je pense qu’on est encore en dessous de la réalité. A mon avis, beaucoup de gens n’arrivent même pas à reconnaître une discrimination ou beaucoup l’ont acceptée, c’est ça le problème. », regrette-t-il.

A partir du 25 juillet et jusqu’au 11 août, la Caravane contre les discriminations sera aussi accessible chaque jour au Parc des Jeux, la fan-zone de la Courneuve qui ouvrira spécifiquement pour les Jeux.

La caravane de lutte contre les discriminations édition 2024 passe près de chez vous : toutes les dates ici

Christophe Lehousse

Photos: ©Jean-Louis Bellurget

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