Flavia Coelho, le Brésil à fleur de voix

Flavia Coelho, le Brésil à fleur de voix
Culture
  • Feu follet originaire de Rio de Janeiro, la montreuilloise Flavia Coelho enchaîne depuis 20 ans les concerts en Europe et dans le monde...
  • Gouailleuse et pleine d'énergie, la quadragénaire participait avec son groupe au festival du Secours populaire Solipop le 28 septembre au Point fort d'Aubervilliers.
  • Rencontre avec une chanteuse solaire, ambassadrice des rythmes brésiliens et du "bossa muffin".

Vous avez grandi dans la région du Nordeste, bercée par les airs de reggae ou de calypso que vous écoutiez à la radio. A partir de quand décidez-vous de faire de la musique votre métier ? 

J’ai eu une enfance nomade, avec une maman qui habillait et maquillait les artistes de cabaret, ce qui nous conduisait à souvent déménager. J’écoutais dans la rue les musiques traditionnelles, des sons funk, hip-hop à la radio comme une vraie carioca. A 14 ans, j’ai passé en cachette un casting pour un groupe de salsa et nous avons écumé les bals du Brésil, ce qui m’a permis de me former sur le tas et de confirmer que la musique serait ma voie. En 2002, je me suis produite à Paris dans une troupe de carnaval et la vitalité artistique de cette ville, son mode de vie m’a immédiatement séduite… C’est ce qui m’ incitée à revenir à 26 ans avec mon énergie, mon sac à dos et… 200 euros en poche.
Les débuts n’ont pas été évidents : je chantais dans les couloirs de métro, les terrasses de café… en étant payée au chapeau. Ce n’était pas facile de se livrer devant les gens mais bon, ce sont des étapes nécessaires pour se construire, se découvrir en quelque sorte…

Quelques années plus tard, vous rencontrez dans un bar de Saint-Ouen le bassiste camerounais Pierre Bika Bika qui vous incite à faire un album…

Oui et cela a été un tournant. Il m’a ouvert les chemins de l’Afrique, en m’incitant à mêler les influences, apprendre la guitare… Avec le producteur Victor Vagh et d’autres musiciens, nous avons travaillé sur un projet de musique brésilienne en mixant pop, samba, reggae, forro, bossa et hip-hop… tout en sillonnant les scènes franciliennes. En 2011, on gagne le tremplin musical « Génération réservoir », ce qui nous permet de lancer notre album « Bossa Muffin » qui rencontre un certain succès. J’ai essayé d’infuser dans cet opus le goût du voyage, la légèreté, une certaine joie de vivre même si ce monde est angoissant et imparfait. Rappeler qu’on a tous de belles choses à l’intérieur de soi à partager, des ressources personnelles inexplorées, des rêves à conquérir…
Depuis, j’ai eu la chance de tourner avec cette équipe merveilleuse dans une quarantaine de pays, faire des milliers de concerts, de très nombreux festivals… J’ai aussi fait de belles rencontres comme le rappeur Gaël Faye, le chanteur sénégalais Tété ou le batteur Tony Allen avec qui j’ai enregistré mon second album « Mundo Meu », qui est un hommage à mes racines sud-américaines métissées. Un métissage et une vitalité culturelle que j’ai retrouvés à Montreuil d’ailleurs où je me suis installée il y a cinq ans.
Le public français a une énorme curiosité pour les cultures d’ailleurs, les mélodies solaires, incandescentes qui donnent envie de danser ou de lâcher prise… Ce contact fluide et direct avec les spectateurs a toujours été précieux pour moi et m’a bien aidé pour la réalisation des CD qui ont suivi.

 

En 2019, Jair Bolsonaro prend le pouvoir, qui provoque chez vous un choc et un album plus sombre, en écho à la situation du Brésil. Pensez-vous que l’artiste doit forcément s’engager ? 

J’ai passé 26 ans de ma vie dans un pays que j’aime, qui a su sortir de la dictature militaire (NDLR : en 1985 après 20 ans de répression politique) mais qui reste gangréné par la corruption, les inégalités, le racisme, l’homophobie… Je viens d’une famille d’immigrés du Nordeste, victime de préjugés et de discriminations. Cela fait partie de ma vie et j’avais un besoin viscéral de parler de ce qui ne va pas, prévenir le plus grand nombre en France ou ailleurs des dangers des discours populistes de gens qui prétendent s’adresser au peuple mais réduisent ses droits une fois au pouvoir. Bolsonaro a durci la réglementation sur l’avortement en cas de viol, coupé une grande partie des subventions pour la culture ou les associations sensibilisant par exemple la jeunesse aux dangers de la drogue ou de la violence…
Après, tous les artistes ne sont pas obligés de s’engager politiquement, chacun doit s’exprimer à sa manière. Dans mon cas, je voulais pouvoir me regarder dans la glace et témoigner. Notre travail me semble-t-il, ressemble plutôt à celui du peintre, qui décrit le monde pour que les futures générations puissent mieux le comprendre.

Vous avez livré vos souvenirs d’adolescente dans votre dernier opus et vous reprenez vos tournées marathon avec l’Olympia en ligne de mire…

J’ai voulu rendre hommage à ma mère, aux femmes qui ont accompagné ma jeunesse, à leur capacité de résilience. Après la sortie de mon dernier album « Giga », nous avons fait une quarantaine de dates et une soixantaine de concerts nous attendent dans toute la France. Je me produirai en mode soundsystem dans quelques jours au Festival Solipop à Aubervilliers, une ville que j’adore pour son cosmopolitisme. J’aime l’énergie, l’envie d’exister qui se dégage des quartiers populaires et que l’on retrouve moins ailleurs. Le public de Seine-Saint-Denis, que j’ai rencontré en participant à la Fête de la Ville de Montreuil est très chaleureux. J’espère retrouver cet accueil le 12 mars 2025 à l’Olympia, qui sera le clou de ma tournée. Mais bon, je suis optimiste, pour le moment, ça danse grave bien devant les scènes !

 

 

Crédit-photo : Li Rodagil

 

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