Jeunes contre le sexisme, pour « soigner les mauvaises idées et les mauvaises ondes »

- Jeudi 5 juin, près de 300 collégiennes et collégiens s’étaient réunis au cinéma Le Méliès de Montreuil pour découvrir les productions de cette année de « Jeunes contre le sexisme ».
- Ce dispositif annuel porté par l’Observatoire départemental contre les violences faites aux femmes vise à éduquer les élèves à l’égalité filles-garçons à travers des œuvres – saynètes, vidéos, slams – qu’ils produisent eux-mêmes.
- Cette 17e édition était aussi l’occasion pour Ernestine Ronai et Carole Barbelane-Biais, à l’origine de ce projet, de passer la main.

Extrait du film de prévention « Le Service » des élèves du collège Dora-Maar à Saint-Denis/Saint-Ouen.
Panique à l’hôpital Delafontaine. En moins de 24h, plusieurs jeunes garçons ont été admis avec des syndromes préoccupants. Devant Tom qui tient des profus confus commençant par « La place des femmes est à … », le constat du Docteur Jacobs est sans appel : « On a affaire à une virilite, probablement due à l’installation de TikTok. » Cette vidéo pleine de trouvailles, intitulée Le Service, qui reprend avec humour les codes des séries à succès Urgences ou Hippocrate, est l’œuvre d’élèves du collège Dora-Maar de Saint-Denis.
Présentée mardi dans le cadre de la journée de restitution de Jeunes contre le sexisme, elle montre bien tout le potentiel éducatif et créatif que peut avoir ce dispositif départemental, créé il y a maintenant 17 ans.
« Cette vidéo n’est pas juste faite pour amuser. Je pense qu’elle peut faire réfléchir certains garçons sur leur comportement, leurs remarques à notre égard. Même si ceux qui y ont participé étaient déjà sensibilisés », explique Camille, en 4e au collège Dora-Maar de Saint-Denis, qui a participé au scénario et qui joue dans le film.
Kelton, son camarade de 3e, lui aussi partie prenante du projet, renchérit : « A travers cette vidéo, on voulait soigner les mauvaises idées et les mauvaises ondes. Au collège, oui, il y a parfois des insultes, des propos blessants. Heureusement il y a des sentinelles à qui tu peux te confier, des élèves comme nous qui sont formés à ces questions ».
26 collèges touchés cette année
Vidéos donc, mais aussi slams, affiches, saynètes de théâtre : le millésime de cette 17e édition de Jeunes contre le sexisme a une nouvelle fois été riche en productions de tout type et de tous styles. Parfois drôle et percutant comme ces « Lunettes Egagal » détectant immédiatement tout propos sexiste, une vidéo du collège Oum Kalthoum de Montreuil. Parfois poignants comme ces textes, lus pour certains par l’intervenante Diariata Ndiaye et non par leurs autrices tant ils étaient pesants.
« Ce qui revient le plus dans ces ateliers slam, du point de vue des filles, c’est le harcèlement dans l’espace public, les violences sexistes et sexuelles, les jugements sur leur corps de manière générale. Chez les garçons, c’est davantage l’acceptation des émotions, la difficulté à parler de leurs sentiments. », estime cette intervenante qui était déjà de l’aventure il y a 17 ans, aux commencements du dispositif.
C’est là en effet le propre de ces ateliers : loin d’être une carte blanche aux élèves sur un thème de leur choix, ils sont encadrés par des intervenants formés auparavant par l’Observatoire départemental sur cette question des violences sexistes et sexuelles. Le fruit d’une volonté politique, comme le marquait encore jeudi la présence du président de la Seine-Saint-Denis Stéphane Troussel et de la vice-présidente Pascale Labbé. Cette année, 26 collèges, avec près de 3500 élèves, auront ainsi été sensibilisés. Mais aussi le résultat d’une méthode mise en place par Ernestine Ronai et Carole Barbelane-Biais, à l’origine de ce programme.

Carole Barbelane-Biais et Ernestine Ronai, respectivement responsable du programme Jeunes contre le sexisme et présidente de l’Observatoire des violences faites aux femmes.
« On s’en souvient encore, la première année, certains garçons ricanaient. Cette année, certains étaient même sur scène. Ca montre que notre intuition de départ était la bonne. », se félicitaient les deux femmes, qui vont désormais passer la main à la tête de l’Observatoire des violences faites au femmes, mais qui n’arrêtent évidemment pas le combat.
Dans les couloirs du Méliès, après la séance, filles et garçons, parfois même de différents collèges, discutaient encore des productions qui les avaient marqués. « Ces ateliers, ça nous incite en fait à se mettre à la place de l’autre, à réfléchir à ce que peut ressentir une fille qu’on insulte ou qui se prend des remarques sur son corps. Ca nous apprend aussi à nous méfier des réseaux sociaux, à suivre les bonnes personnes », convenaient Elijah, Simon, Lior et Lazare du collège Lavoisier à Pantin. Les ricanements, oui, étaient bien loin.
Christophe Lehousse
Photos: ©Sophie Loubaton