Le rêve cannois de deux jeunes de Seine-Saint-Denis

« C’est un rêve de gosse, c’est incroyable. Petit, je regardais la montée des marches à la télé, et là je vais y être » Depuis le train qui l’emmène à Cannes avec les 24 autres lauréats de l’association Moteur, Oussoumane a du soleil dans la voix.

Le petit film qu’il a tourné sur le Franc-Moisin de Saint-Denis, le quartier où il a grandi, lui vaut d’avoir été sélectionné par cette association qui, depuis 8 ans maintenant, propose à tous les jeunes de France de filmer une personne ou un lieu qui les inspirent.

Extrait du film d’Oussoumane, sur son quartier du Franc-Moisin à Saint-Denis

« Pour moi, ça a été clair direct : c’était mon quartier, là où j’ai passé mes meilleurs moments avec mes potes, là aussi où je suis allé à l’école », explique Oussoumane, qui dans sa vidéo, a réussi de jolis plans de son école primaire Auguste-Rodin et de son collège Federico Garcia-Lorca.

Même évidence pour Loïs, de Noisy-le-Grand, qui a souhaité rendre un hommage à ses grands-parents Josette et Guy, habitants de Villemomble. « Je leur dois tellement de choses. J’étais déjà un enfant curieux, mais ils ont nourri ma curiosité en me prenant chez eux toutes les semaines, en m’emmenant en vacances, en me faisant partager leurs activités- bricolage pour Guy, cuisine pour Josette », vibre le jeune homme de 16 ans.

Extrait du film de Loïs, sur des grands-parents Josette et Guy.

De milieux différents, ces deux jeunes incarnent toute la diversité de la Seine-Saint-Denis. Si Oussoumane a choisi de filmer son quartier, c’est aussi pour montrer qu’il ne se résume pas aux clichés qui circulent sur les cités. « J’ai d’ailleurs reçu beaucoup de messages de gens ayant grandi dans des quartiers de toute la France qui me disent qu’ils se retrouvent dans mon film », affirme le jeune homme. Loïs lui est fier d’avoir dit merci à ses grands-parents qui, par modestie, ne souhaitaient pas forcément apparaître à l’écran. « Je m’en suis tiré par des gros plans sur leurs mains, cela m’a aussi fait bosser ma technique en vidéo », souligne ce touche-à-tout.

Sortis du lot parmi 508 postulants cette année, ces deux jeunes hommes se rejoignent d’ailleurs dans un même rêve : travailler dans les métiers du spectacle. Pour Oussoumane, inscrit en école de théâtre, au Project 214 à Sarcelles, l’objectif ultime serait de devenir acteur, voire réalisateur. Pour Loïs, tout métier où l’on puisse « raconter des histoires » sera le bienvenu : magicien amateur et lui aussi inscrit en école de théâtre, il compte bien mettre à profit sa folle aventure cannoise pour continuer à grandir.

Parmi les rencontres inspirantes qui surviendront dans les jours qui viennent, il y a bien sûr Jonathan Cohen : l’humoriste, protagoniste notamment d’« Une année difficile » ou de « Family Business » est le président du jury de la 8^e édition de Moteur.

Mais Loïs, très mature pour ses 16 ans, compte aussi sur les rencontres avec ses pairs pour progresser. Et cela a déjà commencé : invités tous les deux sur le plateau de France 3 Ile-de-France avant leur départ pour Cannes, Loïs et Oussoumane en ont profité pour faire connaissance et échanger.

Répondant parfaitement en cela à l’un des objectifs que s’est donné l’association Moteur à sa création : « En exprimant leurs reconnaissances envers l’autre, les jeunes ont l’occasion de prendre la parole, d’apprendre à se connaître, et découvrent comment un mot peut propulser des rencontres, ouvrir de nouveaux chemins, éclairer son avenir. »

On l’aura donc compris : si Oussoumane et Loïs figurent parmi les jeunes réalisateurs récompensés jeudi par le jury, ce ne sera que la cerise sur le gâteau. L’essentiel lui est déjà acquis : dans la confiance en soi et l’expérience vécue.

Christophe Lehousse

Photos: ©Mathieu Persan