Diamantino Quintas : tireur filtreur à fleur de peau

Diamantino Quintas : tireur filtreur à fleur de peau
Photographie
  • Connaissez-vous le métier de tireur filtreur ?
  • Une profession artisanale que Diamantino Quintas pratique depuis plus de 40 ans dans le tirage photographique argentique.
  • Portrait.

A Bagnolet, non loin du métro Gallieni, derrière un grand portail gris, qui pourrait imaginer que se love un atelier hors du temps, antre de la photographie artisanale comme il n’en existe plus ?

Sous sa verrière, un maître artisan, Diamantino Quintas et ses apprenti·e·s façonnent dans une ambiance monacale les tirages et agrandissements de la prochaine exposition sur laquelle ils et elle travaillent ou celui d’une jeune photographe rêvant du cliché parfait pour la prestigieuse maison de couture qui lui a commandé un portrait pour la presse internationale. Diamantino qui a quitté le Portugal il y a 40 ans, pour rejoindre une amoureuse française, ne se doutait pas qu’il s’installerait en France à la suite d’un second coup de foudre. Celui du tirage photographique argentique avec son travail d’orfèvre en chambre obscure. S’exprimer à travers la photographie est le moteur qui l’anime depuis ses débuts. Aujourd’hui, il peut se retourner sur le chemin parcouru, et compter sur l’équipe de 5 personnes dont des jeunes en parcours de formation qui l’assistent au quotidien pour faire tourner le laboratoire.

Son arrivée en Seine-Saint-Denis, plutôt récente au regard de la longévité de son activité professionnelle, n’est pas le fruit du hasard. Installé à Montrouge depuis des années, il lui fallait repartir à zéro après la mise en vente par le propriétaire de son studio historique. Des mois de recherches plus tard, il trouve la perle rare à Bagnolet qu’il mettra longtemps à transformer et installer, la période des confinements covid lui permettant de prendre le temps avec les expositions annulées ou à l’arrêt. « La création de ce nouveau lieu fut le moment le plus fort de ma carrière et une fierté car j’ai réussi à mener à bien le projet malgré les difficultés financières notamment grâce à une espèce de lâcher prise et l’abandon d’une obsession de réussite. »

Les ateliers de travail sur la photo doivent être spacieux et lumineux tout en gardant beaucoup d’espace pour les chambres noires sans oublier les pièces de stockages des archives et des négatifs confiés par les artistes ou les ayant-droits. C’est le cas de la famille de Gilles Caron disparu en 1970 au Cambodge en couvrant le coup d’état. Vivant la photographie « de manière profonde », Diamantino parle aussi avec passion des derniers jours du fondateur de l’agence Gamma dont le corps n’a jamais été retrouvé. Il raconte comment Caron n’aurait jamais dû faire ce dernier reportage car avait décidé d’arrêter après une expérience comme otage en Afrique mais accepte un remplacement de dernière minute qui lui sera fatal. L’équipe de Diamantino Quintas prépare minutieusement les tirages de l’exposition (visible à Vannes jusqu’à fin novembre 2024) de ce photographe mythique, entourée des visages en noir et blanc du Général de Gaulle, d’André Malraux ou d’anonymes témoins des conflits en Irlande du nord ou au Biafra.

Quand on lui demande pourquoi s’échiner avec de la photographie argentique alors qu’il existe des outils numériques, sa réponse est évidente. « L’argentique est beaucoup plus vivant. Chaque tirage est unique. Avec le numérique, vous regardez un écran puis appuyez sur un bouton. En chambre noire, on travaille sans filet et tout est fait au « feeling ». Et d’utiliser une métaphore gastronomique. Pour manger, vous pouvez faire réchauffer un plat surgelé ou bien préparer un met maison qui vous fait envie. Dans les deux cas, il s’agit de nourriture mais le désir n’est pas le même. En photo, c’est pareil. Les gestes vont être fait en fonction de cette attirance et de ce désirNous sommes aussi force de proposition sur chaque tirage, ce que les photographes et les artistes apprécient tout particulièrement, car avec nous, il y a de la place pour de l’expérimentation. »

De la qualité, de la création et de la vie donc. « Nous, êtres humains, ne sommes pas parfaits mais nous sommes vivant·e·s. Nos contours, nos traits sont en chair et en os et du sang coule sous notre peau. C’est pour cela que nous dégageons de la brillance et de la lumière. Quand nous sommes mort·e·s, tout se fige, la symétrie du visage devient parfaite car plus rien ne bouge. Pour la photo c’est la même chose : un tirage numérique sera parfait car figé robotiquement. Un tirage argentique sera imparfait mais renverra de la lumière… Il est organique par les matières qui le composent comme l’argent ».

Le Diamantino Labo Photo est aussi un cocon pour les performances artistiques. La dernière en date, celle d’une plasticienne qui a fait réaliser des tirages vivants sur des artistes aux corps peints ! Accompli professionnellement, il reste à Diamantino un rêve à réaliser, celui de monter une école de photo dans son petit village natal du nord du Portugal, (à Neves, situé près de la Galice espagnole), quand le moment de prendre sa retraite sera venu. En attendant, il a gagné son pari d’y organiser cet été une exposition issue des négatifs des grands noms qu’il conserve à Bagnolet, le plus dur étant d’en sélectionner quatre par photographe pour témoigner de la quintessence de leur œuvre.

Labellisé Artisan d’art, ambassadeur In Seine-Saint-Denis, il est bien sûr possible de visiter le laboratoire (via Explore Paris) pour comprendre les différences entre un tirage couleur (en chambre noire totale) et un tirage noir et blanc mais surtout pour s’imprégner de l’histoire et de l’ambiance de ce lieu de création unique. Un moyen aussi pour Diamantino de faire partager une passion et un savoir-faire reconnu à l’étranger, des artistes se déplaçant du monde entier pour bénéficier de son expertise, comme ce photographe de plus de 90 ans débarquant de Londres pour venir travailler ses tirages avec l’équipe du Diamantino Labo Photo !

Photos : Bruno Lévy

 

 

Tous les commentaires1

  • PERIQUITO Esther et Fernando

    Et dire que le 25 Avril 1987 ce Jeune homme à été le photographe de notre mariage dans mon album j’ai des très belles photos en noir et blanc et là je viens de lire son parcours bah rien ne m’étonne car il aimait vraiment ça bonne continuation et j’espère voir votre projet au Portugal (Neves ) .Cordialement

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