Kouté Vwa, film intimiste sur la Guyane avec un jeune Stanois

- Le 16 juillet sort « Kouté Vwa », docu-fiction sur un drame intime : le meurtre d’un jeune homme en 2012 qui avait très fortement ému la Guyane.
- Neveu de Lucas Diomar, qui avait alors perdu la vie, le jeune Melrick, adolescent qui a grandi entre Stains et la Guyane, joue le rôle principal de ce documentaire.
- Au-delà d’une réflexion sur l’engrenage de la violence, le film se veut aussi une plongée dans un quartier de Cayenne où naissent aussi des réussites comme l’association locale de tambour.

Melrick Diomar, 2e en partant de la gauche, dans « Kouté Vwa ».
« Le film est sur la violence en Guyane, ok, mais il n’y a pas que ça : il montre aussi un quartier où les gens sont soudés et se retrouvent avec plaisir pour faire de la musique ensemble. » Il l’aime, sa Guyane natale, Melrick Diomar. A 15 ans, ce jeune homme qui a grandi entre Cayenne et Stains se retrouve à l’affiche de « Kouté Vwa », documentaire de Maxime Jean-Baptiste.
Plein de tact, le film est d’abord une plongée dans un drame familial : ses protagonistes sont les proches de Lucas Diomar, jeune homme de 18 ans poignardé un soir de mars 2012 dans une rixe entre quartiers en Guyane. Enième meurtre de jeune, cette tragédie avait ému toute la Guyane, provoquant notamment la création d’un collectif, Trop violans, qui existe encore aujourd’hui.
Cousin de la victime, Maxime Jean-Baptiste a longtemps gardé en tête la marche blanche organisée juste après le meurtre avant de savoir quoi en faire. 13 ans plus tard, il a fini par retourner à Cayenne, pour y filmer Nicole, la mère de Lucas, Yannick Céré, meilleur ami de Lucas qui se trouvait avec lui le soir du drame, et donc Melrick, neveu de Lucas. Maxime, Nicole et Melrick étaient d’ailleurs présents à l’avant-première du film qui a eu lieu mardi 8 juillet à l’espace Paul-Eluard de Stains.
Réflexion universelle sur le deuil et la capacité à pardonner, sur la force à déployer pour stopper l’engrenage de la violence, « Kouté Vwa » – « Ecoutez les voix » en créole guyanais – évite cependant avec habileté tout sensationnalisme.
Non, Cayenne, la capitale de la Guyane n’est en effet pas qu’un déchainement de violences, mais une ville où les gens vivent simplement et s’entraident mutuellement. « Le quartier où on a filmé, Mont-Lucas, a une mauvaise réputation que lui ont construit certains médias. C’est très réducteur car il y a aussi dans ce quartier une grande solidarité, des associations de tambour, comme celle dont faisait partie Lucas, qui s’emploient à réunir les différentes communautés autour de la musique. », remarque Maxime Jean-Baptiste, qui a donc tourné avec sa sœur Audrey en Guyane durant tout l’été 2023. Des propos qu’on pourrait aussi appliquer à la Seine-Saint-Denis dont certains médias rapportent avec complaisance les faits divers sans jamais en restituer aussi les histoires de réussite.
Une ode à la paix et au respect

Nicole Diomar, Louis Héliot responsable cinéma au centre Wallonie-Bruxelles, Maxime Jean-Baptiste le réalisateur et Melrick Diomar, lors de la projection de Kouté Vwa à Stains, le 8 juillet.
Trop jeune pour avoir des souvenirs de son oncle, Melrick, lui, joue donc l’élément à qui on explique qui était Lucas et les circonstances qui ont amené à son meurtre en 2012. La relation qu’il montre à l’écran à sa grand-mère Nicole, toute en douceur et en compréhension, agit notamment comme un baume sur une plaie béante.
« Depuis la mort de Lucas, la violence n’a malheureusement pas diminué en Guyane. C’est peut-être même pire. Dans le quartier où j’ai grandi, de trop nombreuses fresques rendent hommage à des jeunes tués pour rien, pour une chaîne en or ou un regard de travers. », raconte Melrick. Mais le jeune homme qui a donc grandi à Cayenne jusqu’à ses 5 ans avant d’y revenir pour son année de 4e, enchaîne aussitôt : « Mais encore une fois, il n’y a pas que ça. Moi je suis fier de la Guyane. Ce film m’a servi à mieux savoir qui je suis et aussi à le montrer à mes amis de Stains ». La douce voix de Josy Masse, chanteuse guyanaise ou les musiques entraînantes de carnaval, contrastent ainsi avec la brutalité de l’histoire racontée.
Désormais revenu à Stains où il entrera l’année prochaine en seconde au lycée Utrillo, Melrick se verrait bien continuer l’aventure sur grand écran. A 15 ans, ce fan de films d’action et de d’horreur pourrait à nouveau tourner derrière la caméra de son grand cousin, qui prépare un deuxième long-métrage sur « la notion de figurant » et certains tournages de films-chocs « qui déboulent dans un quartier avec des idées préconçues et qui, sous prétexte de dénoncer une certaine violence, ne font en fait que la perpétuer ». Kouté Vwa est tout l’inverse : une ode à la paix et au respect.
Christophe Lehousse