Parcoursup : le Président de la Seine-Saint-Denis saisit le Défenseur des droits !

Stéphane Troussel

Réf.: ST/BD/TA/PS
Bobigny, le 18 juillet 2018
Monsieur le Défenseur des droits,
MONSIEUR JACQUES TOUBON
DEFENSEUR DES DROITS
LIBRE REPONSE 71120
75342 PARIS CEDEX 07

Mise en place depuis cette année à la suite de l'adoption de la loi n° 2018-166 du 18 mars 2018 relative à l'orientation et à la réussite des étudiants, la plate-forme de préinscription dans une formation initiale du premier cycle de l'enseignement supérieur, dénommée Parcoursup, présentée par le gouvernement comme équitable et transparente, nous semble au contraire revêtir les caractéristiques d'une discrimination supplémentaire à l'égard des jeunes des quartiers populaires.

La plate-forme APB, version ancienne et plus qu'imparfaite d'orientation des étudiants offrait la possibilité d'une hiérarchisation des voeux, permettant ainsi de réduire le taux d'insatisfaction dans les filières. Cette plate-forme comportait en revanche un pourcentage minime mais inacceptable de tirage au sort qui demeure un mode de détermination particulièrement injuste et illisible pour les futur.e.s étudiant.e.s. C'est d'ailleurs pour cette raison que le Conseil d'État avait, par un arrêt du 22 décembre 2007, annulé la Circulaire n° 2017-077 du 24 avril 2017 de la Ministre de l'Education nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en considérant qu'il n'était pas garanti que « l'éventuel départage, par tirage au sort entre les candidats ayant obtenu le même classement, n'interviendra qu'à titre exceptionnel et entre un nombre limité de candidats».

Malheureusement, loin de répondre aux exigences d'efficacité et de transparence indispensables, la plate-forme Parcoursup, en plus de maintenir encore aujourd'hui des dizaines de milliers de jeunes sans orientation, entretient un flou total et insupportable sur les caractéristiques de ses algorithmes locaux. La possibilité laissée aux établissements d'enseignement supérieur de créer ou non leurs propres modes de sélection sans les rendre publics, remet en cause le principe à valeur constitutionnelle d'égalité, qui doit être supérieur aux intérêts particuliers des établissements.

Malgré mes demandes répétées, et celles de l'ensemble des acteurs de l'éducation, le Ministère n'a transmis ni les chiffres par académie, ni les algorithmes ou modalités de sélection locaux conçus par les établissements. Cela laisse planer un doute très sérieux sur le choix des critères voire même sur leur existence, qui pourraient être autant sociologiques que géographiques.

Si tel était le cas, cela serait une discrimination majeure à l'égard des jeunes issus des lycées des quartiers populaires, qui semblent être les plus touchés par les refus ou les affectations insatisfaisantes.

Pour tenter d'obtenir les éléments objectifs que l'on nous refuse, j'ai lancé une plate-forme de témoignages à destination des usagers de Parcoursup. Les premiers retours sont édifiants : classes entières sans affectation, choix par défaut, ...

L'absence de transparence crée également une atteinte aux droits des candidat.e.s de Parcoursup, en ne permettant pas la contestation des inscriptions, méconnaissant ainsi le droit au recours garanti à tout citoyen :

Article 0612-3 du Code de l'Education
Modifié par Décret n °2018-172 du 9 mars 2018 - art. 3
Toute personne qui s'inscrit dans un établissement d'enseignement supérieur en qualité d'étudiant doit satisfaire aux conditions particulières exigées à cet effet par la réglementation nationale, complétées, s'il y a lieu, par les règlements de l'établissement. Le choix initial de l'étudiant peut être modifié conformément aux règles éventuellement posées à cette fin par l'établissement.

Comment modifier ou contester un choix initial comme c'est le droit de chaque étudiante, si les règles posées par l'établissement ne sont pas déterminées de manière objective et rendues publiques ?

Devant l'impossibilité d'obtenir des données objectives, c'est au nom de ma collectivité et des jeunes de la Seine-Saint-Denis que je vous sollicite, conformément à votre rôle de garant du respect des droits et libertés, sur les deux éléments expliqués ci-dessus.

Je souhaite donc que cette saisine permette de faire la lumière sur les modalités de sélection des élèves à l'entrée dans l'enseignement supérieur et établisse s'il y a une discrimination dans l'accès au droit à l'enseignement supérieur et à la poursuite d'études.

Je vous prie d'agréer, Monsieur le Défenseur des droits, l'expression de ma haute considération.

Stéphane Troussel