Quand le sport sert de tremplin vers l’emploi

« Passer par le sport, c’est bien. Ça permet d’évacuer plein de choses et ça produit une bonne fatigue. Le lendemain, on est prête à remettre ça. » Ces propos sont ceux de Ferouz, une jeune femme de 23 ans passée par « Premier pas », un programme d’insertion par le sport mis en place par le club de football américain de Villepinte. Remise en selle par ces ateliers, la jeune femme est aujourd’hui en formation BAFA.

Comme les Diables Rouges, elles étaient vendredi 34 structures à être honorées par le Département pour leurs actions d’insertion par le sport. Réunies sous la verrière du Campus Condorcet d’Aubervilliers, Hand’Joy, Kabubu, l’APELS ou la Cantine des Femmes battantes différaient peut-être dans les publics visés et les sports choisis. Mais à chaque fois une constante : toutes ces structures ont identifié le sport comme un bon moyen de générer de la confiance et du lien social.

« Inser’sport, c’est la rencontre de deux dynamiques : d’une part, une dynamique sportive avec l’organisation des Jeux olympiques sur une bonne partie de notre territoire et d’autre part une dynamique de refonte de nos politiques d’insertion, resituait le président de la Seine-Saint-Denis Stéphane Troussel. Grâce à la renationalisation du RSA (Revenu de Solidarité Active), nous avons en effet pu libérer des crédits que nous avons affectés à l’accompagnement des bénéficiaires. Il s’agit donc de faire plus et mieux, notamment grâce au sport qui permet de remobiliser des personnes éloignées de l’emploi qui pouvaient avoir perdu confiance. »

La preuve par quatre, avec quatre focus sur des lauréats de cette 3^e édition d’Inser’sport.

Cultures du Coeur en Seine-Saint-Denis

Magali Ref, directrice de Cultures du Cœur

Ramener 60 jeunes vers une pratique du sport régulière et leur faire travailler d’autres compétences via le sport, c’est le projet de Cultures du Coeur. Installée à Pantin, cette association qui travaille au quotidien pour rendre le sport et la culture accessible à tous a choisi d’insister sur l’activité sportive à l’heure des JO. « Les jeunes avec lesquels on va travailler sont des mineurs isolés de la CAMNA à Bobigny, des jeunes de la mission locale de Saint-Denis ou de la régie de quartier de Villetaneuse. C’est un projet en deux étapes, détaille Magali Ref, directrice de la structure. D’abord, on va les inciter à reprendre une pratique sportive dans des clubs partenaires, tout simplement pour les aider à se sentir bien dans leur corps. Ensuite, on veut aussi travailler avec eux des compétences comme l’expression orale et écrite via des interviews de responsables sportifs ou des sportifs de haut niveau que l’on préparera avec une association partenaire, le Labo des histoires. » Contact a déjà été pris avec l’ancienne rugbywoman Laura di Muzio qui pourra ainsi raconter son parcours d’internationale, pas toujours semé de roses quand on connaît la difficulté à faire du rugby en tant que femme. « Le sport est intéressant à plein d’égards : d’abord, il est bénéfique en termes de santé et puis, il aide beaucoup pour l’insertion sociale », conclut Magali Ref.

Txalupa, Montreuil

Claire Seang et Alban Cappello, de l’association Txalupa, basée à Montreuil.

De la voile en Seine-Saint-Denis ? Et pourquoi pas ! C’est un peu le slogan de cette association montreuilloise, qui depuis 10 ans, s’appuie sur la navigation pour amener des jeunes sortis du système scolaire sans diplôme ou sans emploi à reprendre confiance. « L’idée, c’est de montrer à ces jeunes qu’eux aussi ont le droit de faire de la voile et qu’ils ne sont pas moins légitimes que d’autres dans ce domaine », explique Alban Cappello, responsables de la structure et ancien de Drop de béton (également lauréat d’Inser’sport). Un peu à l’image des initiatives de l’alpiniste de l’Ile Saint-Denis Nadir Dendoune, Txalupa (« la barque » en basque) incite les jeunes des quartiers prioritaires de la Seine-Saint-Denis à ne rien s’interdire. « Quand on vous lâche sur un lac et qu’on vous dit que c’est désormais vous les maîtres à bord, je peux vous dire que ça donne de la confiance », témoigne Claire Seang, une ex-bénéficiaire de Txalupa, désormais bénévole pour l’association. Même si elle insiste sur l’émancipation et l’autonomie, la structure effectue évidemment un travail en amont : sur sa base du lac d’Orient, près de Troyes, les jeunes accompagnés rénovent d’abord les embarcations et apprennent progressivement les rudiments de la voile. Mais ensuite, il·elle·s prennent en effet la barre. Cap sur une estime de soi retrouvée puisqu’il·elle·s se seront surpris à faire des choses dont il·elle·s ne se pensaient pas capables.

Sport dans la Ville

Benoît Taillardat, directeur régional Ile-de-France à Sport dans la Ville

Le sport comme vecteur d’équilibre, comme lien social, comme pont vers un milieu professionnel. Toutes ces facettes sont déclinées dans les actions de Sport dans la ville auprès des jeunes des quartiers populaires de 6 à 30 ans. « Notre champ d’action, c’est les Quartiers politiques de la ville (QPV). Notre porte d’entrée, c’est très souvent la rénovation, avec les villes, d’un équipement sportif : un terrain de basket, un city stade… Et à partir de là, on tire le fil : tous les mercredis et samedis après-midi, on propose via des éducateurs des activités sportives gratuites sur ces terrains. Arrivé en classe de 3^e, ça rend les choses plus faciles pour dire aux jeunes : « qu’envisagez-vous pour votre stage de 3^e ? Quelles sont vos envies professionnelles ? », détaille Benoît Taillardat, directeur régional Ile-de-France de l’association.

Acteur majeur de l’éducation par le sport depuis 1998, cette association qui suit 12 000 jeunes sur toute la France, s’étoffe petit à petit en Seine-Saint-Denis. Déjà présente dans 6 villes (Bondy, Drancy, Bobigny, Saint-Denis, l’île Saint-Denis, Saint-Ouen), elle va encore accroitre son action avec l’ouverture en septembre prochain d’un Campus à rayonnement régional à Pantin. Installé sur le site du Fort d’Aubervilliers, ce site comprenant un terrain de foot, 4 terrains de basket et des salles de réunion va permettre à l’association de changer de braquet sur les actions d’insertion et d’égalité filles-garçons à travers le sport. « L’idée, c’est vraiment d’ouvrir un maximum l’horizon des jeunes socialement et professionnellement. Si le sport est un point de départ, il n’est pas nécessairement le point d’arrivée. On veut emmener les jeunes qu’on accompagne bien au-delà des métiers du sport », insiste encore Benoît Taillardat.

 Toutes sport, du CIDFF 93

Céline Foulc, directrice du CIDFF 93

S’appuyer sur le sport pour regénérer de l’estime de soi, c’est aussi le point de départ du programme « Toutes sport » lancé par le Centre d’information sur les droits des femmes et des familles 93. Cette antenne qui accompagne des femmes sur différentes thématiques comme l’emploi, la lutte contre les violences sexuelles ou l’égalité hommes-femmes a aussi souhaité se saisir du sport comme d’un outil. « On sait très bien qu’il a un effet bénéfique non seulement physique, mais aussi psychique et qu’il sert parfois de déclic sur ce que telle ou telle personne est capable de faire. Donc nous avons mis en place ce programme pour toutes les femmes suivies par notre service emploi », explique Céline Foulc. Si le CIDFF a un rayonnement sur tout le territoire, l’action est pour l’instant circonscrite aux 9 villes de la communauté Est Ensemble. Différents sports pourront être pratiqués, du basket à la boxe. Une marraine sportive de haut niveau devrait aussi accompagner ces femmes dans leurs actions.

Christophe Lehousse

Photos: ©Franck Rondot