RSA : comment remobiliser les « perdu·es de vue »

- Le Département organise fin mars à Tremblay et à La Courneuve deux matinées dédiées aux allocataires du RSA n'ayant pas eu de contact avec leur référent·e.
- Marion Zante, directrice adjointe de la Direction de l'insertion, de l'emploi, et de l'économie sociale et solidaire, nous explique les enjeux et la méthode de cette reprise de contact.
Quel est le but de ce type de forum pour les allocataires « perdu·es de vue » ?
Ces événements s’inscrivent dans une stratégie globale pour (re)prendre contact avec les allocataires du RSA de Seine-Saint-Denis. On a constaté que beaucoup de nos publics ont droit à un accompagnement et ne le sollicitent pas. Or, dans le cadre de la renationalisation du RSA, on a désormais tous les moyens pour leur proposer un accompagnement de qualité, adapté à leurs problématiques en terme de réinsertion ou de retour à l’emploi.
Parmi les allocataires « perdu·es de vue » qui perçoivent le RSA, on dénombre différents types de profils. D’abord, celles et ceux qui n’ont jamais pris attache avec leur service référent de parcours et ne peuvent ainsi pas bénéficier de notre offre d’accompagnement, bien qu’ils soient pour certains en recherche active de travail. Ensuite, on peut évoquer les usager·ères qui ont été orienté·es vers les services sociaux, une Agence locale d’insertion ou France Travail mais qui, pour une raison ou une autre, n’ont pas été contacté·e dans l’année suivant leur orientation. Enfin, on prend en compte les allocataires qui ont arrêté de suivre depuis au moins deux ans l’un des trois parcours vers lequel ils·elles avaient été orienté·es.
Nous voulons conforter ces personnes dans leur parcours et pour celles qui se seraient démobilisées, les intégrer dans des stratégies pragmatiques de reprise de contact. On souhaite leur expliquer quelle aide la collectivité peut leur apporter sur le chemin de l’insertion ou d’emploi, voire leur faire bénéficier d’autres droits sociaux, comme les bénéficiaires âgées qui, par difficulté d’accès aux démarches administratives, ne sollicitent pas leur droit à la retraite ou au minimum vieillesse.
Comment expliquer qu’une partie des bénéficiaires ne se présente plus aux entretiens avec leur référent·e RSA ?
On a une population précaire qui peut souffrir d’instabilité résidentielle, ce qui ne simplifie pas la réception des courriers postaux. D’aucuns peuvent être touchés par la fracture numérique et, sans ordinateur, avoir des difficultés à gérer l’administratif. D’autres enfin cumulent les problèmes de santé, la perte de confiance en soi ou subissent des freins à l’emploi comme la garde d’enfant, le soutien à un proche en tant qu’aidant ou des difficultés de mobilité…
En 2024, des étudiant·es en sociologie de l’université Paris VIII de Saint-Denis ont cherché à comprendre les raisons cachées du non-recours des usager·ères « perdu·es de vue » à l’accompagnement. Il en est ressorti que certaines démarches sont perçues comme suspicieuses, infantilisantes et qu’il existe une défiance, voire de la peur vis à vis des institutions.
Notre système est complexe avec l’inscription désormais automatique des allocataires à France Travail, la CAF qui verse le RSA, le Département en charge de l’accompagnement… Notre objectif est de le rendre compréhensible pour toutes les personnes, y compris celles qui ne maîtrisent pas le français. Pour lutter contre ce sentiment, nous cherchons à rendre la communication à leur endroit accessible et bienveillante sans employer la dissuasion. Une fois qu’ils ont franchi le seuil des services d’insertion, les bénéficiaires se disent satisfaits de l’aide proposée et de la fluidité de cet accompagnement.
Pour reprendre contact, nous passons par une communication multi-canal, avec des courriers d’orientation systématiquement doublés par des SMS pour être sûrs de toucher les ayants droit. Des campagnes téléphoniques ont aussi été engagées dans le cadre d’une stratégie d’« aller vers » les publics. Enfin, l’organisation de prochains forums vise à restaurer le lien de confiance entre les usager·ères et nous, les institutions.

Le Département de la Seine-Saint-Denis a organisé de nombreuses rencontres dédiées à l’insertion pour soutenir les bénéficiaires du RSA.
Vous évoquez un accompagnement personnalisé pour aider les allocataires à construire leur projet. A quoi correspond-il concrètement ?
Au sein de notre direction, on considère que nul n’est inemployable, quels que soient les obstacles rencontrés par les personnes et nous cherchons à sécuriser leur parcours en nous adaptant aux problématiques de chacun. Ainsi, les usager·ères qui rencontrent des difficultés sociales sont d’abord aidé·es pour résoudre leurs problèmes quotidiens et la question des débouchés professionnels vient dans un second temps.
Par ailleurs, le Département propose une grande variété de dispositifs d’accès à l’emploi accessibles sur le portail web : formation-rsa.seinesaintdenis.fr, qui présente un catalogue d’offres de formations, de coaching afin par exemple de préparer des entretiens d’embauche, des accompagnements à l’entreprenariat, des offres d’emploi… Des programmes d’immersion ou de mentorat existent aussi pour les jeunes diplômé·es ayant des difficultés à décrocher leur premier poste.
Qui plus est, la Seine-Saint-Denis regorge d’opportunités d’emploi dans les métiers du soin, de la petite enfance, l’hôtellerie, le commerce, la logistique, l’aéroportuaire, l’aérien… et nous disposons de partenariats avec des entreprises pour faciliter les recrutements dans ces secteurs…
En outre, le fait de reprendre contact avec un conseiller d’insertion ouvre accès à des prestations sociales connexes : Forfait solidarité transport, Protection universelle maladie… les équipes étant pluridisciplinaires et sensibilisées à l’accès aux droits.

Parmi les services d’accompagnement, des ateliers numériques ont permis aux allocataires de développer des compétences en informatique, augmentant leur employabilité.
Crédit-photo : Franck Rondot et Jean-Louis Bellurget