Red Star, entre-deux guerres et agents doubles : le roman noir d’un habitant de Saint-Ouen

Red Star, entre-deux guerres et agents doubles : le roman noir d’un habitant de Saint-Ouen
Livres
  • Gilles Saillant, supporter du Red Star depuis 1968 et mémoire du club, a délaissé ses ouvrages sur le foot pour publier un roman.
  • Dans « Villa des Tilleuls », il met en scène un journaliste vivant dans le Paris de l’entre-deux guerres : celui de la montée du fascisme, des succès de music-hall... et du grand Red Star, vainqueur de 4 coupes de France dans cette période.

Un jeune journaliste qui cherche désespérément la sœur jumelle de sa chère et tendre, disparue du jour au lendemain, son ami fan de courses hippiques qui trempe dans des trafics peu recommandables, tout cela sur fond de music-hall ou de matches de boxe… « Villa des Tilleuls », le roman de Gilles Saillant, a ce parfum capiteux des livres de Modiano ou de Didier Daeninckx, autre fin connaisseur de la Seine-Saint-Denis. On y croise fretin et requins de l’entre-deux guerres, petites gens de Saint-Ouen et gros bonnets de la Côte d’Azur, stars du music-hall et joueurs du Red Star.

A 74 ans, ce natif de Saint-Ouen, plus habitué aux ouvrages historiques sur son cher Red Star, s’est aventuré avec jubilation dans un genre qu’il connaît moins mais où il s’est quand même fait plaisir. « C’est venu vraiment comme ça, il y a environ 10 ans. J’ai écrit une première partie pendant 2 ans, puis la deuxième pendant le Covid- à l’époque on n’avait pas tellement d’autres choses à faire…  », raconte-t-il attablé à l’Olympic, le café historique situé juste en face du stade du Red Star.

Une plongée dans l’entre-deux guerres

« Villa des Tilleuls » : le titre déjà ne doit rien au hasard. « C’est comme ça qu’on appelait dans l’entre-deux guerres le pâté de maisons où je suis né », explique Gilles Saillant. « A mon époque, en 1951, on ne parlait déjà plus de Villa mais juste de la Rue Madeleine », enchaîne ce pur Audonien, dont le père était ajusteur mécanicien. Mais de s’empresser de souligner que son roman n’a rien d’autobiographique : « Je n’ai jamais été journaliste de métier et je n’ai pas rencontré de comtesse russe, dit-il en souriant. N’empêche, certains similitudes sont frappantes : Pierre Bürgkan, son héros, écrit dans L’Echo de Paris quand lui a chroniqué pendant 12 ans les matches du Red Star pour Le Réveil de Saint-Ouen. Et les courses hippiques, bien présentes dans le roman, doivent beaucoup à ses 40 ans comme salarié du PMU. « Oui, ça et là, j’ai mis quelques touches de moi dedans, mais l’essentiel repose à la fois sur de l’imaginaire et de la documentation pour les vrais faits historiques. »

Largement romanesques, les tribulations de son Rouletabille sont en effet entrecoupées de références réelles : tel concert de Maurice Chevalier, tel déplacement de Daladier pour soi-disant « sauver la paix » avec l’Allemagne hitlérienne, et bien évidemment ce cher Red Star, qui vit ses plus grandes heures avec ses joueurs phares comme Lucien Gamblin, Paul Nicolas ou Fred Aston… « C’est vrai que même si je ne l’ai pas vécue, ce moment de l’entre-deux guerres est fertile : d’une part, cette période mouvementée, où l’extrême droite n’a cessé de se renforcer, ressemble étrangement à la nôtre. Et d’autre part, plus anecdotiquement, c’est celle du grand Red Star et de ses Coupes de France (1921, 22, 23, et 28), donc ça ne pouvait que m’attirer », admet-il.

1400 matches du Red Star à son actif

Le Red Star, Gilles Saillant est en effet tombé dedans à l’âge de 16 ans pour ne plus jamais le lâcher. « Même si je suis né à Saint-Ouen, mon père ne m’avait jamais emmené aux matches. C’est un de ses cousins qui vivait juste en face du stade, qui m’a donné une invitation. C’était en octobre 1968, un Red Star-Bastia, j’ai accroché tout de suite. Tout m’a plu : le jeu, l’ambiance. C’était alors le seul club parisien en première division, le PSG (créé en 1970) n’existait pas encore. Il faut s’imaginer que le Red Star jouait ses gros matches devant 15 000 à 20 000 personnes », se remémore cet amoureux des Vert et Blanc.

58 ans plus tard, Gilles Saillant a vu environ 1400 rencontres du Red Star, « soit un tiers de tous leurs matches ». Mieux : en 1983, grâce à un reportage alors effectué sur les filles du Red Star, il a même rencontré sa femme, Roselyne, qui jouait dans l’une des premières équipes féminines… Depuis, il ne cesse de courir les matches des Vert et Blanc avec leur fille Sibylle et leur fils Rémi, qui habite… Saint-Ouen-la-Rouërie en Bretagne. Un vrai roman !

Christophe Lehousse

Photos: ©Sylvain Hitau

« Villa des Tilleuls, D’une guerre à l’autre. », de Gilles Saillant, aux éditions L’Harmattan, 23 euros

Gilles Saillant et sa fille Sibylle, lors d’un match à domicile du Red Star, en mai 2018.

Le regard du supporter du Red Star

– 1 joueur :

« Pas facile de choisir, il y en a tellement… Laudu, Garrigues, José Farias, Carlos Monin… Je dirais Guy Garrigues car nous sommes restés en contact. C’est incroyable d’ailleurs : jamais je n’aurais pensé que ces joueurs que j’admirais quand j’avais la vingtaine deviendraient par la suite des connaissances. »

– 1 entraîneur :

« Sans doute Habib Beye, pour son enthousiasme et son côté proche des gens. Je me rappelle encore de deux déplacements à Martigues et à Marignane, en National. Il était sorti voir les supporters qui avaient accompagné le Red Star dans le sud et il avait debriefé le match pendant une bonne demi-heure avec nous. Un passionné. »

– 1 match :

« Red Star-Sochaux, en Coupe de France en 1972-73. On perd 1-3 à Sochaux. A l’époque, les matches de Coupe se jouaient encore en aller-retour. Le Red Star remporte le retour 3-1, donc séance de tirs au but. Et là, Christian Laudu arrête le tir au but décisif après avoir marqué le sien, car c’était un gardien qui tirait les penalties. Le Red Star passe en quarts ! Tout le public est resté de longues minutes après le match. Personne ne voulait quitter le stade pour fêter ça… »

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