Multitude, ça va de Soa…

Multitude, ça va de Soa…
Rendez-vous
  • Soa de Muse a grandi à Aulnay et s’est fait connaître pour avoir terminé 2e de la première édition de Drag Race France.
  • Habitante de Saint-Denis, elle sera la marraine du défilé de mode de la Biennale Multitude, un festival organisé du 4 au 6 juillet par le Département.
  • "Diversité", ce mot sonne aux oreilles de cette artiste qui s’inscrit dans la longue tradition des artistes noirs et queers sur les scènes françaises.

« Quand on m’a proposé de devenir marraine du défilé de mode de Multitude, j’ai dit oui tout de suite. Parce que ce festival pour moi parle de diversité, qui est véritablement mon cheval de bataille. »

Le 5 juillet, Soa de Muse promènera assurément sur le défilé de mode organisé par l’association Open Mode un regard de fierté : « J’attends de ce défilé qu’il soit le plus ouvert possible, qu’il montre la Seine-Saint-Denis telle quel est, avec ses visages, ses corps et ses créations différentes. On va en prendre plein la tronche ! »

Connue pour avoir participé à la première saison de Drag Race France, un show télé importé des Etats-Unis et diffusé en 2022 sur France Télévisions, cette artiste connaît bien la diversité de la Seine-Saint-Denis puisqu’elle y a grandi : à Aulnay-sous-Bois, plus précisément dans le quartier du Gros Saule.

« J’aime rappeler que je viens de là, ça fait partie de moi au même titre que mes identités noire, antillaise ou queer », dit celle qui se joindra peut-être aussi au cabaret de la Vénus Noire, organisé ce même 5 juillet au Parc départemental de La Courneuve.

Des parents martiniquais, attirés en France par le Bumidom, le très décrié « Bureau pour le développement des migrations intéressant les départements d’outre-mer », un attrait très précoce pour la scène, un gros caractère face aux moqueries de certains : Soa n’a pas mis très longtemps à savoir qui elle était.

A 15 ans, un concours de théâtre remporté avec sa troupe du collège Pablo-Neruda d’Aulnay lui confirme qu’elle est faite pour la scène et un an plus tard, elle se compose déjà son personnage de Soa de Muse. « Je cherchais un prénom en 3 lettres qui puisse brouiller l’idée du genre et apporte une part de mystère. Soa, ça sonne bien, c’est le nom d’une ville en Côte d’Ivoire, je me suis dit que c’était parfait », raconte-t-elle.

Davantage que drag queen, cette comédienne de 36 ans se revendique artiste de cabaret, genre créatif autant que politique qui, en France, possède déjà une longue tradition. « Ce que j’aime dans ce genre, c’est qu’il donne une forme de liberté : une liberté de genre et une liberté artistique. Ca permet de faire partir les gens en vacances d’eux-mêmes, tout en les ouvrant à des sujets auxquels ils n’auraient pas forcément pensé ».

L’héritage de William Dorsey Swann

Propriétaire d’un petit cabaret dans le 18e, La Bouche, où elle aime programmer des artistes qui lui sont chers, elle défend aussi son spectacle, Diaspora. Un show qu’elle présente ainsi : « c’est l’éloge de la communauté des drag-queens noires. On part de l’histoire de William Dorsey Swann, la première personne à s’être proclamée drag-queen noire aux Etats-Unis, puis on s’inscrit dans sa lignée. Je pense qu’il est important de rappeler ce que le monde du spectacle français doit à des artistes queers ou noirs dont on parle malheureusement trop peu : Joséphine Baker, Rafael Padilla, le clown Chocolat… »

Un propos qui hérissera bien sûr le poil de la fachosphère et de ses suiveurs à l’esprit étroit, ce dont Soa se contrefiche. « Evidemment, c’est réconfortant de trouver un bouc émissaire et de lâcher ses énergies négatives sur des personnes qui réclament juste le droit d’exister. Parfois, je me dis juste que je les obsède et que c’est bon signe », lâche-t-elle avec cet humour qui la caractérise.

Il ne faut pas non plus la prier longtemps pour qu’elle embraye sur l’inégalité territoriale énorme dont sont à son sens victimes les Antilles : « la vie chère, l’invisibilisation du créole, le chlordécone (pesticide hautement toxique vaporisé dans les plantations de banane et responsable de plusieurs centaines de cas de cancers, ndlr), la liste est longue… La France métropolitaine a la mémoire courte quand il s’agit de se rappeler tous les torts qu’elle a causés aux Antilles… », souligne-t-elle. Tout en acquiesçant qu’entre Antilles et Seine-Saint-Denis, il existe une certaine parenté dans le combat pour l’égalité que devraient mériter les « premiers de corvée ».

Ce même courage dont Soa fait preuve en montant sur scène, elle espère d’ailleurs le transmettre à tous les habitants qui auraient envie de participer au défilé de mode participatif du 5 juillet. « Si vous vous dites que vous en avez envie, il faut y aller, ne pas s’arrêter au regard des autres. La force de ce défilé, encore une fois, c’est sa diversité, et ce sont les habitants qui vont la lui donner. On ne se rend pas compte à quel point c’est important de pouvoir se reconnaître dans des événements, quels qu’ils soient, tout simplement parce que se reconnaître permet aux jeunes de se projeter. » Venez comme vous êtes, aurait-on tendance à écrire, si ce slogan n’était pas déjà pris.

Christophe Lehousse

Photo: ©Nathan Selighini

À lire aussi...
Grand défilé

Biennale Multitude : Casser les codes de la mode (2/4)

Désenclaver la mode, la rendre accessible à toutes et tous : c’est l’objectif de l’association Flash Mode. Dès aujourd'hui, les habitant·es sont invité·es à participer aux ateliers d'upcycling et de customisation pour le grand défilé dansant du 5 juillet au[...]
À lire aussi...
À lire aussi...
Biennale

Biennale Multitude : Une parade participative et festive ! (4/4)

Le 6 juillet après-midi, trois cortèges partiront sur le même parcours pour rejoindre le cœur battant de la biennale Multitude : le Parc Georges-Valbon. Cette parade festive composée d'habitant·es qui mêlera musique, danse et arts visuels se prépare dès maintenant[...]

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *