Au collège Fabien de Saint-Denis, l’Odyssée Jeunes est tout un art…

Ce mercredi de début juillet, les élèves de troisième SEGPA – Section d’enseignement général et professionnel adapté- du collège Fabien de Saint-Denis ont un peu des allures de sculpteurs de la Renaissance… Un peu partout dans ce vaste atelier où des murs en parpaings bruts bâtissent une maison inachevée, on s’agite autour de pièces de marbre directement venus de Carrare en Italie, cité mondialement connue pour la qualité de son marbre blanc. Six blocs massifs de près de 300 kilos, livrés en avril depuis une des carrières de Toscane, qui retraverseront bientôt les Alpes pour s’installer, sculptés, sur les sommets de la commune de Chiesanuova, spot prisé pour le vol en parapente dans la région de Turin. Mais aussi l’une des deux étapes transalpines de l’Odyssée Jeunes -lire notre encadré- d’une quinzaine de collégien·ne·s de Fabien, qui en novembre 2023 se sont rendus sur ce site ouvert à tous les vents pour y esquisser la « tornade », leur rêve d’œuvre d’art aujourd’hui accompli.

Une « tornade » qui rapproche…

« On est montés au sommet et on a imaginé tous ensemble de créer cette « tornade » composée de différents blocs de marbre, raconte Inès, 14 ans, l’une des élèves de SEGPA engagée dans le projet. C’est incroyable d’imaginer que bientôt l’ œuvre qu ’on a créé ensemble sera installée en Italie. Pour nous, ça restera, en tout cas, un super moment parce qu’avant ce voyage italien, personne ne s’entendait dans la classe. Et puis, tout a changé avec ce séjour :on a commencé à travailler ensemble, à se parler… » Inès, elle aussi, s’est transformée lors de ce premier périple transalpin. Marco Guadagni, le directeur-adjoint de la section SEGPA du collège Fabien, qui réalise également un documentaire vidéo sur l’aventure de ses élèves, s’en souvient encore : « Ce jour-là, je filmais une présentation du projet qui était faite par Inès et elle m’ a scotché derrière la caméra lorsqu’elle a affirmé avec beaucoup d’assurance qu ’en créant cette œuvre d’ art, les SEGPA démontraient très clairement qu’ils n’étaient pas des imbéciles ! »

Apprendre à s’interroger

Car, ce projet Odyssée Jeunes a aussi été l’occasion de s’ouvrir au monde et à la beauté du travail des artisans de Carrare lors d’un deuxième séjour italien en mai dernier. « Là-bas, ils ont pu visiter les carrières où est extrait le marbre maisaussi se rendre compte de la réalité du quotidien des tailleurs de pierre. Ce qu’ils avaient aussi fait à la Basilique de Saint-Denis sur le futur chantier de la Flèche de la Basilique », détaille Paul-Éric Mariaval, spécialiste du design d’intérieur et enseignant en technologie de la classe de SEGPA. Travailler, très concrètement, sur cette œuvre d’art leur a redonné confiance en eux, en même temps que la capacité de se concentrer un peu plus que d’habitude sur un travail. En fait, c’est vraiment le type de projets qui leur fait réaliser qu’ils ne sont pas « idiots » ! Contrairement à la sale étiquette que trop de monde colle aux sections SEGPA. En travaillant le marbre, ils ont appris à se poser des questions avant de se lancer dans la sculpture, compris qu’il fallait réfléchir avant d’agir. Et ça, c’est un premier pas important pour eux, de même que pédagogiquement ils ont pu, ensuite, étudier beaucoup plus facilement des notions autour de l’Empire romain en étant à Carrare. »

Des mains qui lancent un signal…

Autre avantage de cette Odyssée Jeunes, elle a aussi été l’objet d’un don d’œuvres mutuel entre les collégiens de Saint-Denis et des élèves de sections techniques de la région de Turin, qui lors de la visite des Séquano-Dionysiens ont réalisé un moulage des mains de leurs homologues français tenant des outils rappelant l’apprentissage technique (ciseau, peigne, clé anglaises, équerre…) pour les assembler sur une sorte d’obélisque mobile, livré le 3 juillet à Saint-Denis par ces mêmes élèves italiens. Lequel mobile, lors de la prochaine rentrée scolaire, aura vocation à être exposé dans les collèges de Seine-Saint-Denis. « C’est un projet d’échange qu’on a pu monter en alliant les financements européens du dispositif Erasmus + avec ceux d’Odyssée Jeunes ou de la Ville de Saint-Denis, précise François Bojczuk, coordonnateur de réseau d’éducation prioritaire au sein de l’Éducation nationale. Et ce sera surtout l’occasion, à travers l’histoire de ce projet, de démontrer que l’art, la création artistique ne sont pas inaccessibles pour les sections SEGPA.»

Confirmation auprès de Taher Rehabi, jeune dionysien de 21 ans et ancien élève de la SEGPA de Fabien, qui après une formation à la photo et à l’audiovisuel en lycée professionnel, est revenu six ans plus tard, initier les collégien·ne·s du projet Odyssée Jeunes à la prise d’images pour constituer l’expo photos qui retrace leur projet : « La SEGPA, sourit-il, c’est franchement une chance. Parce qu’on touche à tous les métiers de manière concrète, ça nous donne aussi legout du travail. En fait, on peut faire plein de choses en passant par les classes SEGPA et ce genre de projet le prouve. Et puis, quoi de mieux que de réaliser une œuvre d’art qui sera vue en Italie par des milliers de touristes pour redonner confiance à ces jeunes ? »

Peut-être, effectivement, quelques blocs de marbre de Carrare sur lesquels une quinzaine de collégien·ne·s de Seine-Saint-Denis ont commencé à graver une partie de leur avenir…