Ranwa Stephan «Faites la cuisine, pas la guerre !»
Ex-historienne et journaliste en zones de conflit, Ranwa Stephan a tout plaqué il y a quatre ans pour produire des confitures maison et des sauces bio dans son domicile de La Courneuve. Portrait d’une idéaliste opiniâtre bien décidée à défendre ses idéaux de développement durable et de commerce équitable.
« La cuisine est un lien fondamental entre les gens. En temps de guerre, le plaisir de la table, même avec des choses simples, c’est cet élan de vie qu’on est obligé de retrouver pour survivre… » confie l’ex-baroudeuse, qui a réalisé des documentaires sur la Syrie, l’Afghanistan, Israël ou encore le Liban. À 43 ans, la courneuvienne a posé sa caméra pour se lancer dans une toute autre aventure en fondant Les délices de l’Ogresse, une conserverie proposant en ligne des sauces, tapenades ou pâtes à tartiner faites maison.
Lever le voile sur des conflits lointains
Née à Beyrouth de parents chrétiens réfugiés palestiniens, Ranwa débarque à trois ans en banlieue parisienne dans une famille très attachée à la culture culinaire française. Marquée par la double culture et « le souvenir mythifié de l’exil », la jeune fille entreprend des études d’histoire. « À cette époque, des élus de Seine-Saint-Denis m’ont demandé de couvrir en vidéo un déplacement au Moyen-Orient. L’écriture documentaire a été une révélation et j’ai eu envie de faire connaître les vies brisées des gens broyés par les conflits ».
Elle se rend dans les montagnes pachtounes, en Cisjordanie… des terres où elle a la tristesse de voir des habitants mourir entre deux reportages. La journaliste produit pendant 16 ans des documentaires sur le conflit israëlo-palestinien ou sur le terrorisme et vit des expériences passionnantes mais parfois psychologiquement difficiles.
Après de nombreuses traversées de la Méditerranée, Ranwa se voit refuser par les télévisions nationales un documentaire sur un festival de graffitis organisé par des jeunes laïcs en Syrie « peut-être parce qu’il ne montrait pas assez de méchants barbus » et prend la décision de changer de métier.
Changer le monde avec des confitures
Fille d’une Palestinienne spécialiste de vin et de choucroute, l’ex reporter a toujours adoré la cuisine, synonyme pour elle de plaisir et de partage. « Même au fond de Jalalabad, j’allais au marché et j’échangeais avec le marchand d’épices du coin. J’ai découvert énormément d’informations comme cela ».
Convaincue que l’alimentation peut être un levier d’amélioration sociale, la Séquano-Dionysienne lance un crowfunding pour créer des gammes salées et ses premières marmelades. Elle multiplie les créations culinaires innovantes : confiture au citron de Sicile – sauge, sauce cacahuète à la thaï, huile d’olive au citron combava…
Dès le début de sa nouvelle aventure, il était clair pour l’ambassadrice du In Seine-Saint-Denis qu’elle ne ferait que du bio et son corollaire, de l’équitable. « C’était une évidence pour moi. Je voulais proposer des produits savoureux et équitables, que l’on puisse déguster sans culpabilité. Avec mes trois salariés, nous nous approvisionnons auprès de grossistes bio de Rungis et des producteurs comme Ethiquable ».
La confiturière qui a longtemps travaillé dans un laboratoire attenant à son domicile va bientôt délocaliser son local à Noisy-le-Sec et continue à approvisionner les magasins bio ou haut de gamme d’Île-de-France. Très attachée à la transmission, elle anime régulièrement des ateliers sur les plantes aromatiques à la ferme urbaine de la Zone sensible de Saint-Denis pour montrer aux habitant∙e∙s qu’une alimentation saine reste à portée de tous∙te∙s, avec quelques astuces et des conseils de bon sens.
Devenez champion des arts culinaires !
Vous avez toujours aimé la cuisine ? Cela tombe bien, le Département et le collectif le Parti poétique – Zone sensible organise les demi-finales et les finales du Championnat du monde des cuisines du monde les 10 et 24 septembre en Seine-Saint-Denis. Ranwa et le chef du prestigieux restaurant Le Meurice, membres du jury, vous invitent à découvrir – et déguster – les créations des candidat∙e∙s sélectionné∙e∙s. Vous verrez que la cuisine de notre territoire, à la croisée des continents, est un bel outil de partage et d’ouverture à l’autre !
Les amateur∙rice∙s de rencontres gourmandes sont invité∙e∙s
· pour la demi-finale samedi 10 septembre à 13h à la Fondation Saguez pour le design, 6 rue de l’Hippodrome à Saint-Ouen-sur-Seine
· pour la finale samedi 24 septembre de 10h à 18h à la Zone sensible, 112 avenue de Stalingrad à Saint-Denis
Crédit-photo : Patricia Lecomte