Par la fumée, sentez, respirez, divaguez

Par la fumée, sentez, respirez, divaguez
Exposition
  • Poush propose « Par la fumée » une exposition d’art contemporain qui réunit 16 artistes confirmé.es ou émergent.es, jusqu’au 14 décembre.
  • Basé à Aubervilliers, ce centre d’art est soutenu par le Département de la Seine-Saint-Denis.
  • Interviews des artistes Roman Moriceau, Anaïs Gauthier et Anna de Castro Barbosa...
A Aubervilliers, dans la grande usine de parfums L.T. Piver abandonnée, où travaillèrent jusqu’à 1500 ouvrières et ouvriers, Poush propose une exposition d’art contemporain. Clément Cogitore (prix Duchamp 2018) nous emmène dans un paysage brumeux, d’où surgissent des loups, un moment d’intimité nimbé de calme, rythmé par un oratorio de Monteverdi, « Memento mori ». Haonan He (prix Flair 2024) nous surprend avec son installation en céramique en nous plongeant par son parfum d’opium entêtant dans une fumerie du début 20ème, « Opiumarium ».
De nombreuses œuvres comme « Veins » d’Antoine Renard dégagent des effluves puissants. Ses cœurs dégoulinant de cire rouge sang vous interpellent en brûlant un mélange de goudrons de bois et de plantes aromatiques : bouleau, pin, hêtre, genévrier, rose, sauge…
Pour d’autres œuvres, il faudra approcher votre nez plus près de l’œuvre d’Emilie Mac Dermott pour sentir l’odeur des livres grâce à « Bibliodor », ou celle du lait maternel de « Rose cloud » de l’artiste Morgane Tschiember, à même le mur. Et lever les yeux au plafond pour apprécier « Spray Boy » de l’artiste Kenny Dunkan qui dénonce le scandale du Chlordécone et suggère l’odeur du feu utilisé pour faire disparaître les déchets verts dans son île natale de Guadeloupe.

Une aurore boréale et la nostalgie d’un slow

« L’idée m’est venue un jour où ma fille -que je tenais dans les bras et qui portait un sweat-shirt avec des sequins- avait illuminé le salon. Ce moment dégageait énormément de poésie.
J’avais envie d’une bande de sequin animé qui recrée une sorte de danse. (ndr Le drap de sequin est fixé sur un axe qui lui fait faire une petite rotation). Une bande-son accompagne cette pièce. C’est « Be my baby » de Phil Spector, chanté par les Ronettes et réenregistré par John Lennon. Ce morceau que j’aime tout particulièrement m’évoque plein de souvenirs amoureux. J’ai demandé au pianiste de jouer cette mélodie sur ce piano désaccordé, comme un souvenir un peu cassé d’histoires vécues. C’est une œuvre d’art pour les mélancoliques, les amoureux de l’amour. Ça me fait penser à ce moment, quand il est 4-5 heures du matin, quand le jour n’est pas en train de se lever, que la fête est finie, que tout le monde est dans ses habits de lumière. C’est un moment de vérité où chacun fait tomber les apparences. Il y a comme une magie qui s’opère. Ce que je voulais c’était faire du merveilleux avec presque rien. »
Roman Moriceau “Be my baby”, 2024

 

«  Mon travail consiste à penser la machine en relation avec le corps. C’est la première fois que j’intègre la question de l’odeur dans une de mes œuvres. J’ai pensé à des odeurs de corps au travail, de corps fatigués. L’idée de sueur est arrivée. Comme ces pièces sont ambitieuses dans un temps de production assez court -un mois ici- il y a une sorte d’inversion d’énergie. Il y a une sorte de parallélisme : plus elle vit, plus je me fatigue. Elle prend mon énergie. C’est très éprouvant comme type de production. Plus j’ai de soutien, plus c’est apaisant. J’ai eu une stagiaire super, Sidonie, diplômée de Duperré. Elle m’a contacté après avoir vu mon travail à Nantes à la Scroll Galerie. Quand il y a des personnes qui croient à côté, ça fait du bien.
J’aime bien voir mes œuvres s’activer, elles font de la vapeur, elles respirent. Là, c’est une forme très hybride du vivant entre le végétal et l’animal avec des pétales, des bras et en même temps très organique.
Ce corps n’est pas autonome. Il a besoin d’un soutien. Je travaille en collaboration avec l’ingénieur Mathieu Grivelet pour toutes les motorisations. Quand arrive la question de la maintenance, comment on vient prendre soin des choses ? Les perfusions, le médical, cette sorte d’humanisation est une question qui m’intéresse. C’est aussi une extension de moi, médicalisée.»
Anaïs Gauthier, « Maintenance soupir », 2024.

Entre Tracey Emin et Joseph Beuys

« Depuis que j’ai quitté Montpellier, j’ai toujours vécu en Seine-Saint-Denis : Pantin, Aubervilliers, Montreuil. Là, je suis en résidence à Poush depuis un mois, tout juste diplômée des Beaux-Arts de Paris (Ndr avec les félicitations du jury).
Dans mon travail, je cherche à rendre visible les tensions relationnelles. L’inquiétude, la méfiance, la tendresse, la séduction engendrées par une rencontre. Dans It’s gonna be ok, on aperçoit des taches, peintes comme on peint une toile. Ce jaunissement dû à l’oxydation évoque des taches de sueur, des fluides échappés du corps… Ce qui a été abîmé, souillé, peut-il encore accueillir ? Est-ce que l’on peut encore trouver de la tendresse dans cette zone de contact ? Il y a quelque chose de sensuel, sensoriel avec la chair de la couette à nu, quelque chose d’assez précieux. Et puis il y a la présence de petites pièces de verre. Elles sont aussi séduisantes que des ornements. Elles sont comme des œufs lovés dans les plis. Mais si on s’abandonne dans le molleton, on imagine que leur contact lui est bien plus inhospitalier. »
Anna de Castro Barbosa, « It’s gonna be ok », 2024.
crédits photos : Grégory Copitet, Simon Marin, Romain Darnaud.

« Par la fumée » réunit 16 artistes jusqu’au 14 décembre.

153 avenue Jean Jaurès, Aubervilliers

Métro Aubervilliers-Pantin (7)
Entrée libre vendredi et samedi de 14h à 19h.

Gratuit

 

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