Fatima
Depuis un accident subi à l’âge de 19 ans, Fatima vit avec un handicap mental. Une différence avec laquelle la jeune femme s’est construite et a grandi. À 51 ans, Fatima se bat aujourd’hui contre les comportements qu’elle considère comme harcelants et discriminants, imposés par son entourage. Comment lutter contre les tentatives de dépossession, lorsque la mémoire vous échappe ? Comment conserver sa dignité dans un environnement parfois hostile et violent ?
L’accident
Après son accident, Fatima débute un long chemin de rééducation et de parcours médical.
« J’ai eu un traumatisme crânien donc ça m’a… je savais plus. J’étais obligée de réapprendre à lire, à compter, j’ai vu les orthophonistes. J’ai vu plein de personnes qui sont dans le milieu médical. Je savais plus rien. »
« Si j’oublie, c’est à cause de mon accident que j’ai eu antérieurement. J’oublie à chaque fois, je cherche mes mots. Et c’est une difficulté que j’aurais toute ma vie. »
Les combats de fatima
Fatima se bat et veut travailler dans le milieu ordinaire, comme les autres, mais sa différence est perçue comme un obstacle par sa référente.
« Elle m’a dit : À cause de ces séquelles, vous pouvez pas travailler dans un milieu ordinaire, parce que vous allez péter un câble, ou vous allez mal parler aux gens qui sont normaux et puis tout ça. »
Fatima travaille alors en milieu protégé, dans un établissement spécialisé (ESAT) avec d’autres personnes handicapées. Elle y cherche sa place car cet environnement trop marqué ne convient pas à son envie d’épanouissement et de liberté.
« J’ai essayé de m’adapter, mais c’est trop dur. Je l’ai fait jusqu’au bout. »
Combative, Fatima veut maintenant passer une VAE (validation des acquis de l’expérience), et lutte contre son appréhension.
« Je vais passer ma VAE. Mais quand je me retrouve devant le jury, je panique. Mon docteur m’a dit, tu es prête, il faut y aller. »
À la mort de son mari, Fatima se retrouve seule. Elle commence à exprimer des doutes sur le comportement de sa soeur.
« Ma famille n’est pas là pour m’encourager. Ma soeur, elle, elle m’encourage pas. Elle me dit : Mais non, t’as qu’à venir à la maison, la maison maternelle et paternelle. J’ai dit non. J’ai dit dans ma tête, j’ai dit faut pas y aller. Et puis elle m’a tellement embrouillé la tête que… Vous savez Monsieur, quand on me dit tellement de choses, tout s’embrouille et après, je sais plus ce que je fais. »
Fatima se sent dénigrée par sa sœur.
« Elle m’a dit : Toi tu comprends rien, tu fais exprès de pas comprendre. Mais je suis très lucide, je sais très bien ce que je fais. »
Surtout, face aux comportements envahissants et autoritaires de sa soeur, Fatima se sent dépossédée de son quotidien, de sa vie, de son appartement.
« Je suis écoeurée par ma soeur (…). Elle, elle veut tout s’approprier et elle veut tout gérer, elle veut tout faire. Moi j’suis là, j’ai plus qu’à me la fermer et rien dire quoi. C’est comme si c’était son appartement. »
Fatima dort sur le canapé car sa soeur a déplacé des meubles dans l’appartement, jusqu’à encombrer sa propre chambre. Profitant de son handicap, elle prend des affaires dans l’appartement de Fatima sans lui demander son autorisation. Fatima se rend compte de la disparition d’objets personnels.
« Moi, ils croient que je suis bête. »
Lorsqu’elle exprime ses émotions et tente de reprendre le contrôle de sa vie, Fatima se heurte au chantage affectif de sa soeur.
« Alors moi j’en ai eu marre, alors j’ai eu la moutarde qui m’est montée au nez et je lui ai dit : Écoute, dégage ! Alors elle est partie. Moi je lui ai dit : Ben alors mon neveu et ma nièce je les verrais plus ? Elle m’a sorti : Ha ben non ! Ceux qui m’aiment pas, y z’aiment pas mes enfants. Mais ça c’est archi faux ça. »
Les combats de Fatima sont permanents et se matérialisent dans les gestes simples du quotidien. Après la mort de son compagnon, Fatima décide de se rendre seule au Salon de l’agriculture.
« J’voulais voir par moi-même, est-ce que je suis capable… et puis là je me suis dit faut que tu te fasses comme un défi. Faut qu’t’essayes d’y aller toute seule. »