Reekom, pionnier du re-commerce

- Lancée en 2022, l'entreprise courneuvienne Reekom redonne vie à des milliers de produits de prêt-à-porter, de chaussures, de maroquinerie, de meubles...
- Les 20 salarié·es de la start-up lavent, repassent, désinfectent ou réparent près de 30 000 objets par mois revendus sur le marché de la seconde main.
- Reportage dans les travées d'un entrepôt aux allures de ruche qui est le plus grand centre de reconditionnement de France.
« Je shoote les habits sur un cintre afin que les clients aient l’image le plus réaliste possible du produit » confie Prisca, en photographiant plusieurs pull-overs en alpaga qui paraissent aussi neufs que s’ils étaient sortis de leur emballage. Dans le studio du bâtiment de 3 500 m2, la jeune femme met en lumière un flux continu de vêtements revalorisés par Reekom et qui seront bientôt présentés sur les sites de vente en ligne de marques comme Bonne Gueule, Paradigme, Agnès B, Vinted… « 90% des produits que nous embellissons sont réinjectés dans le circuit de la seconde main, le reste est donné à des associations ou réemployé dans des filières de recyclage » ajoute-t-elle.
Industrialiser le reconditionnement
Guillaume Perret du Cray, le directeur et fondateur de Reekom a longtemps travaillé pour les chaînes d’approvisionnement de sociétés françaises ou internationales avant de lancer la jeune pousse. « Ayant conduit des projets logistiques de l’entreprise Veepee (anciennement vente-privée.com) située à côté du Stade de France à Saint-Denis, j’ai vu que les e-commerçants ont souvent des retours de produits (matelas, accessoires…) de clients qui les ont essayés parfois pendant des mois avant de se déclarer insatisfaits » explique-t-il. « Depuis la loi AGEC de 2020, les marques n’ont plus le droit de détruire ou d’incinérer ces objets usagés. Elles doivent les réintégrer dans l’économie circulaire, ce qui leur permet d’ailleurs de réaliser des bénéfices en revendant ces stocks avec une réduction de 30% et 50% sur le prix d’origine ».
Soutenue par la Banque publique d’investissement, la Région Île-de-France, l’éco-organisme Refashion et des partenaires privés, la structure a obtenu une levée de fonds de 4,5 millions d’euros afin de revaloriser des objets de diverses marques issus de la mode, de l’ameublement ou de la décoration… Reekom a recruté une vingtaine de salarié·es dont une partie est en insertion professionnelle et investi dans des machines dernier cri, parfois originales, comme des cabines de désinfection des textiles à l’ozone et aux UV qui retirent au vêtements toute odeur désagréable ou de renfermé.
Les vêtements sont acheminés par ballots entiers dans les locaux de La Courneuve, où des manutentionnaires les trient et les enregistrent dans les bases de données Reekom avant de les orienter vers des salles où des employé·es les désinfectent, peuvent enlever certaines tâches puis les réparent sous les mains experte de couturiers. De même, les meubles et les accessoires sont reconfectionnés puis refacturés en fonction des opérations réalisées auprès des marques qui restent propriétaires de leur stock.

Ce cintre à vapeur automatique permet de sécher des milliers de vêtements secs et les repasser sans laisser le moindre pli à une cadence industrielle.
Revaloriser les métiers d’artisanat
Lindsey, 22 ans, qui assure le service après-vente de certains objets de luxe, recoud la chape et le crochet défectueux de la bandoulière d’un sac. « Pour cette opération, je dois d’abord coincer la matière en utilisant une grande pince de sellier pliante pour coudre le cuir en étant la plus stable possible » indique la jeune femme qui a signé un CDI chez Reekom après avoir décroché un CAP Maroquinerie Mention Très bien auprès du CFA des Compagnons du Devoir à Pantin. « Je travaille souvent sur des déchirures dues aux manipulations ou pour réparer des boutons pressions qui tombent, ce qui permet d’offrir une seconde voire une troisième vie à des produits en cuir issus de la peau animale ».
A quelques mètres de l’artisane, son collègue Yann, responsable de l’atelier de cordonnerie, restaure des sneakers Converse en changeant leurs semelles. « On a un partenariat avec des associations comme Noisy-Liens qui offre des tenues élégantes pour aider les personnes précaires à réussir leur entretien de recrutement » déclare-t-il devant des formes en bois et une presse orthopédique. « Ces structures récupèrent des chaussures auprès des particuliers et on détermine un cahier des charges avec elles pour définir les objets que l’on va ou pas réparer. On remet à neuf aussi des souliers de luxe qui auraient subi des avaries comme des pliures et sont revendues après restauration ».
La start-up Reekom, qui est pionnière dans l’industrialisation des activités du reconditionnement, a séduit de nombreuses entreprises ou structures en France. Profitable pour ses clients et ultra-précieuse pour la préservation des ressources de la planète, elle ambitionne également de se développer à l’international, d’abord dans les pays limitrophes puis, à long terme vers les Etats-Unis et l’Asie. On souhaite bon vent à la jeune pousse courneuvienne qui a visiblement trouvé les clés du succès en donnant aux marques la possibilité d’agir pour l’économie sociale et solidaire.
Crédit-photo : Franck Rondot