Le Département vous met au parfum
- Les 21 et 22 septembre, le Département a concocté toute une série de visites dans le cadre des Journées européennes du Patrimoine : l’une d’elles vous emmènera dans les murs de l’ancienne usine de parfums L.T Piver, en activité à Aubervilliers de 1869 à 1974.
- Guidés par Antoine Furio, historien au service de Patrimoine du Département, vous y ferez connaissance avec l’architecture d’un établissement majeur dans l’histoire de la parfumerie et ses ouvrières, les « pivereuses ». Interview.
Qui était L.T Piver et pourquoi choisit-il Aubervilliers en 1869 ?
Antoine Furio : L.T. Piver, c’est Louis-Toussaint Piver, le père fondateur d’une des plus grosses usines de parfumerie à l’époque. Avant d’être à Aubervilliers, ils étaient au village de La Villette, alors encore séparé de Paris. Mais quand en 1860, La Villette est rattachée à Paris, L.T. Piver choisit Aubervilliers pour fuir l’octroi, c’est-à-dire l’impôt. Aubervilliers offre les mêmes avantages que Paris, l’impôt en moins : le réseau de boutiques sur lequel s’appuie le groupe n’est pas loin, tout comme les abattoirs qui livrent la matière première.
C’est-à-dire ?
La première activité d’un groupe de parfumerie à l’époque, c’est la savonnerie. Et pour fabriquer des savons, il faut de la graisse animale, ce qu’on appelle le suif. Avec les abattoirs de La Villette et ceux d’Aubervilliers, le produit de base est donc très accessible. L.T. Piver va aussi profiter des terrains disponibles pour augmenter ses capacités de production et innover dans le domaine du parfum.
Jusqu’à quand l’usine sera-t-elle en activité ?
Jusqu’en 1974. En fait, il existe trois phases dans l’histoire du groupe à Aubervilliers qui correspondent aussi à trois grandes phases de construction. De son arrivée à 1910, l’usine va passer de 2500 m² à 25 000 m² : savonnerie, parfumerie, l’usine s’étend petit à petit. En 1910, se rajoutent d’autres bâtiments qui correspondent aux innovations techniques, notamment à l’arrivée de la parfumerie de synthèse. Et à partir de la fin de la première Guerre Mondiale, c’est la période d’apogée de la maison.
Combien de personnes l’usine employait-elle au plus fort de son activité ?
En 1927, la fabrique emploie 1500 salariés, principalement des femmes, qu’on appelle les « pivereuses ». Pourquoi des femmes ? Parce que l’industrie de l’époque considère qu’elles savent faire un travail plus minutieux : elles sont employées principalement à des taches non mécanisées : la mise en flacon, le conditionnement. Et même si on pourrait dire aujourd’hui qu’elles étaient exploitées, elles se considèrent elles-mêmes comme l’aristocratie des ouvrières.
Que reste-t-il aujourd’hui des bâtiments ?
Quasiment tout, sauf les machines. Même si les bâtiments ne sont pas classés, ils ont été extraordinairement bien conservés. Samedi, ce que les visiteurs verront surtout, c’est de la brique et du béton. Ce sont des bâtiments très soignés, construits en étages. Ce qui est aujourd’hui la salle d’exposition de POUSH, avec sa coupole de béton armé, vaut notamment le détour.
Oui car depuis 2022, cette friche industrielle a retrouvé une activité…
Oui, elle est occupée par POUSH, un lieu d’artistes pour la création et l’exposition. Quelque 270 artistes y ont des ateliers, dans toutes sortes de domaines : arts visuels, photographie, performances… Samedi, la visite combinera donc visite patrimoniale et portes ouvertes des ateliers. Ce qui montre aussi que le patrimoine n’est pas que de la vieille pierre, mais quelque chose de vivant. Une vision à laquelle on tient au Département.
Propos recueillis par Christophe Lehousse
Photos: photo de Une: ©Manifesto/carte postale: ©Archives départementales de la Seine-Saint-Denis
– Samedi 21 septembre :
2 formules de visites sont possibles ;
– à 14h, 15h30 et 17h, un parcours de visite combine explications historiques et atelier de création de parfum- inscriptions sur Explore Paris
à 14h30, 16h et 17h30, des visites patrimoniales sont aussi possibles