Rendre les collèges de Seine-Saint-Denis plus attractifs
- Comment rendre les collèges publics de Seine-Saint-Denis attractifs ? La mixité sociale et scolaire est-elle une chance pour les élèves ?
- Jeudi 4 décembre, deux ans après sa création, l’Observatoire de l’attractivité et de la mixité sociale et scolaire des collèges de la Seine-Saint-Denis a présenté son premier bilan.
- Quarante collèges, choisis en raison de leur fort taux d’évitement, ont bénéficié de la part du Département d’un renfort de moyens pour accroître leur attractivité.
En Seine-Saint-Denis, au moment de l’entrée en sixième particulièrement, certains parents qui ont les moyens financiers nécessaires, préfèrent inscrire leur enfant dans un établissement privé plutôt que dans l’un des 131 collèges publics de notre département. L’une des conséquences de ce phénomène est le risque d’un manque de mixité sociale parmi les collégien·nes avec le développement de l’entre-soi et des préjugés sur « les autres », ceux qui ne sont « pas comme nous »…
Le Département de Seine-Saint-Denis, en partenariat avec la DSDEN (Direction des Services Départementaux de l’Éducation Nationale) et le rectorat de Créteil ont engagé ensemble un plan d’action visant à renforcer l’attractivité et la mixité des collèges publics de la Seine-Saint-Denis. Stéphane Troussel, président du Département, a déclaré : « Ce plan est le fruit de deux convictions et une méthode. La première conviction est que la Seine-Saint-Denis est à un moment charnière de son histoire. L’héritage des Jeux olympiques, l’arrivée du Grand Paris Express vont rendre accessibles de grands bassins d’emplois à la population de Seine-Saint-Denis et l’école publique doit être au rendez-vous de ces transformations. Car c’est à l’école que sera formée la jeunesse pour répondre aux grands défis de demain. Mais dans notre département, l’école peine parfois à tenir sa promesse républicaine et l’une des causes est ce manque de mixité au sein de nos établissements. Nous devons convaincre les parents de renoncer à l’évitement des collèges publics. La deuxième conviction, c’est que pour être efficace, il faut réaliser un travail de dentelle. Face au phénomène d’évitement et parfois de ségrégation scolaire, les mesures imposées de manière uniforme, sans souci du contexte local, sont vouées à l’inefficacité. Je crois au contraire au travail « cousu-main », collège par collège, pour les valoriser et que les parents choisissent le collège public en toute sérénité. Pour cela il faut une méthode : avec l’Observatoire de l’attractivité et de la mixité sociale et scolaire des collèges de la Seine-Saint-Denis, nous rassemblons tous les acteurs et actrices de l’éducation, professeur·es, encadrant·es, parents, scientifiques, élu·es, pour y parvenir. » Une méthode saluée par le recteur de l’académie de Créteil qui assurait : « Ce qui se fait ici, c’est un moteur pour l’ensemble de l’académie, et au-delà. »
Expérimentation sur 40 collèges
Chaque année depuis deux ans, 10 à 15 collèges ont été sélectionnés pour cette expérimentation. Des collèges populaires, évités au regard de la population de la ville. L’enjeu est de remettre de la mixité sociale dans ces établissements, de convaincre les parents qui avaient choisi le privé de refaire confiance au public. Pour cela, d’importants moyens ont été mobilisés par le Département et l’Éducation nationale. Ils ont ainsi ouvert de nouvelles options comme des classes CHAM (classes à horaires aménagés) musiques, mathématiques renforcées, bilingues…, avec des salles adaptées (salles de sciences, labo de maths…). Les projets pédagogiques sont soutenus financièrement à hauteur de 35 000€ par collège, pour une moyenne de dix projets par collèges (voyages, projets artistiques et culturels…). Aïcha Gassa, cheffe d’établissement du collège Irène et Frédéric Joliot-Curie à Pantin, témoigne : « Il y avait déjà un projet très dynamique à Joliot-Curie. Mais la création d’une Classe à Horaires Aménagés Musique (CHAM) a apporté un vrai rayonnement au collège, dans la ville et dans les écoles. De plus en plus de parents se renseignent sur le collège, des profils de parents qui partaient dans le privé et entendent dire du bien de Joliot-Curie. Le collège est déjà mixte, la classe CHAM elle-même est très mixte dans son recrutement. Cette mixité apporte beaucoup de positif pour les élèves comme pour les adultes. »
Pour réduire les facteurs d’évitement, on veille particulièrement à ce que tous les postes soient couverts à la rentrée, ainsi qu’aux remplacements en cas de congés longs. Les inspecteurs d’académie accompagnent particulièrement ces collèges et des actions de formations pédagogiques sont menées. Le Département, en charge du bâti, a consacré 1,5 million d’euros pour des travaux d’embellissement (façades, peintures des salles…). Il a également versé 670 000€ pour des travaux de sécurité dans 6 collèges l’observatoire de l’attractivité et de la mixité sociale et scolaire des collèges de la Seine-Saint-Denis, ainsi des travaux de sécurisation des abords, avec les villes et partenaires (bus…).
Des parents ambassadeurs
Pour convaincre les parents des futurs collègien·nes, des parents d’élèves déjà au collège acceptent de venir faire part de leur satisfaction lors de réunions de présentation, comme Anna Catton : « Ma fille a choisi d’aller au collège Jean-Jacques Rousseau, au Pré Saint-Gervais. Elle y a effectué une scolarité heureuse, avec de beaux projets artistiques et avec ses copains de quartier. Elle y était bien, a réussi et s’est épanouie. Pour moi, c’est le principal.»
Georges Makowski
Photos: ©Bruno Lévy
Retrouvez l’interview de Timothée Chabot, chercheur et maître de conférences à l’Université de Toulouse, auteur de l’ouvrage « Les amitiés au collège » :
Un Observatoire pour apporter un éclairage scientifique et suivre les résultats
L’Observatoire est composé de deux instances, un comité des partenaires qui vise à piloter la démarche de façon partenariale ; et un comité scientifique composé d’experts de haut niveau et de chercheurs. Le conseil scientifique apporte des recommandations sur les stratégies à adopter pour renforcer l’efficacité des actions, oriente les études à mener, en assure une relecture critique et suit les résultats. Il est constitué :
Pour le Département par : Marco Oberti – chercheur en sociologie, Sciences Po, Youssef Souidi – chercheur en économie, CNRS, Leïla Frouillou – chercheuse en sociologie, Paris-Nanterre, Annabelle Allouch – chercheuse en sociologie, Picardie Jules-Verne, Étienne Butzbach – coordinateur CNESCO, cellule mixité, Guillaume Huet – directeur de l’Observatoire Parisien.
Pour l’éducation nationale : Mikael Beatriz – chef du bureau des études sur les établissements et l’éducation prioritaire, DEPP, Claire Mazeron – inspectrice générale au Ministère, Thomas Leroux – inspecteur général au Ministère, Patrice Durand – sous-directeur de la performance et des politiques éducatives territoriales, DGESCO, Bertrand Sécher – membre du Conseil d’évaluation de l’école (CEE), Élise Huillery – chercheuse en économie, Paris-Dauphine.