Logement: les jeunes confrontés à de vraies galères

Logement: les jeunes confrontés à de vraies galères
Concertation jeunesse
  • Que ce soit pour les étudiants, les jeunes actifs ou les jeunes issus de l’Aide sociale à l’Enfance, le Département constate de très grosses difficultés à se loger en Seine-Saint-Denis et plus largement en Ile-de-France.
  • Les raisons en sont multiples : difficultés financières mais aussi explosion d’une offre privée trop chère, raréfaction de l’offre publique, logements inadaptés…
  • Le Département a listé leurs doléances, jeudi, dans le cadre d’une rencontre entre professionnels qui doit aboutir à une nouvelle feuille de route des politiques jeunesse.

« Ca fait un peu plus d’un an que j’attends pour un logement social. Pourtant, j’ai un CDI et un salaire correct. Je ne cherche pas dans le privé parce que c’est trop cher. Mon budget max, ce serait aux alentours de 600 euros par mois. Je considère que c’est raisonnable et pourtant je ne trouve pas, même en Seine-Saint-Denis… »

Des témoignages comme celui de Mounia, jeune coiffeuse de 24 ans suivie par la Mission locale de Sevran-Tremblay-Villepinte, il y a en a malheureusement beaucoup.

Dans une France et une région parisienne impactées de plein fouet par la crise du logement, il n’est pas étonnant de voir les jeunes – qu’il·elles soient étudiant·es, jeunes actif·ves ou, à plus forte raison, ni en études ni en emploi (18% des jeunes) – être encore moins bien lotis.

Dans son tour d’horizon à l’intention de la jeunesse – destiné à lister les priorités d’une nouvelle feuille de route sur ses politiques jeunesse – il est donc logique que le Département ait aussi abordé, jeudi 11 septembre, la question du logement.

Et le constat qui s’est peu à peu dessiné à la Maison de la jeunesse de Clichy-sous-Bois, où étaient réunis une trentaine de professionnel·les du secteur, était bien résumé par le président du Département Stéphane Troussel : « En matière de logement, nous ne pouvons que faire le constat d’une urgence. Les jeunes n’échappent à la règle : il y a un manque de logements pour les étudiants, pour les jeunes actifs, pour les jeunes sortis de l’ASE… Il faut tout imaginer pour sortir de cette crise. »

A 26 ans, la moitié des jeunes du département habitent encore chez leurs parents

La concertation jeunesse spécial a réuni une trentaine de professionnels à la Maison de la Jeunesse de Clichy-sous-Bois, jeudi 11 septembre.

Cette urgence peut être exprimée en chiffres, peu reluisants : un étudiant sur deux est mal-logé en France. A 22 ans, la moitié des jeunes ont quitté le domicile de leurs parents. Mais en Seine-Saint-Denis, il faut compter 4 ans de plus…

Mais elle prend aussi l’apparence de constats sans appel, formulés par plusieurs experts. Antoine Dulin et Aude Pinault, auteurs d’un rapport à destination du gouvernement sur la question, attiraient ainsi l’attention sur une catégorie peut-être encore plus en souffrance que les étudiants : les jeunes actifs, travailleurs pauvres des temps modernes. « Les étudiants ont évidemment déjà du mal à se loger, mais plus encore, les jeunes actifs sont un angle mort dans les politiques publiques. Il y a bien quelques Foyers de Jeunes Travailleurs (FJT) ou des Résidences Sociales Jeunes Actifs (RSJA) qui se créent, mais c’est marginal…», alertaient-ils.

Si les étudiant·es sont confronté·Es à des prix du parc privé de plus en plus exorbitants et à des demandes de garanties très élevées, ils ont au moins encore le Crous pour se loger. Les 18 000 places du Centre régional des œuvres universitaires et scolaires en Seine-Saint-Denis sont certes largement insuffisantes, mais leurs conditions sont au moins relativement accessibles : 350 à 450 euros par mois, avant APL (Aides Personnalisées au Logement).

« Voilà 3 ans que j’occupe un logement du Crous à Bobigny, témoignait ainsi Mina, étudiante en 6e année de médecine à Bobigny. J’ai eu la chance d’avoir un logement étudiant dès ma première demande parce que je suis boursière. Avant, je n’en avais pas besoin, j’habitais chez mes parents, dans les Hauts-de-Seine. Mais avec le début de mon externat il y a 3 ans, c’était bien plus pratique d’être à proximité. Je paye environ 380 euros, pour un T1 de 20 m², avant les APL. Mais je ne suis pas représentative de la plupart des étudiants car autour de moi, c’est compliqué. Beaucoup ne trouvent pas de logement, notamment en première année, quand on ne sait pas encore comment ça fonctionne. Il n’y a pas assez de places… »

Même analyse faite par Fatou, 25 ans, également en 6e année de médecine à Bobigny : « En mai dernier, j’ai dû rendre mon logement étudiant parce que j’étais arrivée au maximum du bail. Et derrière, c’a été un peu compliqué : dans le parc privé, je ne trouvais nulle part où me loger. Beaucoup trop cher et très contraignant : une résidence étudiante privée me demandait 3 garants différents et un acompte de 2400 euros ! Tout s’est débloqué quand je suis tombée sur l’ALJT (Association pour l’accès au logement des Etudiants et Jeunes Travailleurs) qui m’a trouvé un Foyer de Jeunes Travailleurs tout près de la fac. Franchement, c’est un soulagement. Il n’en reste pas moins que la Seine-Saint-Denis manque vraiment d’offres accessibles pour un territoire aussi jeune… »

« Beaucoup de jeunes en emploi dorment dans leur voiture.»

Le tableau pour les jeunes actifs est donc encore plus morose du fait de logements sociaux peu adaptés pour cette catégorie de population ou d’autres phénomènes, comme celui d’un parc privé de plus en plus grignoté par des logements AirBnB qui poussent les prix vers le haut, même en Seine-Saint-Denis.

« On se retrouve démunis parce que nous n’avons pas de solutions. Il y a un manque évident d’offre. La question du logement devient très dure. Nous avons beaucoup de jeunes en emploi qui dorment dans leur voiture. », alertait ainsi Patricia Giffard, conseillère à la Mission Locale de Sevran-Tremblay-Villepinte.

Des programmes immobiliers ont beau prévoir la présence de logements étudiants dès le début, comme dans l’ancien village olympique à Saint-Denis/ Saint-Ouen/Ile Saint-Denis où 148 appartements étudiants ont été intégrés (pour des budgets soit dit en passant pas si bon marché que ça : 850 euros par mois pour un studio et 990 euros pour un T1), le compte n’y est pas.

Fidèle à ses missions de service public, le Conseil départemental tenait aussi à dresser un bilan exact de la situation des jeunes issus de l’Aide Sociale à l’Enfance, l’une de ses grandes compétences. D’où la publication de l’étude PIPASE d’où il ressortait que 25 % des jeunes sortis de l’ASE vont connaître une précarité résidentielle : soit la rue, soit l’hébergement par un tiers, soit un logement accompagné (avec le passage régulier d’éducateurs). En quelque sorte une double peine pour ces enfants au parcours déjà chahuté du fait de difficultés familiales.

« Pour les personnes sortant de l’ASE, la précarité est souvent accrue. Il·elles sont particulièrement vulnérables au moment de l’arrêt du contrat jeune majeur (une aide dont il·elles peuvent bénéficier en Seine-Saint-Denis jusqu’à leurs 21 ans). Cela prouve donc que ce qui doit décider de l’arrêt du contrat jeune majeur, ce n’est pas l’âge mais bien une insertion socio-professionnelle réussie. », pointait Aude Pinault.

A l’heure de se mettre en quête de solutions, il y avait donc bien quelques pistes intéressantes comme ces colocations solidaires prônées par l’association AFEV qui consistent à proposer une colocation à des étudiants en échange de 4 à 5 h par semaine de soutien scolaire dans les quartiers prioritaires de la ville. Présent dans le 20e, le Val d’Oise ou en Seine-et-Marne, le système doit néanmoins encore sauter le pas en Seine-Saint-Denis. Autre solution intéressante : ces « toits temporaires urbains » qui vont voir le jour fin décembre à Stains, sous la forme de bâtiments modulables destinés à héberger 30 femmes isolées et leurs enfants et qu’on pourrait très bien aussi décliner sous une forme « résidences jeunes ».

Mais pour le reste, il semblerait que le Département doive une fois de plus alerter d’autres partenaires comme l’État sur l’urgence de répartir équitablement les efforts en matière de logement social.

Christophe Lehousse

Photos: ©Nicolas Moulard et ©Profession:Photographe

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