S’émanciper par la maîtrise du français

S’émanciper par la maîtrise du français
Insertion
  • Le Département a lancé en 2024 un réseau permettant aux habitant·es qui le souhaitent d'être orienté·es pour apprendre le français.
  • Kaoutar Toubali Kokazi, originaire d'Epinay-sur-Seine, a bénéficié d'une formation linguistique gratuite qui l'a aidée à trouver un poste d'agente d'accueil.
  • Nous avons rencontré cette ancienne apprenante qui a vu sa vie s'améliorer radicalement grâce à cet apprentissage.

Comment êtes-vous arrivée en France et pourquoi vous êtes-vous inscrite dans le réseau Apprendre le français ? 

Je suis née au Maroc où j’ai appris des rudiments de français et l’anglais au lycée et à l’université. En août 2023, dans le cadre du regroupement familial, j’ai rejoint mon mari qui habite à Epinay-sur-Seine et travaille en tant que chauffeur de taxi à Paris. Mes premiers mois en tant que femme au foyer ont été assez compliqués : je parlais très mal français, j’avais honte de répondre au téléphone ou de discuter avec des agents pour les démarches administratives. Une conseillère de France travail m’a orientée auprès d’une évaluatrice qui a fait un point sur ma situation administrative, ma maîtrise de la langue, mes objectifs personnels et professionnels… Cette dame m’a ensuite dirigée vers l’association Solidarité Formation Mobilisation Accueil et Développement (SFMAD) d’Epinay qui m’a conseillée de venir 3 jours par semaine de 9h30 jusqu’à 16h30 pendant 4 mois pour une formation intensive en français.

Comment s’est passée cette formation ? Ce n’était pas trop difficile pour vous qui venez d’un pays où la calligraphie est complètement différente ? 

Nous étions dans des groupes d’une vingtaine d’apprenants hommes et femmes originaires de Tunisie, d’Algérie, du Sri Lanka, d’Inde, du Bangladesh… Notre professeure Murielle nous donnait des cours sur l’histoire de France, la culture générale, la grammaire, la conjugaison… dans une salle où elle avait accès à un grand écran connecté pour illustrer les constructions de phrases de type sujet, verbe, complément. L’enseignante abordait aussi des sujets sur la vie quotidienne, comme la civilisation européenne, les écrans, internet, les problèmes de transport… pour prendre le pouls de notre intégration en France. Je me sentais de plus en plus à l’aise en conversant auprès de mes voisins, des commerçants… ce qui a été un immense soulagement et qui a changé ma vie.
Murielle m’a également préparée grâce à des examens blancs au passage du Diplôme d’études en langue française (DELF) B1, une certification que j’ai obtenue en juin 2024 au centre d’examen de La Courneuve. Cette évaluation du Cadre européen de référence pour les langues (CERL), que je craignais un peu, était composée d’un test de compréhension orale/écrite consistant à résumer un texte entendu sur une cassette et une production orale/écrite nous incitant enre autres à discuter 20 minutes avec un examinateur sur un sujet tiré au sort.

Le fait de maîtriser le français est-il fondamental pour s’insérer dans la société française, trouver un travail ? 

Oui, très largement, je l’ai vécu comme une véritable émancipation, la possibilité d’être indépendante, d’avoir une plus grande confiance en soi et de tisser des liens sociaux avec mon entourage. A la fin de la formation, notre enseignante a abordé pendant une semaine les questions de lois, de réglementations, les grands axes de la Constitution française, la Déclaration des droits de l’Homme, l’égalité hommes-femmes… Elle nous posait aussi des questions sur nos projets professionnels…
Le jour où j’ai reçu mon attestation de réussite, la secrétaire de l’association SFMAD qui nous a formés m’a indiquée qu’une place d’agente d’accueil était vacante pour cette structure. J’ai tout de suite candidaté et j’ai eu la joie d’être retenue sur ce poste après l’entretien de recrutement. Mon travail consiste à répondre par téléphone aux questions des personnes intéressées par des formations linguistiques, professionnelles, réaliser des tâches administratives, prendre des RDV… Je n’aurais jamais pu faire ces activités auparavant. J’adore le contact humain et connaissant les besoins des apprenants pour les avoir vécus, je peux facilement renseigner les personnes allophones peu à l’aise en français au début de l’accompagnement de SFMAD. J’aime beaucoup aider les gens et je me sens comme un poisson dans l’eau dans ce poste où j’ai le sentiment d’être utile et à ma place. J’espère que mon CDD de 10 mois sera renouvelé fin juin, je croise les doigts car je me sens vraiment heureuse dans mon métier et très bien intégrée aujourd’hui dans la société française.

Un réseau pour apprendre la langue de Molière 

Lancé en 2024, ce réseau offre une émancipation à près de 6 500 personnes, facilitant leur intégration socio-professionnelle. Financé par la collectivité et l’Etat et présent dans les 4 établissements territoriaux de Seine-Saint-Denis, il fonctionne grâce à des permanences au sein d’associations, de centres sociaux, d’agences locales d’insertion ou de France travail…

« A travers ce réseau et divers dispositifs soutenus dans le cadre de l’appel à projets Seine-Saint-Denis compétences, le Département mène une politique volontariste pour répondre aux besoins des habitantes et habitants allophones dans un territoire où 30% de la population est immigrée » déclare le Président du conseil départemental Stéphane Troussel lors d’un forum professionnel du réseau Apprendre le français.  « Cet engagement, que nous portons avec Mélissa Youssouf, vice-présidente chargée de l’insertion, de l’ESS et des fonds européens est d’autant plus nécessaire dans un contexte de rehaussement des exigences de maîtrise de la langue française pour l’obtention de la nationalité ou pour l’obtention ou le renouvellement d’un titre de séjour depuis le vote de la loi immigration du 26 janvier 2024 et alors que les moyens consacrés à l’apprentissage du français baissent drastiquement ».  

Crédit-photo : Marie Magnin

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