Metishima, reconnaître les talents d’ailleurs
- Le Département de la Seine-Saint-Denis soutient l’association Metishima qui accompagne les personnes exilées vers l’emploi.
- Son but : reconstruire des parcours professionnels brisés par l’exil.
- Interview de sa fondatrice, Marie Doué.
Votre association accompagne les personnes exilées vers l’emploi. Qui sont ces personnes ?
65% des personnes que nous accompagnons ont un niveau supérieur au baccalauréat. Ces personnes exilées arrivent ici parce qu’il y a la guerre, des problèmes chez eux. Elles partent du jour au lendemain alors qu’elles avaient une situation chez elles. Et ici, elles se retrouvent sans papiers, sans rien. Elles doivent alors prouver qu’elles ont existé dans le passé. Aujourd’hui nous accompagnons 65 nationalités.
Ces personnes ont des compétences. Sont-elles diplômées ?
Oui, mais quand elles arrivent, on ne leur demande pas qui elles ont été. On leur dit : « Et bien voilà, il y a ce métier. Il faut y aller parce qu’il faut travailler. » Mais pour travailler, pour se sentir bien, il faut être dans un métier qui nous correspond, qui nous plaît. Je ne dis pas forcément arriver au même au stade parce qu’on n’est pas dans le même processus.
Pouvez-vous nous donner un exemple ?
On a une ingénieure informaticienne qui vient du Sri Lanka, partie à cause de la guerre. Nous sommes en train de lui chercher une entreprise qui puisse lui donner la chance de commencer, même par le back office.
Qu’est-ce qui manque à ces personnes ?
Ce qui leur manque, c’est d’avoir confiance en elles. Le fait de n’avoir pas pu encore montrer au pays d’accueil leurs compétences les freine.
Combien de femmes accompagnez-vous ?
On a 45% de femmes. Quand elles arrivent, elles sont carrément cassées. Elles ont subi davantage de traumatismes que les hommes. Certaines ont été violées durant le parcours. Leur environnement ne leur permet pas non plus de prendre la parole. Elles sont aussi dans un système patriarcal. Par conséquent, la femme ne peut pas être ce qu’elle a été. Elle doit s’occuper des enfants. Elles doivent faire des métiers plus ou moins non qualifiés. C’est assez compliqué par rapport à la langue, par rapport à la posture, par rapport à ce qui a été vécu et par rapport à la place laissée aussi par la femme dans la société d’accueil.
Comment aider ces femmes ?
Certaines personnes restent dans leur communauté en pensant que cette communauté va les protéger. Mais à un certain moment, elles se rendent compte que la communauté, non seulement ne les protège pas, mais reproduit la souffrance. Comme ces personnes ne trouvent pas les portes à ouvrir, elles se retrouvent coupées de tout et ne peuvent pas rayonner. Voilà pourquoi elles restent dans la communauté où elles se sentent plus ou moins à l’aise.
Où trouvent-elles la force de s’épanouir ?
Les personnes arrivent avec des compétences, ce sont des talents. Nous avons des ingénieur.e.s informaticien.ne.s, des agriculteur.trice.s, des ingénieur.e.s agronomes, des comptables, des médecins mais qui ne peuvent pas exercer et qui passent par des formations pour devenir infirmier.ère. Nous avons de tout. Et que fait-on ? On les accueille et ensuite le processus s’arrête. Ils sont dans les centres d’hébergement. Ensuite, après avoir obtenu leurs papiers, ils ont entre 3 à 6 mois pour pouvoir trouver quelque chose. Tout cet effort, tout ce temps, cet argent mis à disposition par les départements et l’Etat, tout cet espoir qu’on leur avait donné, va s’arrêter du jour au lendemain. Comment est-ce qu’on fait pour déplacer les lignes ? C’est vraiment une bonne action, mais le pays qui accueille doit la mener jusqu’au bout. Ces personnes peuvent encore rayonner en les laissant intégrer le monde de l’emploi plus facilement.