Ivann Casser les codes

Ivann Casser les codes
Upcycling
  • A 19 ans, cet habitant de Saint-Ouen a conçu et cousu un jogging immaculé à partir de tissus trouvés à Guerrisol.
  • Plébiscité par les réseaux sociaux, lors du concours lancé par la marque territoriale In Seine-Saint-Denis, Ivann s’apprête à intégrer l’école de mode Casa 93, installée à Montreuil.
  • Fan de rap, de basket et de Jacquemus, il rêve de créer sa propre marque tout en upcycling.
« Tous les gens qui m’ont aidé à réaliser ce projet (shooting, vidéo, mannequin…) viennent du 93. Avec cette tenue, je voulais dire qu’il se passe autre chose dans les quartiers, qu’il y a aussi des petits défilés indépendants ».
Ivann Gagnant du Concours In-Seine-Saint-Denis/Casa 93

Le concours de mode proposé par la marque territoriale In-Seine-Saint-Denis et l’école de mode Casa 93 met à l’honneur la mode éthique. Qu’en pensez-vous ?

L’upcycling, ça me tenait à cœur. Aujourd’hui, on pourrait tous agir plus ou moins pour une mode éthique. On devrait aller davantage en friperie. En réalité tout pollue. Même Vinted pollue car il y a le transport. Mais il y a des choses qui polluent moins : les habits de seconde main. Et essayer de moins acheter car on achète beaucoup de choses dont on n’a pas besoin. L’éthique, c’est très important, on n’y pense pas assez. D’ici un an, je vais sortir une collection en upcycling. J’y travaille actuellement.

A quoi va-t-elle ressembler ?

J’aimerai faire une collection de jeans avec de l’upcycling, ou au moins des fournisseurs éthiques mais ça coûte cher. Je pourrais aller dans les friperies mais j’ai une idée d’un jean très propre et c’est compliqué dans l’upcycling. Si on veut rendre l’upcycling tendance, on n’y arrivera pas si on ne fait pas des choses propres. Ma tenue on pourrait croire que ce n’est pas de l’upcycling. C’est ce que je veux faire. Le jean délavé je trouve ça cool, mais j’ai envie de faire quelque chose de propre, pour que l’upcycling plaise au plus grand nombre.

Vous avez gagné le concours In-Seine-Saint-Denis/Casa 93, comment a réagi votre entourage ?

Suite à mon projet, les gens m’ont beaucoup félicité, mes proches, des connaissances, sur Instagram. Ça m’a beaucoup ému d’ailleurs. Ça prouvait que c’était bien ce que j’avais fait. J’ai eu des messages de gens qui voulaient acheter ma tenue. Ça m’a surpris. C’est un truc de fou que des gens adhèrent à ce que je fais et veulent l’acheter. Un ami qui fait du rap m’a demandé une tenue pour son prochain clip. Les gens me considèrent plus comme un créateur que moi-même.

Il y a des couturiers dans votre famille ?

Ma mère vit en Bosnie, c’est le pays dont je suis originaire. Elle est dans la mode. Elle a tenté d’intégrer des écoles de mode. Elle a très bon goût. Ça m’a peut-être un peu inspiré. Elle a une marque Wool Fabrique qui fait des sacs en laine à la main en Bosnie. Elle ne sait pas coudre. Moi, j’ai appris à coudre, mais je suis débutant. J’ai encore du mal mais j’apprends vite. Pour faire ma tenue, j’ai cousu.

La couture c’est votre jardin secret.

Depuis tout petit j’ai toujours aimé les vêtements. Mais je m’y suis vraiment intéressé avec le basket, en regardant Lebron James, la NBA. Avant les matchs les joueurs viennent habillés, avec leur touche à eux. Il y a même des basketteurs qui sont mannequins. Le basket et la mode c’est une grande histoire d’amour. Dans la culture afro-américaine, tout est lié, la musique, les clips, la direction artistique, l’esthétisme, la mode, les couleurs, l’étalonnage. Et puis Jordan. Aujourd’hui je m’intéresse à la marque Casablanca, Jacquemus, rien à voir avec le basket.

En tant que designer, la carrière de Jacquemus vous fait-elle rêver ?

Comme je débute, je ne vais pas me vanter d’être un créateur ou un artiste. Juste, je réalise des projets. Et j’espère que mes projets vont plaire. Je ne me considère pas encore comme un créateur de mode, il faut que je prenne du niveau. C’est ma perception des choses. Mon coach de basket -quand je jouais à Gennevilliers- m’a éduqué de cette façon. Jimmy me disait, quand on venait à l’entrainement avec des paires de Lebron James ou le maillot de AlIen Inverson : « il faut que tu sois au niveau de ce que tu montres. Il faut montrer que tu es le plus fort, tu ne peux pas souiller son maillot, après tout ce qu’il a fait ». C’est la même chose, si je veux me dire créateur, faut que je sois chaud.

Qu’aimez-vous chez Jacquemus ?

J’aime beaucoup ce qu’il fait et même la façon dont il a réussi. Parce qu’il n’a commencé avec rien. Il faisait ses défilés dans la rue. Ses défilés avaient le statut juridique de « manifestation ». Il a ramené tous ses mannequins pour montrer sa collection. Il n’était personne. Il a un rapport à sa grand-mère qui est fort. J’aime beaucoup les gens authentiques et ça se ressent quand ils le sont. Jacquemus en fait partie.

Et vous, quel est votre style ?

Mes docs, mon jean bien baggy, ma sacoche Gucci. Même moi, dans ma cité, on me trouve bizarre. Au lieu de chercher à comprendre, les gens critiquent et je trouve ça dommage. On se stigmatise un peu nous-mêmes et, au final, on ressemble aux clichés. Tout le monde veut ressembler à tout le monde. Les TN noirs, les ensembles noirs, les ensembles Lacoste, Kalenji Decathlon…  Il y a la peur de faire le truc différent. Il y a la peur de la solitude. Dans nos quartiers, quand quelqu’un va faire quelque chose de différent, on va le critiquer. Je trouve ça triste, car on devrait donner la force à nos milieux. Parce que c’est compliqué, on devrait s’entraider au lieu de se critiquer. Lorsque j’ai assisté aux portes ouvertes de Casa 93, j’ai rencontré les élèves et j’ai trouvé qu’ils avaient tous une identité propre à eux-mêmes, qu’ils étaient très authentiques. Je pense que c’est très important d’être différents.

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