"Réparer l’excision" : un parcours de reconstruction pour les femmes mutilées
En Seine-Saint-Denis, l’Unité de Prise en charge des femmes victimes d’excision de l’hôpital André Grégoire de Montreuil accompagne les femmes dans leur parcours de reconstruction. À l’occasion du 6 février, Journée internationale de lutte contre les mutilations sexuelles féminines, l’Observatoire des violences envers les femmes de Seine-Saint-Denis a rencontré Sarah Abramowich, Gynécologue, Obstétricienne responsable de l’unité de soins de l’Hôpital André Grégoire à Montreuil.
Les conséquences des mutilations sexuelles féminines
Les conséquences des mutilations sexuelles féminines (MSF) sont multiples et touchent à la fois le corps et l’esprit des femmes qui en sont victimes. « Les conséquences sont multiples : il y a les douleurs immédiates, intenses, parce que le clitoris est à vif, et malheureusement, beaucoup de décès, même si on ne sait pas combien, car ce n’est pas enregistré », explique Sarah Abramowich.
Mais les répercussions ne s’arrêtent pas là : « Les complications physiques sont nombreuses : douleurs chroniques, infections pouvant aller jusqu’à l’hépatite ou l’insuffisance rénale chronique, voire la stérilité. » À cela s’ajoute un impact psychologique considérable. « Le stress post-traumatique est bien plus fréquent chez ces femmes que dans d’autres populations, » poursuit-elle. Sur le plan sexuel, « il y a une absence totale de plaisir et des douleurs lors des rapports. »
Un accompagnement global et personnalisé
Face à ces conséquences, l’unité de Montreuil propose un accompagnement pluridisciplinaire. « On accompagne les femmes de manière globale et individualisée, en fonction de leurs besoins. Elles ont accès à des consultations en psychologie, en sexologie, avec une assistante sociale, et si elles le souhaitent, à une chirurgie réparatrice », détaille Sarah Abramowich.
La prise en charge est adaptée au rythme et aux attentes de chaque patiente. « On a mis en place des groupes de parole, dont un groupe d’entrée dans le parcours pour celles qui veulent simplement s’informer, sans nécessairement passer en consultation. » L’association Réparons l’Excision travaille aussi à l’extérieur de l’hôpital : « On veut permettre aux patientes d’avoir accès à des professionnels de santé en ville, pas seulement à Montreuil. »
Une reconstruction qui change des vies
La chirurgie réparatrice constitue une étape clé pour de nombreuses patientes. « L’intervention dure environ 30 minutes sous anesthésie, et elles rentrent chez elles le jour même », explique Sarah Abramowich. L’opération consiste à « enlever les cicatrices douloureuses, récupérer la partie interne du clitoris et le replacer au bon endroit, tout en reconstruisant les petites lèvres. »
L’impact de cette reconstruction est profond. « C’est un vrai changement pour ces femmes. Il ne s’agit pas juste d’un geste médical, c’est une réparation physique et psychologique. »
La médicalisation des mutilations : un nouveau danger
Si la reconstruction représente un espoir, un autre phénomène inquiète les spécialistes : la médicalisation des MSF. Les mutilations sexuelles n’ont aucune raison médicale. Sarah Abramowich alerte : « On ne doit pas couper pas les organes génitaux. Ce n’est pas un geste médical. C’est une grave violation des droits humains. »
Une exposition pour sensibiliser
Pour mieux faire comprendre ces réalités et sensibiliser le public, une exposition photographique et sonore a été réalisée en collaboration avec la photographe Karine Le Loët et la journaliste Élodie Ratsimbazafy. Cette exposition, qui sera inaugurée le 6 février 2025 à Montreuil avant d’être itinérante dans plusieurs communes d’Île-de-France, retrace le parcours des femmes qui ont entrepris une reconstruction.