APART, une bouffée d’air pour les jeunes des quartiers
- Cette association tremblaysienne, soutenue par le Département, mise sur les sports de plein air pour redonner confiance à des jeunes parfois en perte de repères.
- En 25 ans, elle a multiplié les excursions en montagne, en France comme à l’étranger.
- Ces voyages sont souvent le prétexte à l’élaboration d’un projet professionnel dans le monde du sport, mais pas seulement...

Armane, moniteur d’escalade, donne des conseils à un jeune accompagné par l’association APART.
« Les gars, c’était bien. A la prochaine séance, on apprendra un peu plus à grimper en tête, d’accord ? » Armane conclut là la 4e séance d’escalade de l’année menée au Prisme de Bobigny avec des jeunes de l’association APART. Le moniteur, bénévole pour l’association, est satisfait de la manière dont ses élèves progressent. Et les sourires se lisent aussi sur chacun des visages des 7 jeunes venus assister à la séance.
Sur celui de Dani par exemple, 20 ans, originaire d’Aubervilliers. « Je suis content, je me sens progresser. L’escalade, c’est vraiment devenu mon truc. Aujourd’hui, j’envisage de présenter le CQP (certificat de qualification professionnelle) pour devenir moniteur d’escalade. Je sais que ce sera dur, mais je m’en donne les moyens chaque jour à l’entraînement », affirme ce jeune homme à la mine décidée, devenu un habitué des parois du Prisme. Le petit groupe a en effet pris l’habitude de se retrouver chaque mercredi matin dans ce nouveau gymnase de Bobigny construit à l’initiative du Département, qui soutient d’ailleurs l’association APART.
Même réflexion du côté de Khassy. A 18 ans, ce jeune homme qui a grandi dans un foyer de l’Aide Sociale à l’Enfance d’Aubervilliers a pris un nouvel élan grâce à l’escalade. « C’est mon foyer qui m’a mis en relation avec l’association. A l’époque, je ne faisais rien. Avec l’escalade, j’ai vraiment trouvé une passion, c’est à la fois un sport et un art. Ça demande une gestuelle tellement fine ! Je pense à en faire mon métier, pourquoi pas moniteur ou guide de haute montagne… »
300 jeunes accompagnés à l’année
Un peu à l’écart, deux hommes assistent discrètement à la séance. Avant les jeunes en question, Samir Souadji, le fondateur d’APART, et Nadir Dendoune, écrivain originaire de l’Ile Saint-Denis qui s’est fait notamment connaître pour son ascension de l’Everest, ont bataillé pour que les joies de la montagne ne soient pas que réservées aux happy fews des classes aisées.
« J’ai créé cette association il y a 25 ans quand je me suis aperçu de tout ce que pouvaient apporter des sports outdoor à des jeunes des quartiers, raconte Samir Souadji. Il y a d’abord tout l’esprit débrouillard dont vous devez faire preuve pour pouvoir partir, les dossiers de financement etc. Puis, la solidarité et la ténacité que vous apprend ensuite l’ascension. Et l’ouverture d’esprit que ça représente : pensez que la plupart des jeunes de quartier, à 20 ans, ne sont même jamais allés à Paris ! », liste ce grand costaud originaire de Tremblay, au carnet d’adresses long comme le bras.
Pour remédier à l’enfermement avec lequel peut parfois rimer la vie en quartiers, l’association APART, qui accompagne quelque 300 jeunes à l’année, organise au moins chaque année un voyage sportif : le mont Toubkal au Maroc en 2019, le Kilimandjaro en 2022, ou encore le Mont Uchitel, au Kirghizstan, à quelque 4500 mètres d’altitude en 2024. En décembre, c’est cette fois le massif du Hoggar au sud de l’Algérie que ces courageux iront découvrir. Autant de voyages financés par des fonds privés et la débrouillardise des jeunes participants.
« Les excursions, ce n’est pas qu’anecdotique, renchérit Nadir Dendoune qui avait aussi contribué à la formation de la première cordée féminine de l’association en 2022. D’une part, on s’en sert comme outils pour que les jeunes reprennent confiance en eux-mêmes, se rendent compte de quoi ils sont capables. Mais tout bêtement, ça peut aussi parfois faire la différence dans un CV. Quand un recruteur voit « ascension du Kilimandjaro » dans les expériences, ça pique forcément sa curiosité et ça peut jouer en faveur du jeune. »
Les métiers du sport sont aussi des métiers en tension

Des jeunes de l’association APART sur le Mont Uchitel, Kirghizstan, en octobre 2024.

Le groupe d’entraînement de l’association APART au gymnase Prisme de Bobigny.
Car aux yeux d’APART, les voyages ne sont pas une fin en soi. Ils sont toujours couplés avec la construction d’un projet professionnel qui, à la manière d’un sommet, peut d’abord sembler inaccessible aux jeunes bénéficiaires, avant que, pas après pas, ils ne s’en rapprochent.
« Ce sont très souvent des professions liées au sport, concède Samir Souadji, mais pourquoi pas… On entend toujours qu’il faut orienter les jeunes vers les fameux métiers en tension : serveur, cariste, aide à la personne… Mais à 20 ans, ce ne sont pas forcément des métiers qui font rêver. Or à cet âge, la motivation, c’est primordial ! Donc pourquoi ne pas guider ces jeunes vers d’autres métiers du sport, qui recrutent eux aussi, des métiers qui permettent de vivre correctement et de voyager ? »
Dani, Khassy et Youssef, 3 des 7 jeunes rencontrés au Prisme envisagent ainsi de devenir moniteurs d’escalade. Et 2 autres jeunes accompagnés par l’association viennent de passer leur Brevet de Maîtres Nageurs Secouristes (BNSSA).
Oussama, lui, a choisi une autre voie. A 28 ans, cet ancien de l’association originaire de Sevran prépare un CAP d’électricien du bâtiment. Mais pour rien au monde, il n’arrêterait de grimper : « Passer par APART, ça a boosté ma confiance en moi. Il y a tellement de choses dont je me sens capable grâce à eux. Aujourd’hui, j’essaie un peu de rendre ce qu’on m’a donné. », dit celui qui a fait venir d’autres jeunes à la salle de grimpe. La cordée d’Apart ne fait que s’allonger.
Christophe Lehousse
Photos: ©Association Apart et ©Nicolas Moulard