Aïssa Maïga, citoyenne du monde… et de Romainville

Aïssa Maïga, citoyenne du monde… et de Romainville
Cinéma
  • Rendue célèbre par ses rôles dans « Bamako » ou « Il a déjà tes yeux », la comédienne s’est installée à Romainville il y a 5 ans.
  • Elle y a présenté en avant-première « Promis le ciel », film tunisien dans lequel elle joue et qui sera en salles le 28 janvier.
  • Celle qui a déjà signé deux documentaires travaille à un autre, sur son propre père, journaliste qui était proche du leader burkinabè Thomas Sankara.

Qu’est-ce qui vous a poussé à jouer dans « Promis le ciel », drame sur les populations noires en Tunisie ?

Le regard d’Erige Sehiri, la réalisatrice du film, sur cette histoire. Elle qui vient du documentaire avait à la fois une approche sensible mais aussi très pertinente du point de vue politique. Son regard plein d’empathie mais aussi esthétique manquait dans le paysage concernant la question de la migration qui est réduite souvent à des chiffres…

« Promis le ciel » raconte l’histoire de 3 femmes issues de la communauté ivoirienne qui vont connaître chacune le racisme en Tunisie…

Le film est intéressant à plus d’un titre. Premièrement, il vient rappeler que 80 % de la migration africaine a lieu sur le continent. Ca vient contrecarrer l’idée reçue selon laquelle les Africains ne chercheraient qu’à venir en Europe pour « grand-remplacer » tout le monde. Et puis, on s’attache à ces 3 femmes parce qu’on les rencontre dans leur complexité humaine. Elles ne sont pas réduites au fait de ne pas avoir de papiers : elles ont des projets, de l’ambition, des rêves et des difficultés…

Vous avez tourné avec des réalisateurs maliens, anglo-nigérians, tunisiens. Vous-même avez réalisé un documentaire sur des femmes au Niger (Marcher sur l’eau). On sent que vous voulez que l’Afrique soit plus présente au cinéma…

Oui, c’est vrai que c’est un peu mon obsession. Evidemment, je suis française, mais je me sens aussi pleinement appartenir à mon identité malienne. Au-delà de ça, j’ai une pensée panafricaine dont j’ai hérité d’un point de vue familial. Encore une fois, je suis curieuse du monde entier, mais il y a en Afrique des histoires qui n’ont pas encore pu être racontées. Parce qu’accéder à la formation dans les métiers du cinéma, c’est encore très difficile. Parce que la diffusion des films est aléatoire. Donc j’essaie d’y mettre toute mon énergie, comme comédienne, comme réalisatrice et aussi maintenant comme productrice.

Voilà maintenant 5 ans que vous vivez à Romainville. Qu’est-ce qui vous a menée ici ?

Un peu le hasard de l’immobilier. Paris était bien trop cher et j’ai découvert cette petite commune de Seine-Saint-Denis, encore pleine de son histoire de classes populaires. Je m’y sens bien, c’est une ville en pleine mutation avec cette toute nouvelle ligne de métro…

Et son cinéma, le Trianon…

Oui. Que je connaissais déjà bien parce que petite, je regardais la Dernière séance avec Eddy Mitchell. Si on m’avait dit, quand j’avais 6-8 ans, que je serais actrice et que je viendrais présenter un de mes films dans cette salle-là ! J’ai l’impression d’être entrée dans ma télé et d’avoir fait un voyage dans le temps (rires).

« Si j’écrivais quelque chose sur la Seine-Saint-Denis, ce serait plutôt un projet collectif. »

La Seine-Saint-Denis pourrait-elle vous inspirer un film ?

Oui, plein ! Mais je pense que si j’écrivais quelque chose sur la Seine-Saint-Denis, ce serait plus un projet collectif. En m’appuyant sur des associations… Aussi pour donner à voir la diversité qu’il y a ici.

En 2018, avec « Noire n’est pas mon métier », vous et d’autres comédiennes noires dénonciez la manque de diversité dans le cinéma français. 7 ans après, estimez-vous qu’il y a eu des améliorations ou pas ?

Il faut aller voir les dirigeants des chaînes de télé pour leur demander si ça a changé. Moi je n’ai pas les chiffres. J’ai bien une impression, mais dans ce domaine, on ne peut se satisfaire d’impressions. J’ai le sentiment que sur les affiches par exemple, la diversité, on l’a un peu oubliée. Alors c’est peut-être au profit – et ça on peut s’en réjouir – de la question des femmes. En tous les cas, je n’ai pas énormément d’espoirs sur cette question de la diversité au cinéma. Je trouve compliqué aujourd’hui d’aborder ce sujet dans la période qu’on vit sans s’épuiser.

Dans quelles productions pourra-t-on vous voir prochainement ?

Dans « Un Château en Espagne », un téléfilm de Corinne Masiero sur le mal-logement, où je joue en tandem avec Romane Bohringer. Et dans « Juste après l’aube », un film de science-fiction d’Olivier Boillot. Le pitch : en rentrant de leur mission, des astronautes découvrent qu’il n’y a plus de vie sur terre…

Et comme réalisatrice ?

Je travaille à un documentaire. L’histoire de mon père en fait. Il était journaliste, proche de Thomas Sankara (président du Burkina Faso, assassiné en 1987). Il est malheureusement mort très jeune quand j’étais enfant. J’ai fait une partie de l’enquête et je crois avoir trouvé la forme du film. C’est un voyage intérieur…

Propos recueillis par Christophe Lehousse

Photo: ©Bruno Lévy

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