Réfléchir à l’alimentation responsable dans les collèges

- Chaque année à l'automne, le Festival Alimenterre sensibilise aux enjeux de l'agriculture et de l'alimentation dans le monde.
- Le 3 décembre, les éco-délégué·e·s d'un collège d'Epinay-sur-Seine ont participé à une projection sur la production de bananes en Amérique latine.
- Une façon de réfléchir aux maux du système alimentaire mondialisé et d'imaginer une consommation plus responsable.
Depuis 2012, le Département de la Seine-Saint-Denis organise chaque année près d’une vingtaine de parcours éducatifs au développement durable, déclinés en une centaine d’actions dans les collèges du territoire. Cette année, une dizaine de classes ont suivi un programme d’éducation au développement durable dédié à l’alimentation. Ainsi une vingtaine d’éco-délégué·e·s du collège Evariste-Galois d’Epinay ont découvert avec leur professeure référente Margault Salé et la professeure documentaliste Marie Felicioli les dessous peu reluisants de la production de bananes en Equateur grâce à un documentaire sur les Maux de notre alimentation projeté par deux animatrices de l’association pantinoise Ecobul. On s’est intéressé au regard porté par les collégien·nes et leur entourage sur les conditions de production de leur alimentation.
Margault Salé, professeure de SVT, référente du parcours sur le développement durable
Les éco-délégué·e·s du collège ont fait preuve d’initiative l’an dernier en organisant une collecte d’habits de seconde main qu’ils ont en partie upcyclés. De même, un repas confectionné avec des produits durables a été mis en place par ces élèves pour sensibiliser 75 de leurs camarades à l’importance de bien s’alimenter et les bénéfices du repas ont été donnés à une association humanitaire.
Avant la projection du documentaire, ils ont suivi une séance sur les pays producteurs de bananes et la mondialisation de l’alimentation, une notion pas forcément facile à comprendre pour les collégiens. Je suis heureuse d’observer que les élèves s’intéressent au développement durable et font le lien avec les disciplines étudiées en posant des questions pendant l’année sur le réchauffement climatique, les effets de la pollution sur la biodiversité et sur leur avenir.
Sohane, éco-délégué, 14 ans
Je savais que les conditions de travail dans les bananeraies étaient mauvaises mais je n’imaginais pas une telle exploitation ! Beaucoup d’entreprises malhonnêtes ne paient pas bien leurs ouvriers et les obligent à employer des pesticides qui les rendent malades. Ces produits chimiques sont mauvais pour la santé des salariés et celle des consommateurs en plus de polluer la terre. Le film aborde aussi l’accaparement de terre par les gros producteurs et les difficultés des paysans qui ont beaucoup de mal à survivre et doivent parfois vendre leur terrain. C’était intéressant d’apprendre que les bananes produites avec des pesticides ont des formes jolies à regarder tandis que les bananes bio ont davantage de défauts physiques. Le souci, c’est que les produits durables coûtent plus cher et que tous les consommateurs n’ont pas les moyens de les acheter. Pour agir efficacement, il faudrait dénoncer ces conditions de travail sur internet. Le 21ème siècle, c’est le temps des réseaux sociaux et la peur du mauvais buzz pourrait peut-être améliorer les choses.
Amir, éco-délégué, 11 ans
Franchement, le documentaire m’a trop choqué ! C’était trop triste de voir comment les pesticides sont répandus par hélicoptères sur les champs avec des travailleurs qui attrapent des cancers parce que les patrons ne leur donnent pas de combinaisons de protection. Ce qui m’attriste, c’est que les petits producteurs ne consomment pas tant que ça de bananes et c’est nous qui en profitons.
A la cantine, on mange une part importante de produits bio (NDLR : 30% des denrées dans les assiettes des élèves sont bio, labellisés ou locaux), ce que je remarque parfois sur les fromages. Les étiquettes sont enlevées sur les fruits, ce qui est dommage car la provenance des aliments m’intéresse. De même, au supermarché, je regarde la provenance des produits, le nutri-score et j’essaie de prendre des aliments locaux produits sans pesticide pour être en bonne santé. En plus, j’ai entendu qu’en France, les sols sont tellement pollués que les terres produisent moins, ce qui est un problème.
Nourane, éco-déléguée, 13 ans
Je savais que la mondialisation entraîne des petites injustices mais je n’imaginais pas que c’était à ce niveau avec des droits syndicaux pas respectés par exemple. On se rend compte qu’on a de la chance de vivre dans un pays où nos droits sont respectés. Dans ces pays, les salariés agricoles travaillent beaucoup dans les champs et dans des conditions dangereuses, sans combinaison de protection. Les petits paysans ont des énormes pressions pour vendre leur terrain ou utiliser des pesticides.
J’ai bien aimé le passage dans le film qui montre que dans le couple, ce sont souvent les femmes qui sont très attachées à la terre et à sa protection.
Nous les éco-délégués, on essaie d’agir à notre niveau en mobilisant les collégiens autour de certaines actions comme par exemple la collecte de vêtements de seconde main pour les personnes dans le besoin.
Mohamed, éco-délégué, 13 ans
En regardant le film, j’ai été triste de voir que l’emploi de produits chimiques entraîne chez les travailleurs des maladies comme le cancer. En plus, les bananes ne sont pas meilleures !
Bien s’alimenter, c’est très important pour grandir en bonne santé, avoir la forme tous les jours, ne pas avoir de maladie quand on sera plus âgés…
Je me sens concerné par les conditions de production des produits et là, comme le traitement des cueilleurs de bananes m’a bien énervé, j’essaierai de faire passer le message auprès de mes petits frères ou dans mon centre de loisirs. Comme on est une génération bien sensibilisée à l’environnement, je suis plutôt optimiste pour la protection de la planète.

Après la projection du documentaire, les élèves ont réalisé un débat sur l’efficacité du boycott de certains produits et ont réalisé des animations immersives avec les deux animatrices de l’association Ecobul.
Un parcours éducatif interactif ouvert sur le monde
Co-construit par deux directions du Département (Europe et international ainsi qu’Education), l’Education nationale et Ecobul, ce parcours d’éducation au développement durable se poursuivra en mars – avril 2025. Les animatrices de l’association d’éducation populaire organiseront un cours de cuisine avec les éco-délégué·e·s puis les accompagneront pour réaliser des actions de communication sur leur parcours dans les locaux de la cantine auprès des camarades de leur collège. Une sortie auprès d’un acteur local de l’alimentation responsable est également programmée.
« L’éducation vise entre autres à aider les collégiens à devenir des citoyens éclairés, conscients des transformations du monde dans lequel ils vivent » ajoute Ericka Jean-Alphonse, chargée de projets Education au Développement Durable au Département. « En les informant sur la souveraineté alimentaire, on leur dit implicitement qu’ils peuvent faire changer les choses par leur consommation, un message qu’ils ont visiblement bien retenu ».
Crédit-photo : Nicolas Moulard