Et au milieu coule un canal : un recueil de contes pour enfants autour du canal de l’Ourcq
- Habitante de Noisy-le-Sec, la journaliste et autrice Joséphine Lebard présente au Salon du Livre Jeunesse de Seine-Saint-Denis « Le Farfafriche et autres contes du quartier », un recueil de récits merveilleux qui prend pour décor le canal de l’Ourcq.
- Spéculation immobilière, premières amours et omniprésence des téléphones portables, voilà les principaux thèmes autour desquels tournent ces contes joyeux et résolument modernes.
- « On dit toujours que les banlieues n’ont pas d’histoire, mais c’est complètement faux. La banlieue au contraire, ça a toujours été un endroit d’histoires et de mythes », estime cette autrice passionnée, grande défenseuse du 93.
Pendant la séance photo au bord du canal, une péniche vient providentiellement mettre un peu de mouvement dans ce vendredi gris de fin octobre. A tel point qu’on pourrait penser qu’un gentil génie est à la barre du bateau qui remonte paisiblement les eaux, direction Paris.
Les contes de Joséphine Lebard, que l’autrice a pris soin de placer systématiquement au bord du canal de l’Ourcq sans jamais le nommer, sont comme ça, peuplés de lutins et d’esprits que seuls les enfants, âmes particulièrement éveillées, savent encore voir.
Dans l’un, c’est un Farfafriche, farfadet facétieux des friches, qui va aider les marmots à défendre un espace promis à un projet immobilier comme il y en a des tonnes. Dans l’autre, c’est une sirène qui apparaîtra à Ilyès pour lui faire connaître ses premières amours. Et que dire de la fantastique fée du bus 396, empêchée désormais de faire se rencontrer les gens à cause d’un charme plus puissant que le sien : celui des écrans des téléphones portables ?
« Ce recueil est né pendant le confinement. On cherchait alors tous un moyen d’éloigner nos enfants des écrans, et c’est là que j’ai pensé à écrire ces contes et à les installer en banlieue. Parce que c’est mon environnement quotidien et que ça me faisait rire d’imaginer une fée ou un farfadet dans ces décors-là. C’est aussi une manière de répondre à ceux qui disent que les banlieues n’ont pas d’histoire, ce qui est complètement faux. », explique l’autrice du recueil Joséphine Lebard, qui, après être née et avoir grandi aux Pavillons-sous-Bois, habite désormais Noisy-le-Sec.
Le canal comme balise
Ses récits joyeux et vivants, dont les héros récurrents s’appellent Oulematou, Lisa et Ilyès – « des prénoms qui reflètent la Seine-Saint-Denis, pas ceux que voudrait Zemmour » – prennent pour discrète toile de fond le canal de l’Ourcq qui, comme une reliure, donne une petite unité géographique au recueil.
« Le canal, c’est une balise pour beaucoup d’habitants du département. Pour moi qui suis née et ai grandi aux Pavillons-sous-Bois, il a toujours été présent dans ma vie : j’ai appris à faire du vélo le long du canal, quand je fais des pique nique, c’est au parc de la Bergère… C’est un endroit hyper apaisant et qui permet aussi de traverser l’histoire de la Seine-Saint-Denis : les vieilles usines, le chemin de halage voulu par Napoléon, les nouveaux arrivants qu’on voit s’installer dans les nouvelles constructions… », commente cette excellente connaisseuse du 93 qui, pour les grands cette fois-ci, avait publié en 2015 avec sa complice Bahar Makooi « Une année à Clichy-sous-Bois ».
Libres de ton et d’esprit, ces contes du Canal de l’Ourcq, un peu conçus sur le modèle des contes de la Rue Broca de Pierre Gripari, savent embarquer à la fois enfants et adultes. Les défis rencontrés par Oulematou, Ilyès et Lisa maintiennent ainsi en haleine le jeune public quand quelques réflexions bien senties sont là pour faire sourire les grands, comme ces remarques sur la charge mentale des mères ou le peu de scrupules des promoteurs immobiliers.
Ecrit en amorce d’une résidence de l’autrice au collège Garcia-Lorca de Saint-Denis, portée par le Salon du Livre Jeunesse, ce recueil, sorti en octobre, sera justement dédicacé par Joséphine Lebard à l’occasion du prochain Salon du Livre jeunesse en Seine-Saint-Denis. « S’ils n’ont pas été directement inspirés par les collégiens que j’avais alors en résidence, ces contes s’adressent quand même à eux. D’ailleurs, certains avaient été agréablement surpris de reconnaître certains lieux qu’ils connaissaient. Ça aussi, ça me paraît important : que la Seine-Saint-Denis soit sujet ou décor de création et pas seulement cantonnée aux pages des faits divers. Elle mérite mieux que ça », estime Joséphine Lebard, en bonne fée du 93.
Christophe Lehousse
Photos: ©Franck Rondot
– Le Farfafriche et autres contes du quartier– aux éditions Milan, 5,50 euros
Joséphine Lebard sera en dédicace au Salon du Livre Jeunesse de Seine-Saint-Denis le dimanche 3 décembre (de 15h30 à 18h) et en débat le jeudi 30 novembre sur le thème : « L’importance de l’imaginaire dans la construction de l’enfant et de son rapport au monde »