La géothermie fait son trou en Seine-Saint-Denis
- Est-il possible de réduire notre bilan carbone et la facture d’énergie pour les habitant·e·s ? Oui, avec la géothermie.
- Un véritable trésor à 1500 m sous nos pieds: des eaux souterraines impropres à la consommation, mais bien utiles pour nous chauffer.
- Des projets voient le jour aux Lilas, à Saint-Denis, à Villetaneuse… L’un des plus emblématiques est celui du Village des athlètes des prochains JO.
C’est en 1969 que la première exploitation géothermique a vu le jour en Ile-de-France, en Seine-et-Marne. On était loin d’imaginer que cette première opération allait connaître des prolongements importants après les chocs pétroliers de 1973 et 1979 où les coûts de l’énergie ont flambé. Mais cet essor connaît un coup d’arrêt à la suite de l’effondrement des cours pétroliers dans les années 1980. Aujourd’hui, plus de cinquante après, on dénombre en Ile-de-France, près de 40 réseaux de chaleur urbains basés sur la géothermie. Avec la guerre en Ukraine qui a entraîné une envolée des prix de l’énergie, tant pour les habitants que pour les entreprises, la géothermie connaît un véritable regain d’intérêt.
Une énergie propre
La géothermie est une énergie propre qui ne requiert pas de combustion. Contrairement aux énergies fossiles (gaz, charbon, pétrole), elle ne rejette pas de CO2 dans l’atmosphère. Elle n’a donc aucun impact sur l’effet de serre et le réchauffement climatique. Elle ne produit aucun déchet, contrairement à l’énergie nucléaire, et elle est renouvelable et inépuisable car liée au fonctionnement interne de la Terre. De plus, ce choix en faveur de l’écologie permet aux abonnés de bénéficier sur la fourniture d’énergie d’une TVA à taux réduit de 5,5% au lieu de 20%, un allègement dans la facture pour les usagers.
La nappe du Dogger
Grâce à ce mode de production énergétique, non seulement l’accélération de la transition énergétique est possible, mais il permet de gagner en autonomie et d’alléger les factures de chauffage des habitants. Les projets ne manquent pas. Avec cette richesse, invisible à nos yeux, qui repose sous nos pieds à près de 2000 mètres de profondeur, la nappe du Dogger (15 000 km2), la géothermie est aujourd’hui une solution qui s’impose. Le Dogger constitue une formation géologique, appelée aussi Jurassique moyen, dont les dépôts à dominante calcaire s’échelonnent entre –175 à – 154 millions d’année. Cette couche géologique renferme une eau non potable d’une température comprise entre 55 et 85°. Elle constitue la principale ressource géothermique exploitée en région parisienne. De fait, l’Ile-de-France constitue la plus grande concentration de chauffage urbain d’origine géothermique d’Europe. Pourquoi s’en priver ?
Comment ça marche ?
Cette énergie indépendante des événements climatiques que nous subissons, disponible 24 heures sur 24, voit sa température augmenter au fur et à mesure qu’on creuse en profondeur. Au-delà de 100 mètres, la température augmente de 3° tous les 100 mètres. Le fluide recueilli se situe entre 1 500 et 2 000 mètres de profondeur et sa température varie de 57 à 85°. Pour utiliser cette chaleur naturelle, deux forages géothermiques doivent être réalisés, ils constituent un doublet. L’un de production pour remonter l’eau chaude du sous-sol à la surface. L’autre de réinjection pour assurer le retour de l’eau refroidie dans le réservoir. « A la surface, l’eau chaude cède sa chaleur, via un échangeur, à un réseau de distribution qui alimente les différents bâtiments et logements de la ville, explique-t-on au SMIREC (syndicat mixte des réseaux d’énergie calorifique), qui exerce le service public de production et distribution de chaleur et de froid sur les territoires de La Courneuve, Saint-Denis, Stains, Pierrefitte-sur-Seine, L’Ile-Saint-Denis, Aubervilliers, Epinay-sur Seine et Villetaneuse. Il n’y aucun prélèvement d’eau, seule la chaleur est utilisée, Un complément de chaleur est apporté au réseau par des chaudières gaz selon les températures extérieures. » Les eaux du Dogger refroidies, redescendent et retrouvent l’espace d’où elles avaient été pompées. La géothermie est bien une énergie propre, renouvelable, permettant de réduire le recours aux énergies fossiles mais également notre facture de chauffage.
A Saint-Denis, 10 kilomètres de réseau supplémentaire…
Peu avant Noël, la mise en route de la centrale géothermique du quartier Pleyel de Saint-Denis a été officialisée. Une étape importante pour la ville et pour les 600 000 m2 de logements, bureaux et équipements raccordés dont le futur Village des athlètes et ses logements. Ils bénéficieront pour satisfaire leurs besoins quotidiens, d’une énergie issue à 68% d’énergie renouvelable grâce à la géothermie. Premier réseau de chaleur de Seine-Saint-Denis, le SMIREC (syndicat mixte des réseaux d’énergie calorifique) alimente environ 61 500 équivalents-logements sur les communes de Saint-Denis, L’Ile-Saint-Denis, Pierrefitte-sur-Seine, Aubervilliers et La Courneuve.
En 2022, plus de 60% de l’énergie produite pour les besoins du territoire était issue de la biomasse. Désormais, la géothermie constitue une seconde énergie renouvelable dans la part de production énergétique du réseau. Ce sont quelque 10 kilomètres de réseau supplémentaires qui ont été construits par Plaine Commune Energie, – dans le cadre de la Délégation de service Public du SMIREC – afin d’alimenter en chaud et froid le quartier Pleyel et qui sera raccordé au réseau existant. Cette réalisation permet au Village des athlètes de répondre aux prescriptions des cahiers de charges en matière d’excellence environnementale et d’héritage pour les territoires des ouvrages olympiques. Le bilan carbone sera ainsi réduit de moitié. Grâce à cette solution, l’émission de 4 747 tonnes de CO2 sera évitée chaque année pour un investissement de 29 millions d’euros.
Des chantiers un peu partout…
Avec le forage de quatre puits de chaleur aux Lilas, la géothermie devrait fournir l’équivalent des besoins de chaleur de 20 000 logements, bâtiments publics et entreprises alimentant les villes des Lilas, Pantin, du Pré-Saint-Gervais et plus tard de Romainville. Ce projet baptisé Unigéo est porté par le SIPPEREC (syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour les énergies et les réseaux de communication). Une seule centrale géothermique sera créée aux Lilas pour produire la chaleur nécessaire aux trois villes. Pour mener l’eau de la centrale jusqu’aux logements, un réseau de canalisation calorifugées de 21 km sera installé. Selon le SIPPEREC, ce projet permettrait d’éviter la production de 28 000 tonnes de CO2 chaque année.
A Villetaneuse, on s’est engagé avec Pierrefitte-sur-Seine et Epinay-sur-Seine avec 18 km de canalisation dont 8 sur la commune de Villetaneuse. Le chantier de forage d’une durée de 3 mois, a bénéficié de dispositifs anti-bruits autour du site afin de réduire au maximum les nuisances sonores.. Cette unité de production doit alimenter début 2025 une partie des trois communes et atteindre 67% d’énergie renouvelable. Non tributaire comme certaines sources d’énergie renouvelable (solaire et éolienne) de facteurs extérieurs, la géothermie fonctionnera 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Ce réseau de chaleur sera raccordé au fur et à mesure aux logements collectifs mais aussi aux infrastructures de la ville, notamment les installation scolaires et sportives.
A Saint-Denis, une nouvelle centrale de géothermie doit voir le jour à l’automne 2024 dans le quartier du Franc-Moisin. Elle permettra de chauffer l’équivalent de 7500 logements et bureaux. Une fois l’étape de forage, estimée à trois mois, la construction de la centrale devrait débuter. Ce chantier est estimé à 29,5 millions d’euros, financé en partie par l’ADEME et la Région Ile-de-France. Une fois les travaux achevés, le terrain sera végétalisé et accueillera une aire de jeux.
Si on affirme que la meilleure énergie est celle que l’on ne produit pas, alors l’exemple donné par l’énergie récupérable des data centers, nombreux en Seine-Saint-Denis, est parlant. A Saint-Denis, un accord a été conclu avec Equinix, un data center : il permettra de chauffer gratuitement durant 15 ans le futur Centre Aquatique Olympique et son quartier.
Tous les commentaires2
Excellent article, merci !
Bonjour, En passant sur les hauteurs des Lilas, au niveau des stades et de la forêt (vierge) poussée sur une ancienne carrière, j’ai pu voir les travaux, enfin juste le haut des tours de forages, ainsi que les panneaux expliquatifs sur le fonctionnemet du captage de l’eau et de la distribution de celle-ci dans les immeubles, écoles, …
Bravo, c’est un travail d’envergure et une bonne initiative écologique et moins cher pour les Séquano-Dyonisiens
PS : Vous devriez insérer les panneaux expliquatifs dans votre article, ça compléterait vos expliquations écrites, merci
Pour ma part j’ai pris des photos de ces panneaux d’information