Grand Corps Malade, poète en jean-baskets

Grand Corps Malade, poète en jean-baskets
Musique
  • Dans « Reflets », son nouvel album qui sort le 20 octobre, le slameur de Saint-Denis parle une nouvelle fois d’amour, de climat et bien sûr de banlieue.
  • 20 ans après ses débuts dans le slam, il nous reparle de ses premières scènes, d’abord dans le 18e, puis au Café culturel de Saint-Denis.
  • Un film sur Aznavour, que Grand Corps Malade avait rencontré, est aussi en approche.

Quels seront les thèmes de « Reflets », votre nouvel album ?

« Reflets » parlera de famille, de climat, d’amour. La chanson qui s’intitule Reflets et qui donne son nom à l’album aborde quant à elle ma relation au public. Je ne sais pas qui est le reflet de l’autre. Quand je parle de moi dans mes chansons, je parle aussi d’eux. Et puis, en concert, quand ils chantent certaines de mes chansons, je ne sais pas qui inspire l’autre. Il y a aussi une chanson qui s’intitule Autoreflets, dans lequel je reviens sur tout ce qui m’a nourri, et notamment les milieux populaires dans lesquels j’ai grandi.

Sur votre dernier album, « Mesdames », la chanson « Enfants du désordre » résonne étrangement avec les émeutes consécutives à la mort de Nahel…

Ca n’est malheureusement pas plus étonnant que ça. Ce n’est pas la première fois que les quartiers populaires se révoltent parce qu’ils en ont marre de la manière dont ils sont traités. « Enfants du désordre » parle de ces gamins qui n’ont pas les mêmes chances que d’autres. Alors bien sûr, dans les émeutes qui ont suivi la mort de Nahel, il y a aussi eu des débordements, des gens qui en ont profité pour faire n’importe quoi. Mais au départ, ce qui est violent, c’est de grandir dans un quartier où tu n’as pas les mêmes chances qu’ailleurs. Ce qui est violent, c’est la bavure policière qui est inacceptable.

Dans « Je viens de là », que vous aimez reprendre lors de chacune de vos tournées, vous parlez de la banlieue et de « sa vraie énergie ». Ca vous agace que certaines personnes ne la voient pas, cette énergie, et jugent les quartiers sans même y avoir les pieds ?

Oui, ça me désole. Attention, je ne dis pas que dans les quartiers, il n’y a pas de problèmes. Je n’ai jamais eu de vision angélique. Mais ce qui me désole le plus, c’est les gens qui parlent sans connaître. Celui qui a vécu là-bas ou qui a fait l’effort d’y venir longuement, de parler avec les gens ok, il peut donner son avis, et on peut aussi ne pas le partager… Mais celui qui ne fait qu’un pseudo-reportage journalistique d’une heure, ça ce n’est pas possible… Malheureusement on voit encore dans les médias des stéréotypes très négatifs qui ne rendent pas justice à tout ce qu’est la banlieue. Certains ne voient pas l’énergie, la solidarité, la créativité, l’enthousiasme qu’il y a dans ces milieux populaires… C’est bien dommage.

Etes-vous étonné par le succès massif du rap et aussi du slam au cours des dernières décennies ?

Je ferais quand même la distinction entre hip-hop et slam, même si le slam fait aussi partie des cultures urbaines. Pour le hip-hop, évidemment qu’après 40 ans de succès en France, on ne peut plus le voir comme un phénomène de mode. S’il inspire aujourd’hui jusqu’à la danse contemporaine ou la mode, c’est parce que c’est un art d’expression libre extraordinairement puissant. Pour le rap, dès les débuts, il y avait cette urgence de dire, de raconter ce qui se passe. C’est son essence, et ça l’est resté : on prend toute la colère, la détresse des cités et on en fait quelque chose de créatif, de revendicatif. Pour le slam, il est aussi né dans les quartiers populaires, mais plus dans des bars que dans la rue. Pour moi, le succès du slam tient à son côté très facile d’accès. Un texte, un micro, et c’est parti. Dans les années 2000, on a tout à coup redécouvert que le mot poésie n’était pas si ringard que ça, qu’on pouvait encore être poète au 21e siècle, en jean baskets…

Parlez-nous de vos débuts sur la scène du Café culturel de Saint-Denis…

En fait, ce n’était pas au Café culturel de Saint-Denis. J’ai d’abord démarré à la Teranga, un petit café africain près de la Place de Clichy. Si j’ai commencé là-bas en 2003, c’est parce que je n’assumais pas encore forcément de me livrer devant mes voisins et amis. Quand je me suis senti prêt, quelques mois plus tard, là je suis monté sur la scène du Café culturel. Et ensuite, avec mes potes Ami Karim et John Pucc’Chocolat (alias Jacky Ido), on a repris la scène du Café culturel jusqu’en 2010.

Et puis, vous tournez aussi un film sur Aznavour. Pourquoi avoir choisi ce sujet ?

Parce que j’ai eu la chance de le connaître. Je l’avais rencontré via Jean-Rachid Kallouche, mon producteur, qui était son gendre. Son parcours m’a toujours fasciné. Au-delà de sa légende, toute son histoire est incroyable, notamment ses débuts où il s’est accroché parce que le succès n’était pas tout de suite au rendez-vous. C’est d’ailleurs toute cette période de l’avant-succès qu’on veut montrer dans le film, porté par un grand Tahar Rahim qui incarne Aznavour.

Vous aviez même chanté avec Aznavour sur un de vos albums…

Oui, une chanson qui s’appelle « Tu es donc j’apprends ». J’y étais allé au culot pour lui demander s’il voulait bien faire un duo avec moi. Il m’avait répondu avec sa classe habituelle, en me vouvoyant, car il vouvoyait tout le monde : « Avec grand plaisir. Vous écrirez le texte, j’écrirai la musique et pour ma partie, composez-moi s’il vous plaît un texte en alexandrins ». Ca avait donné cette chanson sur l’ouverture à l’autre. Parce que pour moi, il était comme ça : curieux de tout. Alors qu’il était déjà un vieux monsieur, il aimait se tenir au courant des nouvelles créations dans le rap ou le slam.

C’est votre troisième film après Patients et La vie scolaire. Comment êtes-vous passé du micro à la caméra ?

Comme toujours chez moi, c’est le stylo qui était là d’abord. En 2012, j’avais écrit un livre, Patients, qui racontait mon année passée en rééducation après mon accident. Ensuite, je voulais me frotter à l’écriture d’un scénario, voir ce que ça donnerait. Comme au cours de ce processus, des tas d’images me venaient, j’ai eu envie de passer aussi à la réalisation. Mais je ne m’en sentais pas capable tout seul, alors j’ai proposé à mon pote Mehdi Idir, lui aussi de Saint-Denis, d’embarquer dans cette aventure. Et c’est encore avec lui qu’on fait le film sur Aznavour.

Impossible de parler de Saint-Denis sans évoquer les JOP qui s’y dérouleront dans moins d’un an. Pensez-vous que cet événement soit une chance pour le développement du territoire ?

Je ne suis pas expert de ces questions et voilà quelques années que je n’habite plus Saint-Denis. Mais je dirais que oui. Je me souviens encore du Stade de France. Là aussi, il y avait des polémiques. Mais quand on regarde en arrière, c’est une évidence qu’il a contribué à faire rayonner Saint-Denis et largement aidé à développer tout le quartier de la Plaine. Je pense qu’avec les JO, c’est pareil. Je reste persuadé qu’ils peuvent apporter beaucoup au territoire. Parce que ça a été pensé pour qu’il y ait un héritage. Un événement comme celui-là devrait laisser un impact positif en termes d’installations sportives, de développement du sport féminin, du sport scolaire, du handisport…

Les dates de la nouvelle tournée de Grand Corps Malade sont consultables ici :

https://www.facebook.com/GrandCorpsMaladeOfficiel/?locale=fr_FR

Tous les commentaires1

  • MATTEUCCI

    MAGNIFIK 🙂

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *