Communiqué de presse – 16 octobre 2022Précisions du Département de la Seine-Saint-Denis suite au documentaire de « Zone Interdite » sur l’Aide Sociale à l’Enfance
Dimanche 16 octobre a été diffusé à 21h sur M6 un nouveau numéro de l’émission « Zone Interdite », consacré aux dysfonctionnements de l’Aide Sociale à l’Enfance. Le Département de la Seine-Saint-Denis fait partie des départements mentionnés. Si nous ne nions pas les difficultés relatées, nous tenons à apporter des précisions et regrettons le traitement systématiquement négatif fait de la protection de l’enfance et des professionnel·le·s par cette émission.
Sur les méthodes employées par la production
Le Département de la Seine-Saint-Denis a été contacté en juillet 2021 avec pour demande explicite de témoigner sur le sujet des jeunes pris·e·s en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) et hébergé·e·s en hôtel social. Deux ans après un premier documentaire sur l’ASE, nous avons fait le choix résolu d’ouvrir au maximum le dialogue et nos portes pour la réalisation de ce documentaire, en répondant favorablement à l’ensemble des demandes de l’équipe de production. L’affirmation qui est faites dans le documentaire selon laquelle aucun Département, sur la dizaine contactée, n’a accepté d’ouvrir la porte d’hôtels sociaux est donc mensongère. Dans l’intervalle de plusieurs mois, cette équipe a ainsi pu accompagner des visites de contrôle inopinées réalisées dans plusieurs hôtels sociaux, a pu visiter un établissement ouvert quelques mois auparavant comme alternative à l’hôtel, et a pu rencontrer des professionnel·le·s et des jeunes. Une interview de plus d’une heure a également été réalisée avec Stéphane Troussel, Président du Conseil départemental, qui a pointé les difficultés et les manquements liés à l’hébergement des jeunes à l’hôtel, et détaillé le travail important mené par les équipes départementales pour y remédier progressivement.
Nous faisons le constat, en découvrant le documentaire, qu’aucune image des différentes visites n’a été conservée lors du montage final, et que l’interview ne donne lieu qu’à une citation sur un tout autre sujet que l’hébergement des jeunes hébergé·e·s à l’hôtel. La volonté des producteurs de ne quasiment rien garder de tout ce que nous leur avons montré et pour quoi nous avons été sollicités relève de leur liberté, et ne saurait être mise en cause. Nous déplorons toutefois que la production ne nous ait à aucun moment informé de son angle et de ses intentions réelles en amont de nos discussions, comme en aval des tournages, et ce jusqu’au jour même de la diffusion du documentaire. Cela pose à l’évidence une question de déontologie journalistique et questionne quant au choix délibéré d’occulter tout élément ou point de vue autre que ceux relatifs aux dysfonctionnements.
Nous regrettons que les professionnel·le·s qui ont participé au tournage et qui ont donné à voir la réalité de leurs missions et l’engagement quotidien qui est le leur ne soient pas visibles, laissant à voir une version tronquée de ce que sont et font les professionnel·le·s du Département et des associations de la prévention et de la protection de l’enfance. Nous regrettons également que l’action du Département dans l’accompagnement à la sortie de l’hôtel et la mobilisation des partenaires et des professionnel·le·s autour de ce projet n’aient pas été retenues.
Nous préférons saluer l’engagement de toutes celles et ceux qui au quotidien en Seine-Saint-Denis et dans les autres départements accompagnent les enfants et les jeunes pris·e·s en charge par l’ASE.
Sur les faits relatés dans le documentaire
Le documentaire rend compte de situations vécues dans deux services d’accueil d’urgence en Seine-Saint-Denis. Ces structures sont, par nature, des lieux d’accueil de publics particulièrement vulnérables. Les enfants et les jeunes y sont placé·e·s de manière temporaire, dans un contexte d’urgence, suite à une décision judiciaire de mise à l’abri immédiate, ou suite à une rupture dans leur parcours, avec par exemple la fin d’un placement dans un établissement « classique » ou une famille d’accueil.
Le premier établissement de Seine-Saint-Denis mentionné dans le documentaire donne à voir des jeunes pris·e·s en charge par l’ASE et impliqué·e·s dans des trafics de drogue. L’établissement et le service de l’ASE sont en lien avec le commissariat de proximité pour œuvrer à la fin des trafics. Nous travaillons également en lien étroit avec la pédopsychiatrie pour fournir un accompagnement satisfaisant aux jeunes concerné·e·s, dont les fragilités sont souvent nombreuses. Ces actions sont à l’évidence encore aujourd’hui insuffisantes pour enrayer cette problématique, et demandent à être renforcées, y compris au travers d’un engagement plus fort en matière de police. C’est aussi vrai en matière d’accompagnement des jeunes, même s’il est faux d’affirmer que l’établissement ne propose ni projet éducatif, ni accompagnement à la scolarisation. Un travail partenarial est mené avec le collège de proximité pour faciliter la re-scolarisation des jeunes lorsqu’elle est possible. Des activités et sorties sont également régulièrement proposées par l’établissement.
Nous allons par ailleurs procéder dans les meilleurs délais au contrôle des méthodes de recrutement de l’établissement qui gère ce foyer.
Le second établissement mentionné dans le reportage montre des jeunes filles victimes de la prostitution. Nous observons une hausse des situations de prostitution des mineur·e·s sur l’ensemble du territoire national ces dernières années et notamment en Seine-Saint-Denis. Les jeunes, et notamment les jeunes filles, confié·e·s à l’ASE, sont davantage victimes de la prostitution, car particulièrement vulnérables et en proie à des réseaux.
Conscient de l’accroissement de ce phénomène, le Département travaille étroitement avec le Parquet pour signaler ces situations et favoriser l’avancement des enquêtes. La prise en charge éducative des mineur·e·s victimes de la prostitution est une problématique éducative complexe. Les éducateurs et éducatrices doivent permettre aux jeunes filles de sortir des réseaux dans lesquels elles sont impliquées tout en maintenant un lien de confiance avec celles-ci, afin d’éviter la multiplication des fugues, facilitées par leur appartenance à des réseaux de proxénétisme.
Pour faire face à ce phénomène, nous avons engagé une feuille de route de prévention et de lutte contre la prostitution des mineur·e·s, en décembre 2021. Celle-ci repose sur trois grands axes : mieux prévenir les conduites à risque prostitutionnel, accueillir et accompagner les victimes de la prostitution ou en risque de l’être, et outiller les professionnel·le·s qui les accompagnent. Cette feuille de route repose notamment sur un partenariat étroit avec l’Amicale du Nid, association experte sur le sujet.
Parmi les actions mises en œuvre, des mesures d’accompagnement et de placement dédiées ont été créées, des interventions auprès des jeunes mais aussi des professionnel·le·s dans les lieux d’accueil de l’ASE sont planifiées et des consultations en traitement de psycho-traumatisme sont proposées. Dans les prochains mois, des places d’accueil d’urgence doivent encore être créées. Le Département va également soutenir, via un appel à projet, des interventions d’associations dans les lieux d’accueil de l’ASE autour de la vie affective, relationnelle et sexuelle, aspect central du travail de prévention à mener.
Si cela n’enlève rien aux difficultés encore constatées et dont absolument personne ne se satisfait, le Département de la Seine-Saint-Denis a donc décidé de se positionner en pointe parmi les Départements de France pour tenter de faire face au fléau de la prostitution des mineur·e·s, avec un programme de lutte contre la prostitution des mineurs financé à hauteur de 2,4 millions d’euros en 2022.
Sur les actions du Département de Seine-Saint-Denis en faveur de la protection de l’enfance
Le Département prend sa pleine responsabilité dans les problèmes identifiés dans le documentaire. Encore une fois, nous regrettons simplement que ce type de production ne mette en lumière que les dysfonctionnements et ne permette pas de souligner l’engagement quotidien de la grande majorité des professionnel·le·s qui accompagnent les enfants confié·e·s.
Les enjeux et des difficultés que rencontrent le secteur de la prévention et la protection de l’enfance à l’échelle nationale sont immenses.
Avec près de 1100 agent·e·s et plus de 300 millions d’euros de budget annuel – le premier budget sectoriel de la collectivité - le Département de la Seine-Saint-Denis est réellement et massivement engagé pour prendre en charge près de 9000 enfants sur l’ensemble du territoire.
Dans un contexte de crise d’attractivité des métiers du soin, et en premier lieu ceux du travail social, nous nous sommes notamment engagé·e·s dans un plan de revalorisation de ces métiers essentiels. Outre la mise en application de mesures de revalorisation salariales, nous engageons également un travail de fond visant à favoriser l’attractivité de ces métiers et fidéliser les professionnel·le·s en poste.
Nous avons également renforcé notre politique d’inspection et de contrôle des établissements qui accueillent les enfants et les jeunes pris·e·s en charge par l’ASE depuis 2020. L’inspection générale du Département contrôle les établissements de manière régulière, avec une priorisation sur ceux où des « évènements indésirables » se sont produits – c’est-à-dire là où des situations problématiques sont identifiés par le service de l’ASE.
L’année 2023 sera l’occasion de l’élaboration du nouveau schéma de prévention et protection de l’enfance du Département. Celui-ci permettra de définir, avec l’ensemble des partenaires du secteur, les axes de travail à venir et les priorités à fixer pour accueillir dans les meilleures conditions possibles les enfants qui nous sont confié·e·s.
L’ensemble des acteurs et actrices concerné·e·s – Etat, Département, associations – partage le constat selon lequel beaucoup reste à faire. Le Département de la Seine-Saint-Denis est particulièrement engagé pour y répondre, à un niveau exceptionnel. Nous regrettons profondément, et indépendamment de tout manquement objectif, que celles et ceux qui choisissent de faire le plus, soient toujours celles et ceux que l’on stigmatise le plus.
Je dénonce pour autant fermement les méthodes écœurantes employées dans ce reportage dont la seule ambition est de traîner injustement dans la boue les professionnel·le·s du Département pleinement engagé·e·s au quotidien auprès de ces enfants et jeunes. Plutôt que de stigmatiser encore davantage à des fins sensationnalistes la Seine-Saint-Denis, nous appelons à une conscientisation de toutes et tous sur la situation de la protection de l’enfance. »
Nadia Azoug, Vice-présidente du Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis en charge de l’enfance, la prévention et la parentalité