20 ans de luttes contre les violences faites aux femmes
Le 10 novembre à la MC93 de Bobigny, l’Observatoire départemental des violences envers les femmes fêtait son vingtième anniversaire. 20 années de travail en partenariat avec tous les acteurs impliqués, 20 années d’innovations pour sauver des vies.
Sous le regard d’Isabelle Rome, ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances, Stéphane Troussel, le président du Département, prenait la parole au moment de célébrer le vingtième anniversaire de l’Observatoire départemental des violences envers les femmes : « Permettez-moi d’avoir une pensée pour Robert Clément, président du Conseil général de Seine-Saint-Denis à l’époque, qui eut l’idée avec la vice-présidente Catherine Puig, de créer cet Observatoire, en dépit des critiques absurdes que cette initiative avait parfois suscitées.
Je tiens à saluer le caractère partenarial du travail de l’Observatoire, qui fonctionne et s’amplifie encore vingt ans plus tard grâce aux synergies que les équipes du Département ont su installer entre l’ensemble des professionnels qui interviennent auprès des femmes victimes de violences et de leurs enfants : personnels des services départementaux, fonctionnaires de police, magistrats, avocats, soignants, professionnels socio-sanitaires, responsables et militants associatifs, je voulais vous remercier, toutes et tous pour votre mobilisation cruciale. »
Des innovations efficaces
Une mobilisation qui a permis la création de mesures innovantes de lutte contre les violences envers les femmes et les enfants : violentomètre, téléphone grave danger, la mesure d’accompagnement protégé, un Toit pour elle, le protocole féminicide, l’ordonnance de protection. Des mesures si efficaces que deux d’entre elles sont déjà généralisées au niveau national, comme le téléphone grave danger et le protocole féminicide.
A la question « Qu’apprend-on en 20 ans d’Observatoire ? » Ernestine Ronai, sa responsable depuis sa création, répondait : « L’action collective, le partenariat. Aucune structure, aucun service, aucune institution ne peut seul réellement aider les femmes à sortir de la violence. Et il est aussi nécessaire de penser ensemble, à partir d’un diagnostic partagé trouver des solutions, l’évaluer et le faire progresser. S’écouter à égalité, regarder ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas et l’améliorer. »
Un propos affirmé par François Molins, procureur général près la Cour de cassation, en poste au tribunal de Bobigny aux premiers jours de l’Observatoire : « C’est l’histoire d’un combat, d’une solidarité propres à la Seine-Saint-Denis. Une politique pénale ne se nourrit pas seulement de directives du gouvernement, mais aussi d’idées qui viennent du terrain. Il y a ici une véritable culture de la protection des victimes. »
Vers un pôle violences conjugales au tribunal de Bobigny
L’Observatoire et ses partenaires continuent d’agir, d’inventer pour mieux venir en aide aux femmes et aux enfants victimes. Ainsi Peimane Ghaleh-Marzban, président du tribunal judiciaire de Bobigny et Éric Mathais, procureur de la République près le tribunal judiciaire de Bobigny, sont venus expliquer leur projet de créer un pôle violences conjugales au sein du tribunal de Bobigny, qui serait une première en France. « Aujourd’hui la situation d’une femme victime de violence va être traitée par différents dossiers. Tout d’abord un dossier pénal. Le Parquet va poursuivre l’auteur. Mais avant que l’agresseur passe devant le tribunal, un juge des libertés et de la détention va intervenir. Le tribunal va examiner, mais peut-être il y aura-t-il un renvoi et que ce dossier va être examiné par un autre juge.
Parallèlement il y aura peut-être une requête pour régir un droit de visite des enfants, et donc l’intervention d’un juge des affaires familiales. Mais peut-être qu’avant un autre juge sera intervenu parce qu’une ordonnance de protection aura été prononcée. Mais sans doute va-t-on observer que l’enfant est en danger. Et une section du Parquet va saisir un juge des enfants. L’agresseur sera condamné, il fera ou non de la prison et un juge de l’application des peines traitera le dossier. En tout une dizaine de juges seront intervenus.
Aujourd’hui, nous voulons une approche par femme, par enfant, par agresseur. Il faut remettre la personne au cœur de l’action judiciaire. »
Une dimension internationale
L’action de l’Observatoire, effective au niveau national, s’étend désormais aussi à l’international, comme en témoignait Mayssoun Dawoud, coordinatrice du programme palestinien « Pour des territoires protecteurs des femmes victimes de violence s » : « Aujourd’hui, le droit des femmes en Palestine est encore basé sur les codes civils jordanien et égyptien des années 60 ! Peu à peu, nous parvenons à faire modifier la loi, comme celle qui permettait à un violeur, s’il acceptait de se marier avec sa victime, de ne pas être poursuivi. Mais le chemin est encore long. La visite en Palestine de représentants de l’Observatoire et du Département de Seine-Saint-Denis nous a donné espoir et nous avons fondé notre premier centre d’hébergement pour les femmes victimes de violences. »
En Seine-Saint-Denis, en France, dans le monde, l’Observatoire est le témoignage d’une volonté d’un monde plus sûr, plus égal, pour toutes et tous.
Observatoire départemental des violences envers les femmes
https://seinesaintdenis.fr/-Observa…
01 43 93 41 93
odvf93@seinesaintdenis.fr
Photos : Nicolas Moulard
L’Observatoire nous est utile tous les jours car…
Extraits de quelques témoignages recueillis dans le public.
Marie Le Bail, responsable adjointe de circonscription de service social
« L’Observatoire nous est utile tous les jours dans notre pratique professionnelle puisqu’on accueille au quotidien des femmes victimes de violences conjugales. L’Observatoire, c’est pour nous des ressources, des conseils techniques. Ils sont disponibles pour chercher avec nous des solutions, ils ont connaissance du réseau, ce qui permet des réorientations vers d’autres partenaires. Nous sommes régulièrement en contact par téléphone, mail, nous participons aux journées de formation. La mesure mis en place par l’Observatoire que nous déclenchons le plus souvent, c’est l’ordonnance de protection des femmes victimes de violences. »
Sarah, éducatrice de jeunes enfants, en crèche
« En crèche, nous sommes un lieu de prévention sur les questions de petite enfance et de famille. Lorsque nous accueillons les familles, que nous sommes en entretien avec elles, nous sommes à même de faire des observations. Il nous arrive de faire des signalements, mais il y a avant d’autres étapes. Sur la question des violences, nous faisons remonter l’information auprès d’autres professionnels, nous ne traitons pas nous-même la question. L’Observatoire nous est utile pour nous former, nous tenir au courant des différentes mesures. De notre côté, nous leur faisons part de nos réflexions sur que faire de plus pour améliorer la situation des familles, ne pas casser la sphère familiale de l’enfant. »
Jeanne Lebel, assistante pédagogique au lycée professionnel Théodore-Monod de Noisy-le-Sec
« Je viens de commencer cette année, je ne connais pas encore tous les outils qu’offre l’Observatoire, mais il est important d’en savoir plus, sur ces questions pour voir orienter les élèves vers des associations, des structures… Je suis venue avec ma CPE qui m’a recrutée pour travailler sur l’égalité filles-garçons. Nous avons des problèmes dans certaines classes où des filles sont parfois toutes seules dans une classe, où des garçons ont du mal à admettre qu’elles soient meilleures qu’eux. »