Des courts-métrages pour gagner en confiance
- L'association montreuilloise Etonnant cinéma initie à l'audiovisuel les jeunes et les publics éloignés de l'emploi.
- Une douzaine de bénéficiaires du RSA suivent depuis fin octobre un parcours destiné à leur faire découvrir les techniques de réalisation, les métiers du cinéma, la programmation...
- Nous les avons suivis sur leur tournage au profit du Festival du film franco-arabe de Noisy-le-Sec.
« C’est assez intense de tourner… Tu dois penser à plein de choses en même temps, trouver la bonne luminosité, respecter la règle des tiers pour les différents plans, ne pas laisser traîner la perche de son dans le champ… » confie Rikhant, 50 ans, concentrée sur le viseur de la caméra dans une salle de la Micro-Folie* de Noisy-le-Sec. Avec son camarade Philippe, 62 ans, qui actionne la perche micro, l’allocataire bondynoise filme un atelier de dessin avec des enfants animé par le bédéaste Salim Zerrouki en multipliant les gros plans sur les caricatures de l’artiste et les premières planches esquissées par les bambins.
Conseillé·es par Lizzie Treu, journaliste reporter d’images, les 12 bénéficiaires du RSA sont passé·es à tour de rôle derrière la caméra (de la jeune femme) pour réaliser un court-métrage sur le métier de l’auteur-illustrateur algérien. Celui-ci dévoilera plus tard en « face caméra » son parcours d’artiste et son engagement contre l’islamisation rampante qui ronge son pays.
Une remobilisation financée par le Département
Sélectionné·es dans le cadre de l’appel à projets Seine Saint-Denis compétences financé par le Département, les participant·es, originaires du territoire, ont débuté fin octobre un parcours assez intensif de deux à trois après-midis par semaine, en apprenant d’abord les techniques de tournage vidéo. « Nous avons ensuite réalisé des capsules vidéo de professionnels du cinéma comme Antonin, le projectionniste du cinéma Le Trianon de Romainville passé par le même atelier que nous, une cheffe opératrice dans un studio de post-production de Saint-Denis, un chef décorateur, deux réalisatrices… » détaille Aurélien, 41 ans.
Initiés à la programmation, les « alumni » ont aussi rencontré une comédienne clown qui les a coachés pour les aider à présenter leur choix de courts-métrages devant le public du Festival du film franco-arabe de Noisy-le-Sec. Mobilisé·es sur 20 séances, ils·elles ont par ailleurs fait connaissance avec l’équipe du cinéma le Trianon et assisté aux coulisses du festival.
« En visionnant les courts-métrages, j’ai été impressionnée par la richesse du cinéma arabe, l’engagement des réalisatrices du Maghreb contre le patriarcat, le métissage des cultures… » confie Mathilde, 31 ans, passionnée par cette immersion dans le 7ème art.« De mon côté, ce parcours a été une véritable résurrection à un moment où j’étais seule chez moi et sortant de soucis de santé » déclare sa camarade Camille.
Créer du lien social et de la réassurance
Rikhant, Aurélien, Camille… qui, pour certain·es, ont une expérience dans la mode ou la couture, ont développé leur petit réseau dans les salles de cinéma fréquentées. « Au-delà d’être un plus sur un CV, cette formation leur apporte de la confiance en eux, de la convivialité et la possibilité de s’intégrer dans un projet collectif enthousiasmant » ajoute Clara Iparraguirre, coopératrice et fondatrice de l’association Etonnant cinéma, ambassadrice du In Seine-Saint-Denis.
Les projets mis en place par cette Montreuilloise, longtemps éducatrice en Seine-Saint-Denis, ont aussi permis de rapprocher les professionnel·les de l’image avec ceux de la médiation sociale, deux milieux « qui ne se connaissent pas toujours » et créer ainsi des passerelles en ouvrant les festivals de cinéma aux personnes les plus éloignées des lieux culturels.
« Le cinéma est capable de générer du lien, susciter la réflexion, l’expression, ouvrir l’imaginaire » sourit-elle en aidant les stagiaires à réaliser une capsule vidéo. « Je vois les participants reprendre de l’assurance, c’est un outil merveilleux ! ».
Chaque année, 300 personnes issues de centres sociaux, foyers de l’Aide sociale à l’enfance, structures de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, maisons de retraite… découvrent comme eux·elles les différentes techniques du 7ème art grâce aux 15 collaborateur·rices de la structure associative. Une façon originale de s’ouvrir à de nouveaux possibles en développant les échanges et l’intérêt pour les films – donc les cultures – du monde entier.
*Espace culturel ouvert à tous·tes proposant un musée numérique, un fablab, des ateliers ludiques et éducatifs pour petit·es et grand·es.
Crédit-photo : Bruno Lévy et Etonnant cinéma