Fatima Daas, une « petite dernière » made in Seine-Saint-Denis

Fatima Daas, une « petite dernière » made in Seine-Saint-Denis
Livres et cinéma
  • Récompensé au festival de Cannes par le prix d'interprétation féminine pour Nadia Melliti , le long-métrage d'Hafsia Herzi est adapté de l'auto-fiction de Fatima Daas.
  • En 2022, nous avions rencontré l'autrice originaire de Clichy-sous-Bois.
  • Zoom sur une écrivaine sensible, qui conjugue au pluriel ses identités de banlieusarde, lesbienne et musulmane pratiquante.

« J’ai participé au projet Chroniques documentaires de Seine-Saint-Denis en animant des rencontres dédiées à l’écriture aux Ateliers Médicis à Clichy-sous-Bois » se félicite la romancière. La trentenaire a travaillé pendant une dizaine de séances avec les élèves de l’école de cinéma Kourtrajmé sur le thème « trouver sa place » et a eu le plaisir de voir leurs textes sur le corps, la sexualité, le mensonge ou la volonté de se réinventer… joués sur scène et applaudis par le public de ce lieu de création. Une mise en abîme qui a beaucoup ému celle qui a publié en 2020 son auto-fiction très remarquée « La petite dernière » qui aborde ses propres difficultés à concilier sa foi et ses désirs homosexuels.

Passer de l’anonymat à la célébrité

Révélation littéraire à tout juste 25 ans, la jeune femme a écumé les plateaux de France Inter, Arte, France Info et a fait l’objet d’innombrables portraits dans la presse quotidienne nationale comme Le Monde, Libération, Le Point… Son texte âpre et puissant raconte les tiraillements d’une adolescente élevée dans une famille musulmane pratiquante où l’amour et la sexualité sont tabous, qui découvre progressivement son attirance pour les femmes. Première autrice à avoir décrit le déchirement intérieur entre sa foi sincère et une vie sentimentale réprouvée par la religion, elle choisit « une plume libératrice » pour assumer ses contradictions, sans renoncer à ses identités multiples.

Une banlieusarde entre deux cultures

Née dans une famille nombreuse installée à Clichy-sous-Bois, Fatima est « la petite dernière » d’une fratrie de trois soeurs toutes nées en Algérie sauf elle. Moins à l’aise qu’elles en arabe dialectal, l’adolescente va vite se constituer une double culture entre voyages « au bled », prêches familiaux et influence hip-hop de ses camarades. Au lycée, elle accepte difficilement son homosexualité et participe à des ateliers d’écriture conduits par l’écrivain Tanguy Viel « sans doute pour dépasser certains non-dits dans (sa) famille ».
Bonne élève, la jeune fille est admise dans une classe préparatoire parisienne et subit des discriminations de la part des professeurs qui mettent maladroitement en cause sa féminité et ses capacités scolaires. Mal à l’aise dans cet univers, la clichoise intègre le Master de Création littéraire de l’université Paris 8 et se lance dans l’écriture de son autobiographie romancée, encouragée par l’écrivaine féministe Virginie Despentes.
« J’ai voulu employer un ton très direct, de l’ordre de l’oralité, pour exprimer mes tiraillements entre plusieurs influences : mon attachement à la France et à mes racines, ma religion et mon mode de vie… » déclare-t-elle, en espérant que son récit permettra à d’autres de trouver plus facilement leur place.

Un roman unique scandé comme du slam

Le roman initiatique « La petite dernière » permet surtout d’entrer dans la tête de Fatima Daas et de mieux comprendre son étrange « corps-à-corps avec Dieu ». Éduquée par un père violent et une mère aimante mais effacée, l’autrice a baigné pendant longtemps dans un rapport tabou à la sexualité. « À la télévision, il suffisait que la main d’un homme frôle celle d’une femme pour que mon père dise khmaj et change de chaîne illico presto. Khmaj, ça veut dire pourriture » écrit-elle dans un style presque rappé.
Entrée en littérature, la jeune femme assume la complexité en refusant de condamner une religion pourtant hostile au lesbianisme. Fatima, encensée pour son livre personnel, déroute les journalistes en affirmant sur un plateau radio qu’elle est « une pécheresse et que c’est OK, personne ne pouvant être parfait… », déclenchant des critiques sur les réseaux sociaux. La polémique a vite été dépassée au vu du succès exceptionnel de son livre, vendu à plus de 30 000 exemplaires et traduit dans six langues.
Rassurée par la réception ultra-bienveillante du public, l’écrivaine qui multiplie les rencontres et les ateliers d’écriture, intervient régulièrement dans des collèges du département pour faire connaître la littérature contemporaine aux plus jeunes.

La jeune femme, associée au scénario du film d’Hafsia Herzi, a été très émue au Palais des festivals à Cannes lorsque le Prix d’interprétation féminine a été décerné des mains de Daniel Auteuil à Nadia Melleti, qui joue son propre rôle sur grand écran. Le film, qui a également reçu la Queer Palm (Prix alternatif du meilleur film LGBTQI+), sortira au cinéma à compter du 1er octobre 2025. Rendez-vous dans les salles obscures…

 

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