Abdelkader Mesli, héros méconnu de la Résistance

Abdelkader Mesli, héros méconnu de la Résistance
Portrait de juste
  • L'imam Abdelkader Mesli a sauvé de nombreuses familles juives pendant la Seconde guerre mondiale en leur fournissant des certificats de confession musulmane.
  • Dénoncé à la Gestapo, il sera déporté dans les camps de la mort dont il reviendra un an plus tard pesant à peine 30 kg.
  • Des années après la mort de son père en 1961, son fils Mohamed rend hommage à ce héros très discret.

En rangeant la maison où avaient vécu ses beaux-parents à Bobigny, l’épouse de Mohamed Mesli est tombée par hasard sur de nombreux documents annotés de la main d’Abdelkader Mesli.  « Lorsque j’ai découvert ses carnets, j’ai pris la mesure de la personne qu’était mon père, qui est toujours resté extrêmement discret sur son action pendant l’Occupation » indique son fils, retraité de la fonction publique. Le sexagénaire, qui a perdu son papa à l’âge de 9 ans, se souvient surtout de la visite d’un ami rescapé, que son géniteur avait recherché pendant peut-être dix ans et qui était tombé dans ses bras à cette occasion.

Un homme libre et altruiste

Né en Algérie française, Abdelkader débarque à 17 ans en France métropolitaine où il exerce des petits boulots. Nommé imam de la grande mosquée de Paris dans les années 30, il est fiché par le service des affaires nord-africaines de la préfecture de Paris, chargé à cette époque d’espionner les activités des Maghrébins de l’Hexagone. Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, Mesli livre aux côtés de son directeur Kaddour Benghabrit des certificats de religion musulmane et des tickets de rationnement à de nombreuses familles juives menacées de déportation. Au point d’éveiller les soupçons des autorités de Vichy qui, dans un courrier de septembre 1940, l’accusent d’aider les israélites à « dissimuler leur identité ».

« Le balbynien, nommé aumônier musulman à Bordeaux, s’engage dans l’Organisation de résistance de l’armée. Il continue de contrefaire des papiers et aide des soldats africains à s’évader » explique Jean-Jacques Brilland, ancien directeur de l’office de tourisme de Bobigny. Le quadragénaire est dénoncé à la Gestapo et envoyé au camp de concentration de Dachau par le « train fantôme », un des derniers convois de déportation en France. Transféré au camp de Mathausen, des témoignages attestent que même sous la torture, il n’a pas dénoncé ses camarades résistants ni les familles qu’il a sauvées.

Rapatrié très malade en 1945, les os brisés et pesant une trentaine de kilos, il revient doucement à la vie en réintégrant son poste d’imam. Chargé du culte auprès de l’hôpital Avicenne et du cimetière musulman de Bobigny, il se marie puis a une fille et un garçon. Jamais remis des traumatismes endurés, celui qui parlait très rarement de la guerre s’éteint en 1961 à 59 ans et repose dans le cimetière dont il s’était occupé.

Des rues à son nom à Paris et à Bobigny

Bouleversé par les archives détaillant l’engagement de son père, Mohamed Mesli décide des années plus tard de lui rendre hommage. « Je ne sais pas si son silence sur ses actions pendant l’Occupation était pour lui une façon de nous protéger. Mon papa était un homme droit qui ne courrait pas après les honneurs » déclare-t-il. « Après la Seconde Guerre mondiale, il a continué à aider des gens sans jamais se mettre en avant ». 

Près de 80 ans après sa mort, le destin d’Abdelkader Mesli a été mis en lumière par les mairies de Paris et de Bobigny, qui lui ont donné respectivement un nom de parvis* et de rue**. Après avoir étudié les notes de son père, Mohamed Mesli a ressenti le besoin de témoigner « non pas pour mettre (s)on père en avant, mais pour prouver que juifs et musulmans sont capables de vivre ensemble puisqu’ils l’ont déjà fait ». Le retraité, très attaché au devoir de mémoire, est longtemps intervenu dans les collèges et les lycées avec l’association « Les bâtisseuses de paix ».

Cette structure vise à faire comprendre que les tensions communautaires ne sont pas une histoire de religions, mais d’ignorance. « Mon père était soufi, une branche très ouverte de l’islam qui repose sur un principe important : le pire ennemi de l’homme, c’est l’ignorance » glisse le sexagénaire. Un précepte salvateur, bon à partager.

* Le parvis Abdelkader-Mesli situé à l’entrée de la Mosquée de Paris, est à l’intersection des rues de Quatrefages et Georges-Desplas dans le 5ème arrondissement à Paris. 

**Une rue Abdelkader-Mesli va être inaugurée prochainement le 26 mai 2025. A proximité de la rue du Chemin Vert, elle sera localisée dans le nouveau quartier Coeur de ville de Bobigny.

 

Abdelkader Mesli repose dans une tombe à son image : simple et discrète, du cimetière musulman de Bobigny.

Crédit-photo : Archives municipales de Bobigny et Cercle d’étude et de découverte de Bobigny Balciniacum

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