Hôtel avec une âme

Hôtel avec une âme
Entrepreneuriat
  • Intrigués et séduits par une maison de maître aux volets fermés, Anne et Sélim désirent l’acquérir. Leur objectif : la transformer en hôtel et ainsi la sauver de la spéculation immobilière.
  • Située à Saint-Ouen, la bâtisse possède un jardin aux arbres centenaires où on peut déjeuner, 8 chambres cosy à la déco chic et chaleureuse, un restaurant de 50 couverts ouvert matin, midi et soir.
  • Interview des heureux propriétaires à la tête de l’hôtel Le Charmant, situé à Saint-Ouen tout près des lignes de métro 13 et 14.

Anne et Sélim, d’où venez-vous ?

Sélim : Je suis né à Saint-Denis à l’hôpital Delafontaine et j’ai grandi ici. Mon père était commerçant rue du Landy, à Saint-Denis, puis avenue du capitaine Glarner à Saint-Ouen. On a habité à Villetaneuse aussi. Je suis un enfant du 93.

Anne : Je suis normande à l’origine mais je vis à Saint-Ouen depuis une petite dizaine d’années.

C’est votre premier projet hôtelier ?

Sélim : Oui, en effet. Étant entrepreneur, j’ai une société de production musicale, une agence immobilière, ce projet était l’opportunité d’allier nos deux compétences car Anne a toujours été dans l’hôtellerie.

Anne : On habitait derrière cette bâtisse. On passait devant tous les matins en allant travailler. Des promoteurs immobilier s’y interéssaient, elle risquait d’être détruite. C’est de là qu’est né le projet.

Sélim : ça aurait été un carnage de voir un énième bâtiment de huit étages se monter à la place de cette bâtisse. Elle a 150 ans d’histoire, 150 ans de vie, 150 ans d’architecture… A travers notre activité d’hôtelier, on continue à perpétuer cette histoire.

 

Ce lieu a généré une envie de le sauver, d’en faire quelque chose ?

Anne : Beaucoup de maison ont été rasée à Saint-Ouen et les gens d’ici se demandaient quel allait être son devenir. Cela nous a donné envie de créer un lieu où tout le monde pouvait venir passer un moment, que ce soit dans ses murs ou dans son jardin.

De quoi êtes-vous le plus fière : d’avoir sauver cette maison ? ou de l’avoir transformée ?

Anne : Les deux. Pour moi, c’est un trésor architectural. Je suis fière d’avoir su mener ce projet jusqu’à son terme, fière des retours de tous les clients, fière de voir qu’on fait plaisir aux gens.

 

Vous qui êtes agent immobilier, comment avez-vous fait pour l’acheter alors qu’elle n’était pas en vente ?

Sélim : J’ai effectué un travail d’investigation auprès des voisins. Ils m’ont dit que les héritiers -qui ont respectivement 70, 75 et 78 ans- venaient de temps en temps. C’est leur famille qui a fait construire la maison à l’époque. Robert, le propriétaire avait une exploitation d’asperge et des vignes. Il faut imaginer qu’ils avaient tous les champs jusqu’à Pleyel et que cette maison de maître était posée comme cela au milieu.

Avez-vous retrouvé une photo de cette époque ?

Anne : Pas de la maison dans les champs mais on a retrouvé plein de photos.

 

De quoi êtes-vous le plus fier ?

Sélim : Qu’il y ait des gens qui entrent juste pour visiter, par curiosité, comme si c’était un musée, parce qu’elle est pleine de mystère, qu’elle est charismatique, emblématique. Il y a de très bonnes ondes dans cette maison. On voit bien qu’il y a eu des jours heureux.

La première fois que vous êtes entrée dans cette maison qu’avez-vous ressenti ?

Anne : Beaucoup d’émotion car elle était figée dans le temps. Intacte. Avec un salon datant du début des années 1900, des meubles de style napoléonien. On avait l’impression de faire un voyage dans le temps. C’était tellement beau.

Sélim : Il y avait une magie. J’ai pensé qu’elle était encore mieux que ce qu’on avait imaginé. Elle est extraordinaire cette maison. Ses volets étaient fermés, cadenassés même. De l’extérieur, on ne pouvait deviner ni ses plafonds peints, ni ses beaux volumes.

 

Cette maison de maître, que vous rappelle-t-elle ?

Anne : On ne vient pas du tout de ce milieu-là, ni Sélim, ni moi. On vient de milieux modestes mais la maison de mes grands-parents avait aussi des meubles et des objets anciens. Cette valeur sentimentale, je l’ai retrouvée ici et j’ai eu envie de la mettre à l’honneur.

Vous avez travaillé dans des palaces avant d’ouvrir Le Charmant ?

Anne : J’ai travaillé dans toutes les gammes d’hôtels, peut-être davantage dans des 4 étoiles, mais ils étaient loin d’avoir une âme comme ici.

 

Vous visez les quatre étoiles avec votre hôtel ?

Anne : L’idée est d’avoir un niveau de service 4 étoiles, tout en restant une maison de famille, avec des chambres d’hôtes. Nous aimerions que les gens se sentent comme chez eux, qu’on puisse prendre le temps de discuter avec eux… qu’on ne soit pas dans quelque chose de formel.

 

Qui sont vos clients ?

Anne : On accueille tout le monde. La semaine, c’est plutôt une clientèle locale d’affaire. Le weekend, une clientèle loisirs. Après un mois d’ouverture, on a eu des Canadiens, un Japonais, des gens de Ryad, des Américains. Des gens qui venaient à Paris et cherchaient un lieu authentique.

Sélim : Le même établissement dans Paris est 5 fois plus cher. Quand vous êtes dans le jardin avec le marronnier centenaire, vous êtes dans un écrin de verdure, ça vaut tout l’or du monde. L’idée est que tout le monde puisse profiter de ce jardin et venir manger, dès les beaux jours.

 

Pourquoi ce projet est si important pour vous ?

Sélim : Moi je viens d’une rue qui n’existe plus. Elle a été détruite pour en faire la gare du RER B, dans le quartier Cristino Garcia à la Plaine-Saint-Denis. J’ai grandi dans des espèces de bidonvilles dans le fond d’une impasse qui s’appelait l’impasse du Chef-de-la-ville. Après, ce fut la cité Allende de Villetaneuse. On peut naître à la fin des années 70 en Seine-Saint-Denis dans des conditions relativement précaires. Réussir à avoir de grandes ambitions et faire de grandes choses. Il faut croire en ses rêves, essayer de les réaliser, plein de choses sont possibles. Notre territoire crée une multitude d’opportunité.

Hôtel Le Charmant
53, rue du Landy 
93400 Saint-Ouen
photos : ©David Dudron-Doris

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