Le plus grand data center de France

Le plus grand data center de France
High tech
  • Il stocke, répartit, envoie les données qui sont désormais indispensables à notre vie quotidienne numérique.
  • Le Paris Digital Park à La Courneuve permettra à 4 milliards de spectateurs partout dans le monde de voir en direct la finale du 100m des JOP de Paris 2024.

Chaque jour, en passant devant l’ancien site des usines Eurocopter, des milliers d’automobilistes sur l’A86, d’usager·ère·s du tram T1, de voyageurs en train, se demandent : « Mais qu’est-ce que c’est que ce bâtiment ? » Un stade ? Avec 250m de diamètre, il en a certes les dimensions, mais il est loin d’héberger les prouesses d’athlètes. Ces formes arrondies abritent le Paris Digital Park, un gigantesque nid à données informatiques, un ensemble de 4 centres de données (data centers) d’une puissance de 80 MW (mégaWatts), le plus grand de France (pour l’instant…). Mais au fait, un centre de données, qu’est-ce que c’est ?

Encore en construction, le Paris Digital Park sera complètement terminé en 2025. Avec ses 250m de diamètre, les passagers des avions de Roissy le confondent parfois avec le Stade de France…

« Nous sommes comme un aéroport, un aéroport de données informatiques, explique Fabrice Coquio, président de Digital Realty France, entreprise leader des centres de données et propriétaire de celui de La Courneuve. Nous sommes la structure de l’aéroport, ses services. Nos clients, les CDN (Réseau de diffusion de contenu) que nous hébergeons dans nos serveurs et dans des bureaux mis à leur disposition, ont le rôle des compagnies aériennes et les données, ce sont les voyageurs ou le fret ! » Un CDN ou réseau de diffusion de contenu, c’est un groupe de serveurs géographiquement distribués qui accélèrent la diffusion de contenus Web en le rapprochant de l’endroit où se trouvent les utilisateurs. Ils stockent temporairement des copies de fichiers dans des centres de données répartis dans le monde entier et nous permettent de regarder un film, de télécharger un logiciel, de vérifier notre solde bancaire, de publier des messages sur les réseaux sociaux ou d’effectuer des achats sans avoir à attendre le chargement du contenu.

Fabrice Coquio précise : « Nous sommes capables d’envoyer des données de Paris à Marseille en 8 millisecondes. En 2 secondes, les données font désormais le tour de la Terre. » Des chiffres qui donnent le tournis, et ce n’est pas fini ! Le Paris Digital Park comporte 40 000 m² de salles hébergeant les serveurs, soit la taille de sept terrains de football sur plusieurs étages, sa puissance informatique est de 120 mégawatts, son coût s’élève à 1 150 000 000 euros ! Un investissement colossal réalisé par le groupe Digital Realty, leader mondial du secteur mais désormais nécessaire au quotidien de notre vie numérique. Fabrice Coquio reprend : « La vie de tous les jours passe par les data centers : consulter le solde de son compte, acheter un vêtement en ligne… Chaque smartphone héberge en moyenne 1200 photos, c’est considérable. Et les données des particuliers ne représentent que 20% des données, 80% proviennent des entreprises et des services publics. »

Sécurité, sécurité et sécurité

Dans les salles blanches, sans aucune trace de poussière, derrière des grilles et dans une atmosphère contrôlée à 25 °c, des rangées de baies regroupant des serveurs abritent les données de banques, d’assurances, de chaînes de télévision… Des données hautement sensibles et hautement protégées. Pour pénétrer au sein du bâtiment, il faut montrer patte blanche à plusieurs reprises. Un sas avec contrôle d’identité pour les piétons, badge obligatoire, tandis que les véhicules doivent franchir des plots escamotables, être contrôlés dans un sas. Et ensuite, impossible de rentrer et de circuler dans le bâtiment sans personnel de sécurité, sans franchir de nombreux sas… Quant au dispositif de cybersécurité, on ne nous dira même pas son fonctionnement… Et en cas de blackout, de gigantesque panne électrique, le bâtiment peut fonctionner 72 heures à pleine charge en autonomie. « Des groupes électrogènes de secours de 3 Mwatts chacun sont disposés sur le toit », explique Fabrice Coquio. Ce sont les cheminées noires que l’on peut voir au sommet du bâtiment. Ces générateurs de secours sont désormais alimentés par du biocarburant HVO (« Hydrotreated Vegetable Oil » huile végétale hydrotraitée). Pour faire baisser l’empreinte carbone. Car les centres de données consomment de l’électricité, beaucoup d’électricité…

C’est même l’une des raisons pour laquelle ils sont aussi nombreux en Seine-Saint-Denis, 23 en exploitation. Pour trois raisons : la première est la présence de réseaux de forte puissance électrique, suite au passé industriel du territoire. Par exemple, le site du Paris Digital Park possède ses propres lignes HTB2, des lignes de très haute tension et une puissance d’environ 130 Mwatts est nécessaire pour le faire tourner. Deuxième raison, la proximité des réseaux télécoms (le coût de raccordement dépend de la distance de connexion physique) et celles des « back bones », ces câbles gros porteurs de données situés le long des autoroutes, reliant par exemple Paris à Francfort. Et troisième raison, un prix du foncier moins élevé qu’ailleurs.

Besoins numériques vs urgence climatique

Avec peu d’emplois compte tenu de la surface (80 à 90 personnes employées par Digital Realty ou ses sous-traitants, plus 300 autres employées sur place par les clients du data center), une forte consommation d’énergie et la réputation de chauffer énormément, les centres de données n’ont pas toujours bonne réputation… Fabrice Coquio se défend : « Nous utilisons à 100% de l’énergie verte et 100% de nos émissions de carbone sont compensées. » Il nous explique également qu’« il est désormais moins nécessaire de refroidir les serveurs, qu’ils peuvent maintenant fonctionner de 25 à 45 °. D’autre part, on y utilise également la technique du « Free cooling ». L’air froid extérieur abaisse la température des salles informatiques. Fabrice Coquio remarque qu’à La Courneuve « il y a 5 ans, on pouvait utiliser le free cooling 60% du temps, désormais c’est un peu plus de 40 %. Un signe du réchauffement climatique… »

Un des éléments du gigantesque centre de données de La Courneuve, le PAR10, est même équipé d’un système de refroidissement liquide (eau en réseau fermé), particulièrement performant pour faire face aux besoins des clients en intelligence artificielle. Reste que comme toute machine qui fait du froid, les centre de données produisent tout de même de la chaleur. Mais il est possible de l’utiliser pour d’autres usages. Le 21 juin 2024, le Smirec, Syndicat mixte des réseaux d’énergie calorifique de Plaine commune, a inauguré la mise en service du système de récupération de chaleur du Data Center Equinix basé à Saint-Denis. Lorsqu’on lui pose la question de la mise en place d’un tel dispositif, Fabrice Coquio répond : « Nous mettons les calories gratuitement à disposition. Reste à amener le tuyau pour les récupérer. Nous sommes à ce sujet en discussion avec le Smirec. »

Rendre possible les JOP de Paris 2024

La proximité des sites olympiques, l’hébergement de clients de télécommunication tels Orange, China Mobile, des CDN (réseau de diffusion de contenu) comme le diffuseur de Canal +, expliquent l’implication de ce site dans la réussite des Jeux de Paris 2024. « Par rapport aux Jeux de Tokyo, détaille Fabrice Coquio, il y a 3 ans seulement, on estime que le volume de données échangées durant ceux de Paris sera multiplié par 3. » Une augmentation considérable qu’il explique par « le changement des habitudes de consommation. Désormais, tout le monde veut pouvoir regarder la finale du 100m sur son smartphone, en direct et en 4K. Il faut également prendre en compte le nombre important de personnes qui seront en télétravail durant les Jeux, au moins 29%. »

Le digital et ses besoins en échange de données n’en finissent pas de croître. D’ailleurs le groupe Digital Realty a déjà lancé la construction d’un encore plus grand centre de données à Dugny, proche de la nouvelle usine Eurocopter (décidément ! ndlr). Celui-ci ne fera pas 130, mais 200 Mwatts…

Photos : Franck Rondot et Digital Realty

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *